"Quand ça vous tombe dessus, on ne comprend pas. On se croyait tranquille à la campagne. Mais Internet, c'est partout et on ne le sécurise pas." Le fils de René Gattino, Kendal, adolescent de 14 ans, s'est pendu le 14 octobre dernier, dans sa chambre, avec sa ceinture de judo. Pour le père, Kendal était "bien inséré dans la vie et plein de projets" et s'il est passé à l'acte, c'est à cause du "Momo challenge", un "jeu" de défis à relever toujours plus atroces et dangereux, accessible par la messagerie instantanée privée WhatsApp.

Après avoir découvert l'historique de recherches Internet de son fils, qui cherchait des renseignements sur ce challenge et "la façon dont on se suicide", René Gattino a décidé de déposer une plainte contre YouTube, Whatsapp et rencontre-ados.com (où son fils a pu s'inscrire lui-même sans autorisation parentale) à la gendarmerie de La Guerche en Bretagne pour "mise en danger de la vie d'autrui". Le père attaque aussi l'État, qui n'aurait "pas pris suffisamment en compte les dangers que représentent ces sites pour les jeunes". L'enquête est en cours pour déterminer le poids du "Momo Challenge" dans la tragique décision de l'adolescent.  

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Qu'est-ce que ce "jeu" macabre ? 

En 2016, une galerie d'art à Tokyo expose une sculpture d'une créature effrayante : une femme-poule nue, au visage terrorisant. Un personnage du pire film d'horreur. Un internaute prend la sculpture en photo et la poste au mois de juillet 2018 sur un forum. L'image terrorise, fascine, récolte des "like", génère des commentaires.

Des internautes utilisent alors cette sculpture effrayante pour créer "Momo", personnage fictif que l'on peut contacter sur la messagerie instantanée privée WhatsApp. Les "momos" se sont vite multipliés. Tous affichent cet atroce visage en photo de contact et proposent aux adolescents les contactant de relever des défis jusqu'au plus extrême : le suicide. Cela devient le "Momo challenge".

 

D'autres adolescents victimes du Momo Challenge 

Une jeune Argentine de 12 ans a voulu aller au bout du "jeu" et s'est donnée la mort au milieu de l'été. Et ce lundi 5 novembre, un autre adolescent est décédé en Belgique, après une période de soins et de coma dans un hôpital de la région liégeoise. Que faire pour éviter d'autres drames potentiels au quatre coins du globe ? Le danger est mondial. Au Canada, le ministère de la santé et des services sociaux a alerté les écoles. Le Pakistan a annoncé son interdiction imminente, sans détailler la façon dont il va s'y prendre.

Et en France ? Avant la rentrée, Gabriel Attal, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation, à l'époque député LREM des Hauts-de-Seine, avait alerté Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, de ce "jeu" en vogue auprès des adolescents sur les réseaux sociaux qui "les met en danger en les obligeant à réaliser des défis de plus en plus dangereux". Inquiet de ce phénomène de cyber-intimidation, Gabriel Attal dénonçait la "pression psychologique" que le "jeu" virtuel exercé sur les plus jeunes. L'État, aujourd'hui accusé par ce père endeuillé, agira-t-il cette fois ?