Imran Khan a le sens de la litote. Plutôt que de souligner explicitement le niveau de pauvreté qui frappe son pays, le nouveau Premier ministre du Pakistan a célébré ses cent premiers jours au pouvoir en annonçant que son gouvernement allait “distribuer des poules aux femmes les plus démunies, en vue de les faire sortir de la pauvreté”, souligne le journal Dawn, qui analyse la polémique que ces propos ont ensuite déclenchée. “Bien qu’un certain nombre de responsables politiques aient tourné en ridicule cette déclaration, beaucoup cherchent à comprendre comment et pourquoi cette dernière pourrait faire sens”, explique l’auteure de l’article, Myrah Nerine Butt, une experte en pauvreté et développement, diplômée de l’université du Sussex.

D’après elle, “ceux qui se moquent de cette initiative sont en réalité très éloignés des réalités vécues par les femmes en milieu rural”. Il faut savoir en effet qu’au Pakistan “7,7 millions de foyers vivent en dessous du seuil de pauvreté” établi à l’époque de Benazir Bhutto, dans les années 1990. Myrah Nerine Butt juge cette affaire de poules assez subtile et présage que l’idée a des chances d’être “plus efficace” qu’un récent programme de lutte contre la pauvreté qui consistait à offrir de l’argent aux plus défavorisés, sans condition.

Dans une famille, dit-elle, “l’argent est contrôlé par les hommes et dépensé dans des activités non productives ou non domestiques”, tandis que les poules représentent “un actif qui restera probablement aux mains des femmes”. Explication : les poules sont considérées comme des animaux “inférieurs” et la gent masculine préfère s’occuper “des chèvres, des vaches et des buffles”.
En se voyant confier des poules, les femmes vont voir leur rôle “s’accroître”, car elles pourront “décider de la répartition des œufs dans la maison ou de l’utilisation du revenu qui en résulte”. Toutefois, même si les poules sont une solution encouragée au niveau international, notamment par la fondation Bill et Melinda Gates, elles ne pourront pas à elles seules tout résoudre. “Les femmes ont-elles au moins été consultées ?” s’interroge ainsi notre chercheuse.