L’avocat de Georges Tron reproche à deux témoins leur «militantisme »

Éric Dupond-Moretti a accusé un médecin-psychiatre et une responsable d’association de parti pris.

 Muriel Salmona est présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.
Muriel Salmona est présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. LP

    Une semaine que le procès Tron a débuté. La cour d'assises de Seine-Saint-Denis doit juger Georges Tron, le maire de Draveil (Essonne) et ancien secrétaire d'État, et son ancienne adjointe à la culture Brigitte Gruel, accusés de viols en réunion et d'agressions sexuelles sur deux ex-employées municipales.

    Ce mardi après-midi, la parole a été donnée à Marylin Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), constituée partie civile dans cette affaire. C'est cette organisation qui a recueilli le premier témoignage, celui de Virginie Ettel.

    Marylin Baldeck se souvient : « Mme Ettel a saisi l'accueil téléphonique le 15 novembre 2010. Une fiche premier appel a été faite. Elle nous a ensuite adressé un récit écrit. C'est la condition pour un rendez-vous à l'association. Ce triptyque est fait pour nous assurer qu'il y a une constance dans le récit ». Le rendez-vous a duré 3h30. Marilyn Baldeck relate, les mains jointes dans le dos : « Elle nous a apporté des garanties de crédibilité suffisantes. Il arrive que l'association décide de ne pas aller plus loin quand ce n'est pas assez solide ». Dans sa prise de note, la responsable de l'AVFT écrit alors que Virginie Ettel « est en larmes ».

    «Vous faites un mal fou à la justice»

    La déléguée générale se souvient aussi de la médiatisation de l'affaire en mai 2011 : « Ça a été une mauvaise surprise de découvrir par la presse qu'un avocat [NDLR : Gilbert Collard] avait déposé plainte. Nous estimions que le contexte médiatique était inopportun compte tenu du contexte DSK. On allait leur reprocher un opportunisme. »

    Marilyn Baldeck ajoute : « De plus, notre association n'est pas partisane, néanmoins une association comme la notre n'est pas au diapason avec les idées défendues par un avocat frontiste comme Gilbert Collard [NDLR : à l'époque, il faisait déjà partie du comité de soutien à Marine Le Pen]. »

    La position de l'association à la fois sur le banc des parties civiles et citée en tant que témoin énerve Me Dupond-Moretti : « Que vous aidiez des femmes dans le désarroi, je n'en disconviens pas. Mais vous faites un mal fou à la justice, considère le ténor du barreau. Vous intervenez dans la procédure pénale avec militantisme. C'est un risque majeur. » L'avocat demande à la jeune femme sa réaction en cas d'acquittement des deux accusés. « Ce serait décevant, répond-t-elle. Si on décide d'emprunter la voie judiciaire c'est qu'on pense que c'est la bonne. » Me Dupond-Moretti pointe du doigt ce que l'AVFT présente comme un travail d'enquête : « C'est d'une arrogance. La justice ne fait pas son boulot ? » Me Frank Natali, l'avocat de Brigitte Gruel, assène : « On a l'impression que vous pensez que la justice ne comprend rien ».

    L'avocat s'oppose à l'audition d'une psychiatre

    Peu avant, dans la matinée, la défense était déjà remontée et avait créé un incident d'audience, Me Éric Dupond-Moretti, s'insurgeant contre le témoignage prévu de Muriel Salmona. Elle a été le médecin-psychiatre d' Éva Loubrieu et « est tenue au secret médical ». Et le conseil de déposer des conclusions pour s'opposer à cette audition, finalement rejetées par la cour.

    L'avocat de Georges Tron estime : « On fait citer un témoin qui est une militante de la cause féministe. Elle va développer une thèse dans une sorte de cours magistral. Le procès, ce n'est pas ça. » Il fait référence à l'association Mémoire traumatique et victimologie dont Muriel Salmona est la présidente. « Ce procès a été enrobé de militantisme », développe encore Me Dupond-Moretti. Me Frank Natali, l'avocat de Brigitte Gruel, appuie : « Ce témoin n'a pas la qualité d'expert. On a une vraie difficulté. »

    L'avocat général Frédéric Bernardo s'est, lui, dit favorable à cette déposition dans « le respect du secret médical ». Ce que la psychiatre a fait après un rappel à l'ordre de Me Éric Dupond-Moretti. Le Dr Salmona a défini la sidération ou la dissociation qui fait qu'une victime « peut être spectateur » de son agression. Puis elle a livré des chiffres : « 9 % des viols en France faisaient l'objet de plaintes en 2017 ». Elle note aussi que 70 % des viols ont lieu dans un état de sidération et 50 % des victimes ont par la suite des conduites addictives. Me Dupond-Moretti prend le contre-pied : « Cela signifie que dans 30 % des viols il n'y a pas de sidération et que 50 % n'ont pas de conduites addictives. » L'audition aura duré à peine une heure.