Egalité salariale femme-homme : ça coince !

    En Ile-de-France, plus de huit entreprises sur 10 n’ont pas mis en place de plan pour réduire les écarts de salaires comme l’impose la loi

     Depuis 2016, seules 15,86% des entreprises d’Ile-de-France ont mis en place un plan pour favoriser l’égalité professionnelle. (Illustration)
    Depuis 2016, seules 15,86% des entreprises d’Ile-de-France ont mis en place un plan pour favoriser l’égalité professionnelle. (Illustration) LP / Olivier Corsan

      En matière d'égalité salariale, les entreprises ont encore un long chemin à parcourir. En Ile-de-France, d'après des chiffres collectés auprès de l'inspection du travail -la Direccte *- par deux associations, Pouvoir citoyen et les Effronté-e-s, seules 15,86% des entreprises ont mis en place, depuis 2016 un plan pour favoriser l'égalité professionnelle. La loi les y oblige pourtant depuis trois ans.

      «Ces chiffres sont extrêmement bas, dénonce Julien Bayou, conseiller régional et porte-parole d'EELV (Europe-Ecologie-les-Verts), à l'origine de cette « liste verte » telle qu'il la nomme. L'égalité professionnelle est pourtant un enjeu d'intérêt public et la transparence devrait être de mise pour connaître le nom de la liste noire, celles qui ne respectent pas la loi ».

      «Name and shame»

      Son association, Pouvoir citoyen a donc déposé ce mardi un pourvoi en cassation auprès du conseil d'Etat pour demander à rendre publique la «liste noire ». Une étape supplémentaire dans la bataille judiciaire que livre cet élu depuis trois ans contre l'Etat pour demander l'application du fameux « name and shame » (en anglais : nommer et faire honte), une pratique en vogue dans les pays anglo-saxons.

      Le 8 mars dernier, à l'occasion de la journée de la femme, Emmanuel Macron avait appelé à l'application en France de ce principe « parce que la stigmatisation fait changer les comportements ». «Ce principe n'est pas appliqué car la vie privée des entreprises semble toujours primer en France sur l'égalité salariale qui est pourtant devenu un sujet consensuel », déplore Julien Bayou.

      Depuis trois ans Julien Bayou demande
      Depuis trois ans Julien Bayou demande LP / Olivier Corsan

      En juillet 2017, la direction générale du travail (DGT) avait estimé à près de 30%, en France, le nombre d'entreprises ayant signé un accord visant à l'égalité professionnel. «Le chiffre de 15,86% en Ile-de-France est inquiétant car cela signifierait donc qu'il y a un recul sur la question de l'égalité salariale », dénonce Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de l'Ugict-CGT. Tout le monde parle aujourd'hui de ce sujet mais de nombreuses entreprises restent dans les discours et refusent toujours d'augmenter les salaires des femmes », poursuit-elle.

      «Sur le fond, peu d'entreprises pratiquent délibérément une politique discriminatoire envers les femmes mais le salaire reste un marqueur, renchérit Jean-Paul Charlez, président de l'association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) qui précise que «les écarts de rémunérations se creusent chez les salariés de 25 à 35 ans et veut «encourager une politique de résultats » à l'instar de ce que prône la ministre du travail Muriel Pénicaud.

      Des propos qui font aussi écho à ceux de la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa qui assure de son côté: « il est temps de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les déclarations d'intention ne suffisent plus. Nous entendons renforcer les contrôles de l'inspection du travail ».

      CE QUE DIT LA LOI

      « A travail égal, salaire égal ». Le principe est inscrit dans la loi depuis 1972 et repris dans le code du travail : «tout employeur est tenu d'assurer pour un même travail ou pour un travail de valeur égale l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ».

      Depuis cette date, un arsenal législatif a été déployé pour tenter de résorber les écarts de rémunérations. Las. Ils s'élèvent toujours en France en 2018 selon le ministère du Travail à 25,7%, tous temps de travail confondus et à 9% à poste équivalent. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi introduit une nouveauté : elle oblige les entreprises de plus de 50 salariés à être couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle signé avec les syndicats ou, à défaut, par un plan d'action mis en place par la seule direction. Ils sont valables un an et doivent être déposé auprès de l'inspection du travail.

      La loi sur l'avenir professionnel portée par Muriel Pénicaud, qui vient d'être promulguée entend sanctionner davantage les entreprises qui ne respectent pas la loi et les pousser à rendre public, sur Internet, les écarts de rémunérations qui perdurent en leur sein entre les hommes et les femmes. L'actuelle DRH de Schneider Electric Sylvie Veyre vient de rendre un rapport pour tenter de trouver une méthodologie commune de calcul aux entreprises, selon leur taille.

      B.L.

      *Direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi