Congé maternité des indépendantes: «Je ne pouvais pas lâcher mes clients au risque de les perdre»
MATERNITE•Le congé maternité des indépendantes va être allongé à 112 jours, au lieu de 44 actuellement...Charlotte Murat
L'essentiel
- Le congé maternité des femmes indépendantes va être aligné sur celui des salariées à 16 semaines, soit 112 jours.
- Actuellement, elles ont droit à 44 jours.
- Même si cette période est très courte pour se remettre de son accouchement et s’occuper de son bébé, certaines ne peuvent même pas se la permettre, au risque de perdre leur clientèle.
- La députée Marie-Pierre Rixain, auteure d’un rapport sur le sujet, plaide donc pour de la souplesse et une reprise progressive de l’activité tout en conservant ses indemnités.
C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. En 2019, le congé maternité des indépendantes sera allongé et aligné sur celui des salariées, a annoncé le Premier ministre, Edouard Philippe. Quelque 20.000 femmes par an pourront ainsi s’arrêter 112 jours au lieu de 44 actuellement. « C’est une nécessité de santé publique, pour la santé de la mère et de l’enfant », plaide la députée LREM de l’Essonne Marie-Pierre Rixain, auteure d’un rapport sur le sujet remis en juillet et dont s’est largement inspiré le gouvernement.
Sur le papier, l’idée est séduisante. Mais elle est en fait beaucoup plus complexe. Graphiste free-lance, Emilie cotise à la Maison des artistes et avait déjà droit à 16 semaines pour la naissance de sa fille, en août 2017. « Je n’ai pas pris mon congé maternité, explique-t-elle. Je n’avais droit qu’à une indemnité équivalente à 50 % de mon salaire et je ne pouvais pas me permettre une telle perte financière. Mais surtout, je ne pouvais pas lâcher mes clients pendant 16 semaines au risque de les perdre. »
«La reprise du boulot a été l'horreur»
Hasard du calendrier, elle a accouché en août et s’est arrêtée trois semaines comme elle serait partie en vacances. « La reprise du boulot a été l’horreur. Mon mari me retrouvait le soir en pleurs, car j’avais la sensation de ne rien faire de bien, ni mon boulot de maman, ni mon boulot de graphiste. »
Même son de cloche chez Juliette. Avocate, elle avait droit et a pris 44 jours pour ses deux enfants. Deux semaines avant la naissance et quatre semaines après. « Vis-à-vis de la clientèle, on ne peut pas s’arrêter plus longtemps, assure-t-elle. Même les mamans ne comprennent pas. Elles paniquent. Dans mon métier, le relationnel compte beaucoup. Les gens viennent parce que c’est vous. » Hospitalisée pour ses deux grossesses, Juliette ne s’est pas déclarée en arrêt maladie. Seule possibilité pour pouvoir continuer à travailler en toute légalité et pour garder ses clients. « A la naissance de mon premier enfant, l’un de mes clients m’a envoyé un message pour me féliciter et en même temps m’annoncer qu’il me quittait car j’allais devoir prendre du temps pour m’occuper de mon bébé. C’est blessant. »
De la «souplesse»
Ces mamans à leur compte sont obligées de confier leur enfant tôt pour pouvoir reprendre le travail. La fille d’Emilie avait 1 mois et demi, le bébé de Juliette 1 mois. « Des copines m’ont dit que c’était de la maltraitance de confier un enfant si jeune. Mais je n’avais vraiment pas le choix. »
S’arrêter 16 semaines, est-ce donc vraiment réaliste pour les indépendantes ? Marie-Pierre Rixain y a pensé et prône de la « souplesse » pour une reprise progressive de l’activité tout en conservant ses indemnités. « Il faut pouvoir s’adapter à des situations réelles, comme par exemple celle d’une avocate qui, alors qu’elle est encore en congé maternité, souhaite pouvoir travailler de temps en temps une journée ou une demi-journée, pour plaider une affaire par exemple. » Une idée qui plairait à Emilie, qui avait pensé à cette solution lorsqu’elle était tombée enceinte, avant de se rendre compte que c’était illégal (voir encadré). Reste à voir si cette souplesse sera intégrée dans le texte de loi.
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