Femmes et hommes sont-ils égaux face à la formation professionnelle?

Eve, Le Blog Egalité professionnelle

Comme chaque mois, le webmagazine EVE décrypte un chiffre extrait du Rapport EVE & DONZEL.

Après avoir analysé les données de la mobilité internationale des femmes, de leur accès aux promotions internes, de leur part dans les salarié.es à temps partiel, de la question du partage des tâches domestiques, des écarts salariaux, de la visibilité dans les médias, des effets de la parentalité sur la carrière, nous vous proposons d’aborder la thématique de la formation continue.

Femmes et hommes sont-ils égaux face à la formation professionnelle? Les statistiques semblent l’indiquer : 40,7% des hommes européens et 39,9% des femmes européennes ont déjà bénéficié d’une formation (Eurostat). En France, c’est 59% des hommes et 58,8% des femmes (INSEE).

 

De faibles écarts femmes/hommes qui cachent de forts écarts entre femmes de différentes catégories socio-professionnelles

Néanmoins, les disparités de niveaux de responsabilités parmi les formé.es interpellent :

Une ouvrière a presque 3 fois moins de chances qu’une cadre supérieure d’accéder à la formation professionnelle

81,2% des femmes cadres et professions intellectuelles supérieures du secteur privé (71,9% d’hommes)

45,5% des femmes employées (50,3% d’hommes)

29% de femmes ouvrières (45,2% d’hommes) ont déjà bénéficié d’une formation professionnelle.

(INSEE, 2012)

On constate que derrière un faible écart femmes/hommes, se cachent d’importants écarts entre femmes, selon la catégorie socio-professionnelle. Les chances d’accéder à la formation pour une ouvrière sont près de 3 fois inférieures à celle d’une cadre supérieure.

Témoin de l’accent aigu porté sur le développement du leadership des femmes par les politiques d’égalité conduites depuis plusieurs années, ce sous-accès des ouvrières, et dans une moindre mesure des employées, aux moyens de la progression professionnelle vient re-démontrer l’existence d’un plafond de verre à vitrages multiples.

 

La sur-représentation des femmes cadres supérieures parmi les formé.es, miroir aux alouettes?

Autre élément saillant : les femmes cadres supérieures sont semble-t-il plus avantagées que les hommes de leur catégorie face à la formation. Pour autant, sont-elles réellement plus nombreuses que les hommes à se former ? Si 81,2% de cadres féminines et professions intellectuelles supérieures du secteur privé ont été formées, elles ne représentent que 39% de la population de cadres en France. Alors, après calculs, on découvre que la part des femmes se rapporte à 31,67% des cadres sups formé.es.

Ensuite, est-ce que la formation fait effet de levier de la même façon pour la carrière des femmes que pour celle des hommes? 6,7% des femmes bénéficient d’une augmentation de salaire après une formation. C’est 8,5% pour les hommes (CPNEF).

 

Repenser la formation pour la rendre plus égalitaire en même temps que davantage en phase avec les besoins de l’économie

On distingue traditionnellement 3 types de formation :

La formation formelle relève des apprentissages acquis au sein de l’entreprise, intentionnelle de la part de l’employeur et des formé.es et débouche en général sur un certificat ou diplôme remis à l’apprenant.e. via des formations présentielles, tutorat, coaching.

La formation informelle comprend tout ce que l’employé.es apprend au quotidien via ses activités professionnelles ou non, et dont les apprentissages ne sont généralement pas intentionnels : networking, supervision, accompagnement d’équipes, groupes de parole, échanges de travailleurs. L’employeur peut influencer ce type de formation en insufflant des idées d’activités personnelles via des partenariats avec des centres culturels. A l’opposé, en se passant de les influencer sur leurs loisirs, la société peut encourager les salarié.es à acquérir des compétences dans des domaines étrangers à leurs activités mais inspirants pour leurs pratiques.

Et le dernier type de formation, qui connaît un grand accroissement ces dernières années en pleine explosion, l’apprentissage non-formel, intentionnel de la part de l’apprenant qui choisit délibérément des activités lui permettant de développer de nouvelles compétences en visant ses propres objectifs. Il peut se former continuellement ainsi au travail mais aussi dans sa vie privée. Pour le moment, elle ne valide aucun diplôme au sein de l’entreprise mais peut faire l’objet d’une VAE.

Cette segmentation de la formation connait de profondes mutations avec l’avènement de l’ère de la tech, qui fait toute place au social learning. Une évolution qui interpelle sur la notion d’espace-temps, de la transversalité des apprentissages professionnels et personnels, de la superposition de ces sphères et donc des frontières entre la vie professionnelle et la vie privée.

 

Et, selon certaines analyses, cela pourrait bien contribuer à réduire les écarts d’accès à la formation. Car, parmi les personnes qui ne se forment pas, 20,9% invoquent le manque de temps dû aux responsabilités familiales (Eurostat), ce qui, recoupé avec les chiffres de la répartition des tâches domestiques, indique clairement que ce sont les femmes qui constituent le très gros du bataillon des renonçant.es à la formation. Dégagée de la contrainte présentielle, la formation d’avenir pourrait donc bien permettre à celles qui voudraient se former sans en trouver le temps dans leur agenda au cordeau, de se doter de nouvelles compétences et posture pour renforcer leur empowerment et donner de l’élan à leur carrière. Reste que ce n’est pas une raison pour s’abstenir de continuer à oeuvrer pour à alléger le poids des responsabilités familiales (travail domestique à proprement parler et « charge mentale« ) qui reposent encore trop lourdement sur les épaules des femmes…

 

Elina Vandenbroucke, avec Marie Donzel, pour le webmagazine EVE.