Il y a 100 ans, le baccalauréat devenait le même pour les filles et les garçons

par J.F.
Publié le 25 mars 2024 à 6h30

Source : JT 20h Semaine

Le 25 mars 1924, un décret instaurait un baccalauréat identique pour les filles et les garçons.
Qui étaient celles qui ont été les premières à pouvoir passer ce diplôme ?

Epreuve mythique d'un parcours scolaire français, le baccalauréat est un examen qui a plusieurs siècles d'existence à son compteur. Mais cela ne fait qu'un siècle qu'il est identique pour tous, filles et garçons. En effet, avant le décret du 25 mars 1924 énonçant que "les programmes de l’enseignement secondaire ainsi que le baccalauréat deviennent identiques pour les filles et les garçons", les deux sexes n'étaient pas soumis aux mêmes épreuves.

Dans un essai intitulé "Quand le baccalauréat devient mixte", l'historienne Evelyne Héry s'est penchée sur les premières à expérimenter cette nouvelle version du baccalauréat. L'ouverture de l'examen aux filles entraîne une augmentation du nombre d'inscrits à l'examen même si "plus nombreuses à préparer le baccalauréat, les jeunes filles le sont en moyenne trois fois moins que les garçons" (au bac de mathématiques et philosophie, dans l'académie de Rennes, environ 20% des candidats sont des filles dans les années 1930).

Un atout pour gagner sa vie et faire un bon mariage

Qui sont ces nouvelles bachelières ? "Des jeunes filles majoritairement issues des classes moyennes urbaines", indique Evelyne Héry, soucieuses d'accéder à des métiers qui nécessitent de faire des études supérieures. Le but de la réforme était de "permettre aux jeunes filles qui le souhaitaient de se préparer à toutes les carrières publiques et privées, à égalité avec les garçons", rappelle l'historienne, encore plus dans un contexte d'après-guerre qui "encourage un nombre croissant de jeunes filles à gagner leur vie"

Mais l'argument économique n'est pas le seul : obtenir le baccalauréat, c'est confirmer son "appartenance à la bourgeoisie" et un atout supplémentaire pour faire un bon mariage. "Derrière la bachelière, se profile toujours la gardienne du foyer, dont la culture acquise au lycée garantit la haute 'tenue morale' et l’autorité 'utile à l’éducation de la race'", lit-on dans l'essai. Dans le décret du 25 mars 1924, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts Léon Bérard ne souligne-t-il pas que "son ambition est de rendre accessible, d’une part, à une élite d’enfants la culture classique, et d’offrir, d’autre part, à la grande majorité des jeunes filles de nos lycées, qui n’a en vue que la vie du foyer, l’éducation élevée que le législateur de 1880 lui avait destinée".

Malgré tout, filles et garçons terminent-ils leur scolarité avec le même bagage scolaire ? Dans leurs parcours, des différences persistent, notamment moins d'heures de latin et de grec pour les filles et toujours des heures de couture. Leurs professeures ne les soumettent pas toujours aux mêmes textes que leurs camarades, et n'ont elles-mêmes pas obtenu les mêmes diplômes que leurs homologues masculins. De grosses différences s'observent également dans le choix des filières : les filles sont très majoritaires à s'inscrire au bac philo, très peu à se diriger vers un bac maths. "Les aspirations des filles se portent sur quelques types limités de métiers parce que la propension à sous-estimer leurs capacités reste enracinée dans les mentalités, y compris les leurs", écrit Evelyne Héry.

Des différences qui persistent

Ainsi, si l'accès aux filles à un bac similaire à celui des garçons a marqué "l’histoire de l’émancipation des femmes", "l’existence de jeunes bachelières de plus en plus nombreuses ne suffit pas à ce que, dans le regard du plus grand nombre des contemporains, les jeunes filles soient perçues comme autres que mères et éducatrices en puissance et soient donc, dans les faits, égales aux garçons", conclut Evelyne Théry.

Aujourd'hui, longtemps après Julie-Victoire Daubié, première femme à avoir passé le baccalauréat en 1861, les filles sont plus nombreuses que les garçons à être détentrices de ce diplôme (88 % contre 78 % en 2021). En revanche, des différences persistent, elles sont notamment toujours moins nombreuses à présenter la spécialité mathématiques.


J.F.

Tout
TF1 Info