Parcours du combattant : ces Françaises, hors délai, obligées d’avorter à l’étranger

publié par Pauline Pellissier le 21•11•2018
modifié il y a 7 mois
Affiches réalisées pour le Planning Familial par Louise Damiano et Alice Does, à partir de paroles de femmes.

Lors d’une conférence organisée mardi 20 décembre, le Planning Familial a alerté sur les difficultés rencontrées par les Françaises, contraintes d’avorter à l’étranger.

Elles seraient 4 000 à 5 000, selon les années, à devoir se rendre dans un pays voisin pour avoir recours à l’avortement. Car s’il est légal en France depuis 1974 (merci Simone Veil !), le délai initial de 10 semaines, allongé à 12 semaines de grossesse en 2001, est parfois dépassé quand certaines femmes se rendent compte qu’elles sont enceintes. Test de grossesse fait trop tôt, cycle très irrégulier, poursuite des règles… quand on ne l’attend pas, qu’on ne la désire pas, la grossesse se fait parfois bien trop discrète. Et quand on est à quelques jours près, la « fermeture de 130 centres pratiquant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 10 ans« , dénoncée par le Planning familial, mais aussi la clause de conscience des médecins, ou les fermetures estivales, n’arrangent rien…

Si bien qu’une fois dépassé le délai légal, ces femmes doivent se tourner vers des pays à la législation plus libérale : jusqu’à 20 semaines de grossesse (ou 22 semaines d’aménorrhée, soit depuis la date des dernières règles) aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou en Espagne. Mais alors qu’elles sont prises en charge en France à 100 % par la sécurité sociale depuis 2016, ces IVG pratiquées à l’étranger sont facturées aux femmes de 800 à 1 200 € en moyenne, selon l’avancée de la grossesse. Et ce sans compter les frais de transport jusqu’à destination.

« 3 mois ça ne suffit pas »

Des sommes parfois impossibles à réunir pour les femmes dans les situations les plus précaires. « On s’est décidé avec mon copain à ne pas garder l’enfant car on n’a pas d’argent… mais on n’en a pas non plus pour aller avorter », constatait une femme dans un témoignage lu par le Planning Familial. « Je ne sais pas ce que dirait le banquier si je vais lui demander un crédit à la consommation pour ça. (…) Si seulement, on pouvait payer en plusieurs fois », ajoutait une autre témoin.

En organisant mardi 20 décembre à la mairie du 10e arrondissement de Paris une rencontre d’information sur le sujet, le Planning familial compte à la fois alerter sur le sort de ces femmes et sur la hausse progressive des tarifs pratiqués par les cliniques à l’étranger (la clinique hollandaise avec qui travaillait jusqu’ici le Planning ne leur fait plus de « tarifs préférentiels » depuis quelques mois). Mais aussi lancer une réflexion plus globale sur un possible allongement des délais en France, car « 3 mois ça ne suffit pas », estime Lou, militante du Planning Familial 75.

Des femmes « se débrouillent par elles-mêmes »

Les plus concernées restent les mineures et les femmes étrangères. Marie Mathieu, docteur en sociologie, auteure d’une thèse sur la représentation sociale de l’avortement rappelle que pour les mineures, qui peuvent avorter en France sans autorisation de leurs parents, le départ à l’étranger nécessite, lui, leur accord… et donc de les mettre au courant de leur situation. Mêmes difficultés pour les femmes sans papiers, qui ne veulent pas prendre le risque de passer une frontière et d’être placée en centre de rétention.

Des difficultés financières et logistiques qui ont pour conséquence que des femmes préfèrent encore « se débrouiller par elles-mêmes », témoigne une sage-femme du centre du Planning Familial de l’Hôpital Bichat. Comprendre : des avortements clandestins continuent à être pratiqués en France, avec des méthodes très dangereuses, mettant directement en danger la vie des femmes.

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