Laure Murat : “Toutes les femmes savent dès l’enfance qu’elles sont des objets sexuels”

Sa position est particulièrement intéressante puisqu’elle est française et enseigne aux Etats-Unis. Rencontre avec l’essayiste et universitaire Laure Murat, qui vient de publier “Une révolution sexuelle ? Réflexions sur l’après-Weinstein”. Au menu : #MeToo, l’absence d’affaire Weinstein dans le cinéma français ou encore l’égalité érotique.

Par Mathilde Blottière

Publié le 19 octobre 2018 à 18h54

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h14

En 2005, Laure Murat s’installe aux Etats-Unis où elle enseigne à l’université de Californie à Los Angeles (Ucla). Six ans plus tard, à New York, l’affaire DSK éclate. Encore six ans plus tard, c’est au tour de l’affaire Weinstein. Dans son livre Une révolution sexuelle ?, l’essayiste s’interroge à chaud sur l’impact de #MeToo – phénomène inédit et planétaire, né spontanément des révélations sur les crimes de Harvey Weinstein. Forte de sa double culture, Laure Murat compare les effets de ce tsunami de part et d’autre de l’Atlantique.

Modeste, l’essai a le mérite de redonner de la perspective et d’appeler à un vrai débat de fond. Sans engagement des politiques mais aussi des intellectuels, critiques ou encore des simples citoyens, femmes et hommes, il n’y aura, dit Murat, ni réforme des mœurs ni modernisation des représentations hommes-femmes. En France, un an après l’affaire Weinstein, ils sont étrangement peu nombreux à proposer une lecture de ce qui s’est passé. En cette rentrée, Laure Murat est quasiment la seule sur le front des essais. « Symptomatique », lâche-t-elle, en colère.

Aux sources de votre livre, il y a, avant même l’affaire Weinstein, l’affaire DSK et les réactions qu’elle a suscitées en France, à l’époque…
Ça a été un tournant dans mon cheminement personnel. Aux Etats-Unis, la sensibilisation à ces questions de violence sexuelle, et plus largement de domination masculine, transforme les catégories de pensée. Je suis française, j’ajouterai même très française. Je suis arrivée aux Etats-Unis à 39 ans. Autant dire que j’avais déjà une vie derrière moi. Je suis arrivée avec les préjugés du Français lambda sur le fameux « puritanisme américain » ; j’avais moi-même professé ce catéchisme-là, mollement certes, mais quand même.

Et puis j’ai dû ouvrir les yeux, changer d’avis, réformer ma façon de penser, et c’était passionnant. Je me suis demandé, je me demande toujours, pourquoi ces deux cultures sont si différentes, au point d’être probablement incompatibles. Mais je suis convaincue aussi qu’il serait souhaitable, et possible, que certains éléments de la culture française s’exportent aux Etats-Unis, et vice versa. 

Quand l’affaire DSK éclate, cela fait six ans que je suis installée aux Etats-Unis. A voir et à entendre les réactions françaises médiatisées, machistes et méprisantes, qui au mieux minimisaient, au pire normalisaient le comportement de DSK – BHL se réjouissant que celui-ci « aime les femmes » –, je me suis dit qu’il y avait un gros problème de ce côté-ci de l’Atlantique. Un énorme impensé politique, impensé de relations de races, de classes, d’abus en matière de relations sexuelles... « Y a pas mort d’homme », « le troussage de domestique » : toutes ces déclarations préhistoriques n’étaient pas le fait de l’homme de la rue mais de politiques, de journalistes renommés, d’intellectuels, de personnalités dotées d’une autorité morale.

L’ampleur de l’affaire Weinstein et de ses conséquences vous a-t-elle surprise ?
J’ai été surprise, comme tout le monde, personne ne pouvait imaginer cela. A ce jour, 4,6 millions de femmes ont partagé le hashtag #MetTo. C’est colossal. Mais si j’ai été surprise par l’ampleur du mouvement, je ne l’ai pas été, ni aucune femme que je connaisse, par la nature de ce qui été révélé. Toutes les femmes savent dès l’enfance qu’elles sont des objets sexuels. Ce que je trouve très inquiétant, c’est que les hommes sont tombés des nues. Déjà là, dans ce différentiel entre ce que vivent les femmes et la conscience qu’en ont les hommes, il me semble qu’il y a un problème à penser. C’est trop facile de faire l’économie de la réflexion en versant dans la caricature du type « pas de quoi faire un drame pour un pincement de fesses ». 
Ce mouvement est mondial, spontané, massif. C’est ce qui fait sa dimension révolutionnaire. Je ne sais pas s’il s’agit d’une révolution mais on peut d’ores et déjà observer qu’il a surgi de la base et s’est répandu à toute vitesse par-delà les frontières. Cela relève de l’exigence intellectuelle et morale que d’essayer de comprendre ce qui nous arrive et de penser les réactions que cela a suscitées.

En France et aux Etats-Unis, les retombées de #MeToo vous semblent-elles différentes ?
Avant de vous répondre sur les retombées, il est quand même intéressant de constater que le harcèlement est la chose du monde la mieux partagée. Aux Etats-Unis, où il est traqué à coups de judiciarisation de la vie privée, il n’est finalement pas plus endigué qu’en France, où il est sous-estimé et mal pris en charge. La question des conséquences est difficile. Le mouvement est récent... Cela dit, la grosse différence entre la France et les Etats-Unis, on l’observe dans le domaine des réactions publiques. Ici, on tend le micro à tout un courant de pensée réactionnaire qui s’est sédimentée autour de la Manif pour tous, les Eugénie Bastié, Eric Zemmour, Peggy Sastre, etc. Leur importance en France me semble ahurissante. Sont-ils les seuls dans ce pays à essayer de réfléchir un peu, avec les outils des sciences humaines, à ce qui se passe ? C’est très inquiétant... Je ne parle même pas de ce qu’on a appelé la « Tribune Deneuve », qui, elle, a tutoyé les sommets de la ringardise... Le sketch du Saturday Night lLve qui se moquait dans la foulée de Deneuve et de Bardot résume assez bien le ridicule dans lequel une majorité d’Américains tiennent cette position d’un autre âge.

En France, je crois que je n’ai pas eu un seul entretien mené par un homme qui n’ait commencé par : « Comment contrer les dérives de #MeToo ? » On a affaire à un problème universel et séculaire, et ce qui les intéresse, ce sont les dérives... Aux Etats-Unis, les éditorialistes qui ont réagi ainsi sont très minoritaires. Là-bas, on parle à 80 % du problème et à 20 % des risques qu’il peut y avoir dans la façon de le dénoncer et de le régler. En France, c’est l’inverse. Cela étant dit, le malheur, c’est qu’aux Etats-Unis les 20 % sont représentés à la Maison-Blanche.

“Si plutôt que de servir la soupe aux néo-réacs parce que ça fait le buzz les journalistes français étaient encouragés à faire leur travail, ça aiderait”

Quid des retombées sociales et culturelles ?
Pour ce qui est des retombées sociales, prenez ne serait-ce que ces dernières semaines : à la suite de plusieurs plaintes pour harcèlement déposées par quelques-unes de leurs collègues, des employés de McDonald’s se sont mis en grève dans une dizaine de villes américaines. C’est historique. On parle de femmes qui gagnent 8 dollars par jour. Quant à Brett Kavanaugh, qui vient hélas d’être confirmé dans sa fonction de juge à vie à la Cour suprême, il est toujours sous le coup des accusations portées contre lui.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’affaire Weinstein en France ?
Je ne sais pas mais j’ai quand même quelques hypothèses. Sans l’acharnement des journalistes du New York Times et du New Yorker à enquêter pendant plus d’un an, il n’y aurait pas eu d’affaire Weinstein. Ils ont eu l’espace et le temps pour trouver et convaincre les actrices qui ne voulaient pas parler de le faire. C’est le grand talent de la presse d’investigation américaine. Si plutôt que de servir la soupe aux néo-réacs parce que ça fait le buzz les journalistes français étaient encouragés à faire leur travail, ça aiderait. Quelqu’un peut-il me dire pourquoi on n’entend plus parler des plaintes contre Luc Besson, Philippe Caubère ou Gérard Depardieu ? 

Pourquoi les actrices françaises connues, contrairement à certaines actrices de Hollywood, n’assument-elles pas d’inaugurer une libération de la parole dans le cinéma français ?
Certaines ont dit qu’elles avaient été agressées par Weinstein mais aucune, à ma connaissance, n’a incriminé un cinéaste ou un producteur français. Les prises de parole qu’il y a eues, celle d’Adjani, de Binoche, ne donnaient pas de nom. Et quand des actrices inconnues osent porter plainte, contre Depardieu par exemple, Dominique Besnehard explique partout qu’elle mentent par arrivisme... Besnehard connaît tout le monde dans le milieu du cinéma. Quant au directeur de la Cinémathèque, Frédéric Bonnaud, il a quand même traité les féministes qui protestaient contre la rétrospective de Polanski de « demi-folles » et d’ « hystériques ». Tant qu’il y aura des hommes pour protéger le sytème patriarcal à des postes clés de l’industrie, il ne se passera sans doute rien.

Que répondez-vous à ces femmes, il y en a, qui relativisent les gestes déplacés qu’elles-mêmes ont pu subir sans pour autant se vivre en « victimes » ?
Unetelle n’a pas été traumatisée parce qu’on lui a pincé les fesses dans un bus à 15 ans ? Tant mieux pour elle ! Mais on est quand même en droit d’attendre un minimum de solidarité de sa part avec toutes ces autres femmes, nombreuses, obligées de subir la violence de la domination masculine parce que leur métier, voire leur vie en dépendent. Pourquoi se laisserait-on importuner ? Sous quel prétexte ? Ça suffit. Time’s up ! 

“Je suis persuadée qu’en France la complaisance latine pour la « liberté d’importuner » a provoqué une souffrance et une frustration chez beaucoup de femmes”

#MeToo est parti des Etats-Unis ; en France, on a eu #BalanceTonPorc. L’un parle de la victime ; l’autre, de l’agresseur
Il faut dire que #BalanceTonPorc a précédé de vingt-quatre heures le lancement, par Alyssa Milano, du hashtag MeToo. Si cela avait été l’inverse, les Françaises auraient probablement rallié #MeToo sans lancer d’autres hashtags. Mais ce qui est intéressant, c’est le succès de #BalanceTonPorc. Je suis persuadée qu’en France la complaisance latine pour la grivoiserie, la gauloiserie,  la « liberté d’importuner », etc., a provoqué une souffrance et une frustration chez beaucoup de femmes, qui ont désormais envie de dire « stop » et de balancer des porcs. La crudité de ce hashtag, #BalanceTonPorc, a été l’expression d’une rage trop longtemps contenue. Il y a presque une certaine jubilation à pouvoir enfin s’exprimer sur ces sujets.

Dans votre livre, vous évoquez aussi la représentation des femmes et des rapports hommes-femmes à l’écran, ainsi que la distinction entre l’artiste et son œuvre
En France, il y a un attachement viscéral à un certain formalisme qui serait au-dessus de la question sociale et politique. Historiquement, ça s’explique. Il faut repenser ce modèle dont je comprends les enjeux mais qui n’est plus adapté à notre monde globalisé, post-colonial, multiculturel. On doit rebattre les cartes. Revoyez César et Rosalie par exemple et vous serez frappé de constater que Romy Schneider est toujours en train de faire la popote pour ses hommes... N’est-ce pas le travail des critiques, de réévaluer les œuvres au fil du temps ? Pourtant, quelle volée de bois vert je me suis prise quand j’ai écrit un jour dans Libération que Blow up, tout chef-d’œuvre qu’il est, pose problème dans sa représentation des rapports hommes-femmes ! On m’a quand même comparée à Daech... 

Beaucoup y ont vu une sorte de révisionnisme artistique et se sont inquiétés que cela aboutisse à de la censure...
Ça, c’est de la paresse intellectuelle. C’est toujours plus facile de crier au puritanisme américain joueur de ciseaux que d’exercer son esprit critique sur une forme et un imaginaire qui ont nourri nos structures psychiques sans que nous en soyons nécessairement conscients. Il ne s’agit pas de mettre à la poubelle cette culture dans laquelle on a baigné, mais simplement d’interroger les représentations du monde qu’elle transmet, voire qu’elle impose. Ça pose la question de relire l’histoire de l’art, encore une fois non pas pour censurer mais pour essayer de comprendre comment les catégories se sont formées. Et une fois qu’on aura fait ce travail, tout reste à inventer. Je ne sais pas mais moi, je serais cinéaste, il me semble que cela m’exciterait énormément d’essayer d’inventer des formes et des représentations résolument modernes.

N’y a-t-il pas un risque d’affadissement narratif, voire esthétique, des films ?
C’est une question importante. Gloria Steinem, la grande féministe américaine, a cette formule que j’adore : il faut, dit-elle « érotiser l’égalité ». Plutôt que de sublimer la violence et cette fameuse différence des sexes qui obsède tant les Français, cela me semble plus intéressant d’explorer l’érotisme qu’il peut y avoir dans le plaisir mutuel par exemple. Toucher à tout cela comme si c’était des tabous est archaïque. Et relève, une fois encore, d’une vraie paresse. Les réactions violentes suscitées par mon texte sur Blow up sont assez comparables à ce que l’historienne Michelle Perrot et moi-même avons récemment subi lorsqu’on a eu le malheur de parler du mythe de la galanterie à la française comme d’un recours assez commode pour ne pas penser les rapports de séduction. Sophia Aram a fait une chronique là-dessus en reprenant les insultes de nos détracteurs... Ces injures sont venues confirmer ce que je pense : l’obscénité de ceux qui défendent bec et ongles la galanterie française.

Pour en revenir au cinéma, vous expliquez dans le livre que les critiques de cinéma américains ont, eux, commencé à faire sinon leur autocritique, du moins un travail de réévaluation…
Ils sont à la fois prompts et pragmatiques. Il y a là-bas une réactivité ; ici, nous sommes dans la réaction. Je n’ai pas de solution toute faite à offrir mais enfin, le cinéma est un puissant médium, bien plus que l’art contemporain ou la littérature. Il me semble souhaitable que l’on revisionne les films de Woody Allen en se demandant quelles représentations ils offrent des rapports hommes-femmes. Personnellement, je n’ai pas de solution à offrir. Mais pour avoir été critique d’art pendant quinze ans, il me semble que #MeToo est une belle occasion pour la critique artistique de se refonder. Le différentiel entre la puissance d’impact du cinéma et celle du livre et de tout autre art reste très en faveur du cinéma. Il faut être conscient de ce pouvoir de représentation et de ce qu’il peut engendrer en nous, spectateurs. Notre rétine reste imprégnée de ce qu’on voit.

Que pensez-vous du sort réservé à ces artistes, on pense notamment à Kevin Spacey, qui ont littéralement disparu de certains films ou de certains canaux de diffusion parce qu’ils sont soupçonnés d’être des prédateurs sexuels ? 
Derrière ce qu’on appelle le puritanisme américain, il y a bien souvent une histoire d’argent. Je n’ai pas cessé de refaire ce livre dans ma tête depuis sa publication. J’aurais dû faire un chapitre intitulé « L’argent ». Effacer du jour au lendemain un acteur qui est sous le coup d’une accusation non prouvée est un geste d’une violence extrême – qui par ailleurs n’a strictement rien à voir avec la morale. Ridley Scott l’a d’ailleurs dit : « It’s a business decision. » Kevin Spacey a été le fusible. Parfois, la volonté de faire du fric à tout prix pousse l’industrie à prendre des décisions inverses : avant d’être obligé de virer Bill O’Reilly, son présentateur vedette, Fox News avait renouvelé son contrat jusqu’en 2020 – le journaliste avait alors déboursé 32 millions de dollars pour que la plaignante renonce à le traîner en justice. Pour la chaîne, tant que les annonceurs ne se retiraient pas et que O’Reilly [et la Century Fox, la compagnie mère de la chaîne, ndlr] payait pour étouffer les affaires, il n’y avait aucune raison de le virer. 

“Un pour cent des violeurs sont derrière les barreaux aux Etats-Unis comme en France. C’est un chiffre aberrant”

En France, par exemple, la Cinémathèque a balayé d’un revers de main celles et ceux qui trouvaient scandaleux de programmer une rétrospective de l’œuvre de Polanski. Qu’en pensez-vous ?
Faut-il célébrer ad nauseam un violeur ? Dans le cas de Polanski, le viol sur mineur a été reconnu et il y a un certain nombre d’autres plaintes derrière. Faut-il aller acclamer un meurtrier ? – je pense à Bertrand Cantat. Comment veut-on mettre sur pied une politique efficace contre les violences faites aux femmes si par ailleurs on encense publiquement des hommes qui ont été violents envers les femmes sous prétexte qu’ils sont géniaux par ailleurs ? Ça ne peut pas marcher. 

De part et d’autre de l’Atlantique, il y a quand même une chose commune : le nombre de condamnation pour viols…
Un pour cent des violeurs sont derrière les barreaux aux Etats-Unis comme en France. C’est un chiffre aberrant. Et qui prouve que la surjudiciarisation des agressions sexuelles aboutit au même résultat que la négligence de leur prise en charge. Le patriarcat est une structure tellement ancienne, tellement au fondement de la société occidentale qu’il est très difficile de changer la donne sur ces questions. C’est un sacré chantier. D’où l’intérêt d’une vraie conversion démocratique sur le sujet : qu’en pensent les jeunes gens ? Qu’en disent les intellectuels ? Les pouvoirs publics ? J’étais tout de même contente d’entendre Jacques Audiard mettre son grain de sel sur le sujet de la sous-représentation des femmes à la tête de grands festivals de cinéma...

Le ministère de la Culture s’est récemment engagé sur la parité dans le cinéma…
Ce sont des bonnes initiatives. #MeToo date d’un an, le mouvement est très jeune, donc voyons ce qui va se passer. Mais il est bien évident que si c’est tout un système qu’il faut changer, il va falloir un peu plus que ça. Rappelons que l’Association européenne contre les violences faites aux femmes a dû fermer ses portes pendant six mois faute de moyens, alors qu’elle était complètement débordée par les appels. C’est scandaleux. Le chantier est considérable, ne le réduisons pas aux mains aux fesses, prenons-le au sérieux.

Une révolution sexuelle ? Réflexions sur l’après-Weinstein, de Laure Murat, éd. Stock, 176 p., 17,50 €.. 

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