Psycho : changez votre logiciel émotionnel

Nous avons chacun notre manière de réagir aux événements et d’interagir avec les autres. Mais elle n’est pas gravée dans le marbre. On peut booster ses points faibles, comme l’explique le Pr Richard Davidson dans « les Profils émotionnels » (Les Arènes).
Valérie Josselin
Psycho : changez votre logiciel émotionnel Getty Images

Trente ans : c’est le temps qu’il a fallu à Richard Davidson, professeur de psychologie à l’université du Wisconsin-Madison, pour identifier, grâce à l’imagerie, les circuits cérébraux empruntés par nos émotions et définir les six composantes du « style émotionnel » de chaque individu. « Tout comme chacun a des empreintes digitales uniques, chacun a son style émotionnel, explique-t-il, une manière unique de se comporter dans la vie, qui tient compte de la rapidité à surmonter les difficultés (résilience), de la facilité à conserver les émotions positives (perspective), à repérer les émotions d’autrui (intuition sociale), à bien se connaître (conscience de soi), à s’adapter aux circonstances (sensibilité au contexte) ou à faire abstraction des émotions parasites (attention). » « Les circuits neuronaux ne sont pas fixés à tout jamais, s’enthousiasme le Pr Davidson. Ils peuvent être modifiés par nos expériences ou un effort conscient. » En pratique, comment procède-t-on ?

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La Résilience ou la facilité à surmonter les difficultés

Un désaccord peut gâcher votre journée ? Après une déception, vous pouvez éprouver pendant des mois colère, rancune ou tristesse ? Vous êtes, en matière de résilience, lent à récupérer. « La marque cérébrale des personnes peu résilientes se distingue par la faiblesse des signaux allant du cortex préfrontal, qui aide à planifier, à créer et à analyser, à l’amygdale, le siège des émotions », nous apprend le Pr Davidson.

Comment la booster

En pratiquant la méditation de pleine conscience, qui permet de prendre du recul vis-à-vis de ses émotions et d’affaiblir les associations d’idées faisant entrevoir une « cascade de malheurs ». Autre piste : stimuler l’activité du cortex préfrontal gauche, contribuant à inhiber les émotions négatives, en ayant recours à la réévaluation cognitive avec l’aide d’un thérapeute spécialisé en PNL (programmation neurolinguistique).

La Perspective ou la faculté à garder le moral

Vous devez stimuler cette aptitude si vos moments de joie se mesurent en micro secondes ou si vous voyez toujours le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. « Une perspective négative reflète une faible activité du noyau accumbens, qui traite le sentiment de récompense, et du cortex préfrontal, qui, par sa fonction de planification, aide à soutenir son activité », observe le chercheur.

Comment la booster

Résistez à la tentation ! A la récompense immédiate, préférez toujours l’option qui vous apportera un plaisir supérieur, même s’il vous faut patienter, et prenez le temps chaque jour de la visualiser. Autre moyen de renforcer les connexions entre le noyau accumbens et le cortex préfrontal : la thérapie dite du bien-être. Elle permet de stimuler l’épanouissement personnel et l’acceptation de soi. Pendant une semaine, chaque jour, notez l’une de vos qualités et celle d’un proche. Dites régulièrement merci et complimentez le plus souvent possible les autres en les regardant droit dans les yeux.

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La Sensibilité au contexte ou l’art d’adapter ses réactions à la situation

Il vous est arrivé d’être trop cordial avec un supérieur, de vous faire rabrouer parce que vous parliez trop fort au restaurant, ou de ne plus vous rappeler d’un endroit fréquenté des années auparavant. Vous avez un profil plutôt « déconnecté ». « Ces profils ont de faibles connexions de l’hippocampe aux zones du cortex préfrontal, rapporte le Pr Davidson. Si l’hippocampe est surtout connu pour son rôle dans le fonctionnement de la mémoire et le stockage de souvenirs à long terme, il a aussi pour fonction d’adapter nos comportements au contexte. »

Comment la booster

« Le succès de la thérapie d’exposition, qui consiste à s’exposer, dans un contexte sans danger, à une situation que l’on redoute, suggère qu’elle renforce ces connexions, estime le Pr Davidson. Elle aide en effet les patients ayant vécu un stress post-traumatique à ne pas ressentir d’anxiété quand ils sont en sécurité, autrement dit à adapter leur réponse émotionnelle au contexte social. » Chez vous, convoquez des images mentales associées à votre patron, en particulier ce qui vous perturbe. « Au bout de quatre séances d’un quart d’heure, vous devriez améliorer votre capacité à différencier le contexte du travail et celui de votre domicile, ainsi que tous les autres contextes », promet le chercheur.

L’Intuition sociale ou le don de repérer les signes non verbaux subtils

Les personnes socialement intuitives savent lire le langage du corps, l’intonation de la voix, les expressions du visage. Elles devinent quand quelqu’un veut parler de son chagrin ou quand il vaut mieux aborder des sujets légers. Si ceci n’est pas votre fort, vous faites partie de ceux que le Pr Davidson appelle « perplexes », dont le cerveau se caractérise par une faible activité du gyrus fusiforme, impliqué dans la reconnaissance des visages et le traitement visuel, et par une forte activité de l’amygdale.

Comment la booster

Observez un couple et repérez les expressions de leurs visages. Essayez de deviner s’ils vont se prendre dans les bras. Approchez-vous pour les écouter et vérifier si leur intonation correspond à ce qui émane de leur visage. Dans un lieu public, fermez les yeux et prêtez attention aux voix. Décrivez ce qu’exprime ce ton (joie, stress…) et ouvrez les yeux pour vérifier comment évolue la situation.

La Conscience de soi ou la capacité à bien se connaître

Certains mettent des jours à reconnaître qu’ils sont jaloux, en colère, tristes. A l’inverse, d’autres sont assiégés de messages sur l’état de leur esprit et de leur cœur. « Dans les deux cas, c’est l’insula – région profonde du cortex permettant de percevoir les conséquences physiques de nos émotions et de vivre intensément des émotions sensorielles – qui est en jeu. Elle n’est pas assez ou trop activée. »

Comment la booster

Dans les deux cas, la méditation de pleine conscience est recommandée. Vingt minutes par jour suffisent. « Si vous manquez de conscience de soi, elle va rendre vos sensations plus vives. Et si vous êtes hyperconscient, vous allez observer vos pensées avec plus de recul. »

L’Attention ou l’aptitude à rester concentré

Si vous êtes en plein rush et que votre patron vous appelle sans arrêt pour voir où vous en êtes, avez-vous besoin de plusieurs minutes pour renouer le fil de vos pensées ? Si la réponse est oui, votre concentration souffre des intrusions extérieures chargées d’émotions. « Le cortex préfrontal est essentiel pour maintenir l’attention, tandis que le cortex pariétal sert de gouvernail au cerveau en dirigeant l’attention sur des cibles spécifiques, détaille le chercheur. S’ils fonctionnent au ralenti, vous dérivez d’un stimulus à l’autre, sans barreur pour guider votre attention. »

Comment la booster

Ayez recours à la méditation d’attention – focalisée sur un objet en particulier, et non sur une image mentale, une partie du corps ou la respiration. Faites cet exercice quotidiennement pendant dix minutes.

"Les profils émotionnels" Richard Davidson (Les Arènes)

Les profils émotionnels, Pr Richard Davidson avec Sharon Begley (les Arènes)

le 15/10/2018