Essonne : Jeunes, femmes, et armées pour affronter la vie

Imaginé par la municipalité des Ulis en 2010, porté par le département depuis 2011, le dispositif « Jeunes et femmes » permet à des femmes de 16 à 25 ans, en situation de fragilité, de se réapproprier leur corps et leur vie. Et de se construire un futur, via une série d’ateliers intensifs.

 Evry. Six ans après son lancement, le dispositif « Jeunes et femmes » a déjà pu être suivi par 538 femmes selon le conseil départemental.
Evry. Six ans après son lancement, le dispositif « Jeunes et femmes » a déjà pu être suivi par 538 femmes selon le conseil départemental. LP/Marie-Charlotte Dutheil

    Ce peut être la conséquence de confidences recueillies lors d'entretiens, ou bien de la simple intuition que quelque chose ne va pas, et que la personne n'avance pas dans son projet de vie aussi vite qu'elle le devrait. Chaque année, les conseillers des dix missions locales de l'Essonne orientent une centaine de femmes, âgées de 16 à 25 ans, vers le dispositif « Jeunes et femmes », censé leur donner « des outils pour construire [leur] vie ».

    Imaginé par la municipalité des Ulis en 2010, porté par le conseil départemental depuis 2011, il consiste en une vingtaine d'ateliers participatifs, répartis sur trois semaines. Il s'agit d'aborder les questions de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la santé et la sexualité, de l'emploi et la formation, de la réappropriation de ses choix et projets de vie, et de son corps, entre autres. En six ans, 538 femmes en ont bénéficié.

    Outil majeur de ce dispositif : le théâtre forum, né au Brésil dans les années 1960 et pensé comme « un outil de parole, mais aussi d'analyse d'une réalité, de construction d'une volonté et de préparation à l'action concrète ». Trois journées y sont dédiées. C'est la compagnie Naje, pour « Nous n'abandonnerons jamais l'espoir », qui anime ces séances.

    Des saynètes inspirées d'épisodes de leur vie

    Sur scène, les jeunes femmes se succèdent, et interprètent des saynètes inspirées d'épisodes de leur vie. Comme l'histoire de cette adolescente de 15 ans qui tente d'expliquer à sa mère que son grand-père l'a violée lorsqu'elle en avait 9, et qui s'entend répondre qu'« il était malade » et qu'« il vaut mieux oublier, et passer à autre chose ».

    « Les viols et agressions sexuelles représentent 20 % des situations que nous rencontrons dans nos sessions », rappelle Sonia Lebreuilly, sociosexologue, et fondatrice de « Jeunes et femmes ». « Comme toutes les autres formes de violences auxquelles nous sommes confrontées, ils entraînent un sentiment de solitude, de dévalorisation, et constituent l'un des principaux freins à l'emploi. Et ce sont des jeunes femmes épuisées, qui pensent que plus personne ne peut les aider, que nous accueillons. Et à qui nous nous efforçons de donner des clés pour reprendre leur vie en main. »

    Si toutes les bénéficiaires n'ont heureusement pas un passé aussi douloureux, toutes louent en revanche la qualité de l'accompagnement dont elles ont profité. « Au début, je me suis demandé à quoi ça allait bien pouvoir me servir, sourit l'une d'entre elles. Et puis très vite, je me suis aperçue que j'avais des problèmes, mais qu'ils étaient surmontables. Et j'ai noué des liens d'amitié et d'entraide avec les autres participantes. Là, mon alternance va démarrer, je vais avoir mon propre appartement… Je n'aurais jamais pu imaginer que ça m'apporterait autant. »

    Elodie, 22 ans, a « besoin de travailler sur ma timidité et mon agressivité »

    Elodie, 22 ans, vient tout juste d’intégrer le dispositif. LP/M.-C. D
    Elodie, 22 ans, vient tout juste d’intégrer le dispositif. LP/M.-C. D LP/Marie-Charlotte Dutheil

    Elle consent à révéler que ses problèmes de timidité sont dus au décès de son grand-père, mais prévient qu'elle n'en dira pas plus. A 22 ans, Elodie est animatrice, et suit une formation pour devenir secrétaire administrative. Ce sont ses difficultés relationnelles qui l'ont conduite à intégrer la toute dernière session du dispositif « Jeunes et femmes », qui vient de démarrer.

    « Je ne parle pas beaucoup, je reste à l'écart, j'ai du mal à aller vers les autres, relate-t-elle. J'ai besoin de travailler sur ça, et sur mon agressivité, parce que je m'énerve très vite et qu'il y a d'autres façons de communiquer. » Si tout n'est pas réglé, les premiers ateliers qu'elle a suivis l'ont déjà fait avancer. « J'ai pu parler de certaines choses, mais pas de tout, je ne suis pas prête, s'excuse-t-elle presque. Mais chacune a son histoire, il y a des amitiés qui se nouent… C'est intéressant. »

    Myléna, 25 ans, se « place en tant que rebelle »

    Myléna a participé à la toute première session de « Jeunes et femmes », en 2011, aux Ulis. LP/M.-C.D.
    Myléna a participé à la toute première session de « Jeunes et femmes », en 2011, aux Ulis. LP/M.-C.D. LP/Marie-Charlotte Dutheil

    « Des outils pour construire sa vie. » Ce slogan de « Jeunes et femmes », Myléna y adhère pleinement. Agée de 25 ans, cette animatrice socioculturelle, enceinte de son deuxième enfant, a participé à la toute première session du dispositif, en 2011, aux Ulis. « A l'époque, j'avais 16 ans, j'étais déscolarisée, sans réel projet, se souvient-elle. Ce que j'ai appris dans ce cadre, ainsi que l'accompagnement des personnes que j'y ai rencontrées, m'a permis de traverser les épreuves que j'ai connues par la suite, de trouver un métier, un logement, et de me construire en tant que femme et en tant que maman. »

    Se revendiquant féministe, la jeune femme s'emploie désormais à faire valoir ses droits au quotidien, et à transmettre ses valeurs. « Les inégalités salariales entre hommes et femmes sont une réalité dans notre pays, s'indigne-t-elle. Et en tant que femme, il n'est pas rare de subir des réflexions sexistes de la part de son employeur, ou bien qu'on nous demande de faire le ménage. Personnellement, je me place en tant que rebelle. Et c'est ce que j'enseignerai à ma fille. »