À sa naissance, dans les années 70, l'informatique emploie majoritairement des femmes. Elles sont affectées à des tâches minutieuses de collecte et de tri d'informations. Dès le milieu des années 80, le nombre d'employées s'écroule. Pour quelles raisons la courbe de l'essor du secteur et celle du nombre de femmes employées se sont croisées ? La première montant en flèche, la seconde piquant vers le sol ? Pourquoi, alors que les professions historiques ont évolué vers la parité, les femmes représentent seulement 16% des salariées de la Tech et 20% des fondateurs de startups au niveau mondial ?

Auto-censure et clichés

Le problème est à analyser à la source, selon Charlotte Bottemanne, Growth Manager de l'école de code internationale Ironhack. Lorsque l'école implantée à Barcelone, Miami, Mexico, Berlin et Amsterdam, s'est installée à Paris, en 2017, ses équipes ont rapidement fait le constat que leur formation de web développeur intéressait moins de femmes que d'hommes, avec près de 80% d'inscrits pour ces derniers.

Des siècles de pseudo-études prétendant démontrer que les femmes sont inaptes aux matières scientifiques ont laissé des traces dans l’inconscient collectif

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Pour la formation en web design, les chiffres sont légèrement plus réjouissants. "Le design intéresse plus les femmes que le développement web", analyse Charlotte Bottemanne. "Designer est considéré comme un métier créatif, alors que le web-développeur souffre de plus de stéréotypes. On l'imagine comme un geek au fond de sa chambre. Les femmes peuvent avoir des préjugés ou s'auto-censurer. Des siècles de pseudo-études prétendant démontrer que les femmes sont inaptes aux matières scientifiques ont laissé des traces dans l’inconscient collectif."

À chacun de ses événements, Ironhack prend soin de programmer une moitié d'intervenantes "afin de leur donner de la visibilité et de montrer la présence de nombreuses femmes à des postes décisionnels". Mais la Growth Manager s'est aperçue que de nombreuses speakeuses ont peur de prendre la parole en public et a mis en place des coachings pour que ces femmes gagnent en assurance et se sentent légitimes à parler face à une assemblée d'un sujet qu'elles maîtrisent.

Des bourses exclusivement féminines 

Ne se contentant pas de constater mollement, l'école de code a choisi de mener plusieurs actions visant à augmenter le nombre de femmes au sein de ses "bootcamps" (des sessions intensives de code). Et pour les encourager à s'autoriser l'expérience, même le prix de la formation (7.500 euros) a été revu à la baisse. En vue de favoriser l'égalité des chances, toutes les femmes qui souhaitent étudier paient ainsi 10% de moins que les étudiants hommes qui, d'après Charlotte Bottemanne, "n'y voient pas d'inconvénients". 

Ironhack organise aussi des "startups week end" réservés aux femmes au cours duquel les meilleurs projets reçoivent une bourse. Premiers résultats de cette politique de discrimination positive ? La dernière promotion de web développeurs est composée à 60 % de femmes, contre 20% il y a un an. Centrale Paris a également instauré des bourses financées par les entreprises pour accueillir plus d'étudiantes.

Un atout pour l'innovation technologique

Si Ironhack s'attèle à rendre les secteurs de la tech et de l'innovation plus paritaires, ce n'est pas seulement par souci de parité. Pas seulement "pour" les femmes, mais davantage pour la société, estime Charlotte Bottemanne."Celles et ceux qui savent coder peuvent faire naître les projets qui façonneront le monde de demain. Il est essentiel que les femmes participent à ce mouvement créateur. En n’incluant pas les femmes dans ce processus, la Tech se prive d’avancées techniques et scientifiques potentiellement révolutionnaires."

En n’incluant pas les femmes, la Tech se prive d’avancées techniques et scientifiques potentiellement révolutionnaires

Par le passé, c'est une femme qui a inventé l'algorithme (la championne de mathématiques Ada Lovelace), rappelle la Growth manager, une femme aussi (la star hollywoodienne Hedy Lamarr) qui a inventé les transmissions sans fil à l'origine du wifi, et une femme encore, la mathématicienne Grace Hopper, qui a développé l'ancêtre de l'ordinateur en 1951 pour la marine américaine.

Pour se réjouir au présent, parlons des initiatives notables, comme celles d'Ironhack : Facebook a lancé la campagne "She means business" pour l’entrepreneuriat tech féminin et a annoncé un investissement de 10 millions d’euros en France pour former 15. 000 femmes aux métiers du numérique. De son côté, Marlène Schiappa souhaite créer une French Tech Women.