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Société

Violences conjugales : une association parle aux hommes pour protéger les femmes

Dans le Pas-de-Calais, une association aide les maris violents à prendre conscience des souffrances de leurs conjointes.

Juliette Demey , Mis à jour le
Manifestations contre les violences conjugales à Paris en 2017.
Manifestations contre les violences conjugales à Paris en 2017. © Sipa

S'occuper des hommes pour protéger les femmes victimes et éviter la récidive. C'est autour de ce credo et à l'initiative du magistrat Luc ­Frémiot qu'un partenariat inédit s'est noué entre les parquets de Douai (Nord), de Béthune (Pas-de-Calais) et une structure spécialisée dans la prise en charge des auteurs de violences conjugales, Le Cheval bleu, à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais). Né en 2008, ce dispositif repose sur une articulation efficace entre les forces de l'ordre, sensibilisées à la question, et le monde judiciaire, le parquet poursuivant les auteurs dès le premier acte de violence. Eloignés de leur domicile, ces derniers sont orientés vers l'association pour un suivi de six à huit mois.

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Quand le groupe a un effet préventif

L'équipe s'est inspirée d'une expérience menée à Montréal. Le protocole prévoit deux entretiens individuels à l'issue desquels les participants s'engagent pour 21 séances hebdomadaires, au sein de "groupes de responsabilisation" d'une dizaine de personnes.

Lire aussi - L'insoutenable hécatombe des violences conjugales

L'an dernier, Le Cheval bleu a ainsi reçu 418 hommes, en attente d'un procès, détenus ou contraints à une obligation de soins. Chaque semaine, de nouveaux arrivants se mêlent aux anciens. Entre justifications et dénégations, "ils développent différents mécanismes de défense, constate Pierre Le Runigo, psychologue au sein de l'association : 'Ma femme m'a mis en taule' ; 'Je lui ai juste mis une claque et on lui donne quatorze jours d'ITT [incapacité totale de travail]' ; 'Le juge était une femme'".

L'enjeu : amener ces hommes à reconnaître leur propre souffrance, puis celle de l'autre. "Quand ils acceptent de dire que c'est dur de voir leur femme avoir peur d'eux, poursuit-il, qu'ils admettent avoir perdu le contrôle, à partir de là on peut travailler." Le groupe a aussi un effet préventif. Pierre Le Runigo précise qu'un "nouveau" qui débarque après avoir asséné une claque à sa compagne peut se retrouver assis à côté d'un homme qui sort de dix ans de prison et lui dit : "J'ai commencé comme ça. C'est la première d'une série."

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Autocentrés, redoutant le conflit et doutant d'eux

Souvent, le passage à l'acte survient lorsque l'arrivée d'un enfant, le décès d'un parent ou une séparation viennent modifier l'équilibre du couple. Parfois, un simple mot – "bâtard" – réveille une faille. Si toutes les origines sociales se côtoient, les psychologues constatent des traits communs aux auteurs de violences : autocentrés, éprouvant des difficultés à verbaliser, redoutant le conflit et doutant d'eux. L'objectif de ce suivi au long cours est de remplacer l'acte violent par le verbe.

D'après une étude réalisée en 2009-2010, seulement 6,5% des hommes ayant participé à 21 séances au Cheval bleu ont récidivé, contre un taux national de 15%. Des résultats encourageants, même si l'équipe ignore souvent le devenir à long terme de ces hommes. "Quand un participant me dit : 'Je suis arrivé con ici, je ressors humble', ou 'Je suis venu à reculons mais cela m'a aidé à communiquer avec ma femme', témoigne Pierre Le Runigo, on peut espérer que c'est le début d'une reconstruction, d'un dialogue. L'idée, c'est de les aider à devenir responsables et autonomes."

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