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En Chine, 10 ans de prison pour avoir écrit un roman porno gay pour femmes

Le livre fait partie d’un genre importé du Japon, le « boys’ love », des nouvelles érotiques homosexuelles pour lectrices hétéros.

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Publié le 20 novembre 2018 à 06h32, modifié le 20 novembre 2018 à 08h58

Temps de Lecture 2 min.

Dix ans et six mois de prison pour un roman porno : il n’en fallait pas moins pour mettre en ébullition les réseaux sociaux chinois, indignés par la lourde sentence infligée le 31 octobre par un tribunal de Wuhu, dans la province de l’Anhui, à une « Melle Liu ». Connue sous le nom de plume de Tianyi, celle-ci a vendu 7 000 exemplaires de son livre, et gagné 150 000 yuans (18 800 euros) du produit de la vente de tous ses romans. La loi qui date de 1998 prévoit une peine d’une telle gravité pour avoir écoulé plus de 5 000 ouvrages à caractère pornographique et en avoir tiré profit.

Or, ont fait valoir certains, des affaires de mœurs bien moins virtuelles ont valu à leurs auteurs des sentences plus légères – comme cet officiel du Yunnan condamné à huit ans de prison pour le viol d’une fillette de 4 ans en 2013. D’autres se sont apitoyés sur la romancière : orpheline de père, elle s’est toujours sacrifiée pour son petit frère, dont la naissance a lourdement pesé sur les finances du foyer du fait des amendes imposées sous la politique de l’enfant unique. La célèbre sexologue Li Yinhe a, elle, déclaré sur Weibo – l’équivalent du Twitter chinois : « L’auteure mérite toute notre sympathie. Elle a effectivement violé la loi, mais même un an de prison aurait été exagéré, alors dix ans… »

Un fantasme féminin venu du Japon

Gongzhan (« Occupation » ), le livre de Tianyi, décrit les jeux sexuels déchaînés et pervers entre un jeune professeur et un élève adolescent qui le séduit. Car Tianyi est une auteure de « BL », ou boys' love, nouvelles érotiques homosexuelles masculines pour… lectrices hétérosexuelles. Le genre consacre un fantasme féminin venu du Japon – le pays des yaoi, ces mangas pour filles mettant en scène des romances à l’eau de rose entre garçons popularisés depuis les années 1990.

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Il a conquis Taïwan, qui l’a sinisé, avant de toucher il y a une dizaine d’années la Chine. « C’est une subculture produite par les fans, d’abord de mangas, de dessins animés, mais aussi de films et de séries : ces femmes imaginent des histoires sexuelles débridées pour leurs héros. Il y a des sites, des forums spécialisés », explique la chercheuse belge Katrien Jacobs, qui étudie la pornographie et la censure en Chine à l’université chinoise de Hongkong.

Livres imprimés en secret

Par deux fois, les autorités chinoises ont mené des raids d’envergure, en 2011 et 2014, fermant des sites, arrêtant des auteures et imposant de nouveaux mécanismes de censure sur les plates-formes de diffusion de littérature en ligne. « Ces attaques ont en partie adouci les contenus BL, les fans ont dû écrire les scènes de sexe de manière moins imagée, en recourant à des métaphores. En rusant par des codes. Mais ce type de subculture a une forte résilience. Après les raids de 2014, des auteures ont dessiné des mangas de femmes en prison qui fantasmaient sur des histoires de sexe entre gardiens ! », poursuit la chercheuse.

« Et puis des fans sont repassées de l’Internet au monde réel, pour s’échanger de vrais livres. » Comme… Melle Liu, qui faisait imprimer en secret ses livres puis les proposait sur le portail de vente en ligne chinois Taobao. La police l’a retrouvée en interceptant une grosse livraison et en remontant la piste.

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