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"Le harcèlement sexuel laisse des traces": quand les seins des statues sont usés à force d'être touchés

La statue "La jeunesse" de Brême, "Juliette Capulet" à Munich et "la femme du Rhin" à Berlin (de gauche à droite).

La statue "La jeunesse" de Brême, "Juliette Capulet" à Munich et "la femme du Rhin" à Berlin (de gauche à droite). - Terre des femmes

Dans plusieurs grandes villes allemandes, de grandes pancartes ont été placées derrière des statues en bronze de femmes dont les seins sont décolorés à force d'avoir été touchés. Une campagne de sensibilisation originale contre les violences sexistes et sexuelles expliquée à BFMTV.com par l'association Terre des femmes qui en est à l'origine.

Le harcèlement sexuel est partout, même là où on ne l'attend pas. C'est ce qu'a voulu montrer une association allemande par le biais d'une campagne surprenante. À Berlin, Brême ou encore Munich, de grandes pancartes blanches sur lesquelles était écrit "le harcèlement sexuel laisse des traces" ont été déployées début avril derrière trois statues de femmes. Sur les poitrines de ces femmes de bronze, on peut nettemment voir des traces de décoloration. Elles sont dues aux nombreuses mains qui s'amusent à toucher les seins des statues.

L'association Terre des femmes, qui lutte contre les violences faites aux femmes, est à l'origine de cette campagne. C'était pour elle une façon de mettre en lumière à quel point les poitrines des femmes sont exposées aux attouchements. Les trois statues "témoignent de plusieurs décennies d'agressions sexuelles", affirme à BFMTV.com Sina Tonk, cheffe de projet de l'organisation non-gouvernementale allemande à l'origine de cette campagne de sensibilisation, baptisée "Unsilence the violence" ("Lever le silence sur la violence", NDLR).

Capture d'écran de la vidéo de l'association allemande Terre de Femme à l'origine d'une campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexuel déployée en Allemagne en avril 2024.
Capture d'écran de la vidéo de l'association allemande Terre de Femme à l'origine d'une campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexuel déployée en Allemagne en avril 2024. © Youtube/Terre de femme

"Ce que vivent les femmes au quotidien"

Ces affiches ont été installées quelques jours dans trois villes: l'une derrière la statue de Juliette Capulet dans le centre de Munich, l'une derrière la statue d'une jeune fille baptisée La Jeunesse à Brême et la troisième devant la statue de La femme du Rhin (Frau Rhein), sur la fontaine de Neptune dans le centre de Berlin.

"Ça illustre concrètement ce que vivent les femmes au quotidien", explique cette cheffe de projet, soulignant qu'en Allemagne, 2 femmes sur 3 sont touchées par les violences sexuelles au cours de leur vie.
Des hommes en train de toucher la poitrine de statues dénudées, au point que celles-ci finissent par se décolorer.
Des hommes en train de toucher la poitrine de statues dénudées, au point que celles-ci finissent par se décolorer. © Terre des femmes

"Dans notre société, il n'est pas rare que les corps des femmes soient touchés ou embrassés sans leur consentement", poursuit Sina Tonk. "Si ces expériences traumatisantes ne laissent pas de traces visibles comme les décolorations des statues, elles laissent bel et bien des marques invisibles. C'est ça qu'on voulait mettre en avant".

À travers cette action, la porte-parole de Terre des femmes pointe également la minimisation et le sentiment d'impunité des auteurs de ces violences. "On est tellement habitués à ce genre de phénomènes qu'on les relève à peine", regrette-t-elle. "Les phrases comme 'ce n'est pas si grave, c'est juste un bisou, juste un geste déplacé' sont tellement courantes, elles illlustrent bien cette minimisation".

Les passants aux mains baladeuses ne sont d'ailleurs pas honteux de s'afficher dans de telles postures, en témoignent les nombreuses photos et autres vidéos, régulièrement publiées sur les réseaux sociaux, d'hommes en train de poser fièrement, la main posée sur la poitrine dénudée de ces statues.

D'autres exemples en Irlande et en France

Sur les affiches placardées à Brême, Munich et Berlin, un QR code permettait aux curieux d'accéder à l'ensemble de la campagne de sensibilisation, ainsi qu'à des vidéos réalisées par l'association montrant lesdites statues en train de parler pour dénoncer leur triste sort.

Ces trois statues sont loin d'être les seules touchées de la sorte. Le journal The Telegraph rapporte qu'une campagne a d'ailleurs récemment été lancée à Dublin, priant les touristes d'arrêter de tripoter le décolleté de la statue de la poissonnière Molly Malone, eux aussi décolorés par les manipulations à répétition. En France, le buste de la chanteuse Dalida à Paris est lui-aussi victime des mêmes traces d'usures.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV