Combien de Liliana Herrera ?

Séance historique au Sénat argentin : alors que la loi est discutée lors d’une journée historique pour toute l’Amérique latine, une foule de personnes s'était rassemblée pour accompagner le vote décisif, pour ou contre , sur l'IVG ©Maxppp - Roberto Almeida Aveledo/ZUMA PRESS
Séance historique au Sénat argentin : alors que la loi est discutée lors d’une journée historique pour toute l’Amérique latine, une foule de personnes s'était rassemblée pour accompagner le vote décisif, pour ou contre , sur l'IVG ©Maxppp - Roberto Almeida Aveledo/ZUMA PRESS
Séance historique au Sénat argentin : alors que la loi est discutée lors d’une journée historique pour toute l’Amérique latine, une foule de personnes s'était rassemblée pour accompagner le vote décisif, pour ou contre , sur l'IVG ©Maxppp - Roberto Almeida Aveledo/ZUMA PRESS
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Combien de souffrances évitées si le sénat argentin avait légalisé l’IVG cet été ? Bapstiste Beaulieu revient sur la tragédie de Liliana Herrera, une Argentine de 22 ans morte cet été d'une septicémie suite à un avortement clandestin.

Aujourd'hui je veux vous parler du visage de Liliana Herrera, une Argentine de 22 ans morte cet été d'une septicémie suite à un avortement clandestin.

Pourquoi clandestin ? Parce que le projet de loi visant à légaliser le libre accès à l’avortement a été rejeté par le Sénat argentin. 

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En tant que médecin accompagnant des femmes souhaitant avorter, j’avais prévu de vous énumérer quelques éléments purement factuels…

En France, une femme sur trois avorte au moins une fois dans sa vie. Un tiers des Françaises de votre entourage. Évidemment ce chiffre augmente dans les pays où l’accès à la contraception est difficile. 

D’ailleurs, en parlant de ça, sachez que trois avortements sur quatre sont pratiqués sur des femmes DÉJÀ sous contraception ! Pilule, stérilet, même préservatif. Tout simplement parce qu’aucune contraception n’est infaillible.

Pour la pilule, par exemple, le taux de grossesse est de 8%, c’est-à-dire que sur 100 femmes qui la prennent, huit tombent enceintes sur une année d’utilisation. Sur ces huit femmes, que font celles qui ne veulent pas ou ne peuvent pas poursuivre une grossesse ? Elle ont recours à l’avortement, et elles y ont recours que ce soit autorisé OU pas. Les chiffres ne mentent pas : il y a la même proportion d’IVG dans les pays où celle-ci est légalisée que dans les pays où elle ne l’est pas. LA MÊME PROPORTION !!! 

Ce que je veux dire, c’est que quoi qu’on pense de l’IVG, une femme qui ne veut pas avoir d’enfant TROUVERA un moyen de ne pas avoir d’enfant. 

La différence ? Dans les pays où elle est illégale, le taux de mortalité féminine est 35 FOIS PLUS ÉLEVÉ

Vous vous rendez compte ? Combien de Liliana Herrera ? Là maintenant au moment où nous parlons ? Soit l’IVG est illégale et les femmes meurent. Soit l’IVG est légale et ces femmes survivent ET ont le choix. 

Pensons-y chaque fois que les opposants à l’IVG se font appeler les “pro-vie”. Si la légalisation de l’avortement n’a JAMAIS fait augmenter le nombre des IVG pratiquées, il est certain que cette légalisation a fait diminuer le taux de mortalité par rapport à l’IVG clandestin.

Tournons le problème à l’envers : si les hommes risquaient de tomber enceints à chaque fois qu’ils ont un rapport sexuel l’IVG serait un droit inaliénable et inscrit dans la constitution. Oui, je crois que si chaque fois qu’un homme jouissait avec une femme et qu’il engageait son corps / sa santé / sa responsabilité / sa carrière pour les 80 ans à venir, on pourrait lire aux frontons des mairies :

« LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ IVG »

Ne parlons même pas des tampons et des serviettes hygiéniques qui seraient remboursés par la Sécu, mais ça c’est un autre débat. 

Bref, j’avais prévu de vous dire tout cela, mais je préfère vous donner un chiffre : 500 000. 

C’est le nombre d’IVG clandestines par an estimées par les ONG en Argentine. 

Combien de femmes seront condamnées à mourir, à être mutilées ? Combien de Liliana Herrera ?

Combien de souffrances évitées si le sénat Argentin avait légalisé l’IVG cet été ?

Le cinéaste Pino Solanas a prononcé cette phrase :

Arrêtons l'hypocrisie d'une classe dirigeante qui sait que les riches peuvent avorter de façon sécurisée alors que les plus pauvres sont condamnées à l'infection ou à la mort.

Je crois qu’il a raison. Alors j’ai amené une photo, c’est bête je sais, on est à la radio, mais maintenant tout est filmé.

N’oublions pas son visage : elle avait 22 ans, elle s’appelait Liliana Herrera et elle est morte d’une septicémie parce qu’elle était une femme pauvre dans un monde où les lois sont dictées par des hommes riches. 

N’oublions pas son nom, n’oublions pas son visage. 

Elle s’appelait Liliana Herrera.

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