Ah tiens, là, voilà une femme, dans le bouquin d’histoire ! « Sauf qu’elle passe le balais », marmonne Isaure, la cadette de nos témoins. En histoire, en français ou en sciences éco, force est de constater que, des femmes, on n’en n’a pas trouvé autant que l’on aurait voulu, dans les manuels de nos trois écolières.

« A ce jour, les manuels scolaires renforcent l’exclusion des femmes du monde littéraire et artistique », concluait déjà en 2013 une étude du centre Hubertine Auclert, après épluchage méthodique d’un corpus de 17 manuels (6 manuels de seconde générale et technologique ; 11 de seconde professionnelle). « Leur rôle est secondaire. L’idée que le génie littéraire et artistique n’est pas de la compétence des femmes transparaît dans ces manuels. »

Rares et clichés ambulants

Sur 3 348 personnages sexués répertoriés dans les manuels scolaires, on décomptait en effet 2 676 hommes contre 672 femmes, soit... une femme pour cinq hommes. Et souvent cantonnées aux mêmes rôles. Dans les manuels scientifiques, seuls trois personnages féminins sont associés à des noms de métiers au féminin : assistante médicale, infirmière, hôtesse. Et dans les livres de français, 1% des oeuvres citées sont celles de femmes. Les choses ont-elles vraiment évolué depuis ?

Las, les femmes sont « souvent en guenilles » dans les livres d’histoire d’Isaure, cloitrées dans les chapitres sur les droits des femmes mais absentes des biographies de fin de manuel de sciences économiques et sociales de Marguerite, « presque pas là, en fait », dans les bouquins de Lila. "C'est comme si [elles] n'avaient rien accompli", regrette l'ainée des trois.

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Peut mieux faire

« Les manuels scolaires constituent pour nombre d’enfants l’un des premiers livres d’importance qu’il leur est donné de lire. Légitimés par l’institution scolaire, ils font autorité au point qu’il est rare que parents, élèves, enseignant·e·s remettent profondément en cause ce qui y figure et la manière dont les connaissances sont agencées et étudiées », pointait à l’heure de son premier rapport le centre Hubertine Auclert.

En 2018, ce dernier s’essayait à nouveau au comptage des femmes dans les livres d’école, cette fois en épluchant les manuels d’enseignement moral et civique (EMC), nouvelle version de l’éducation civique pour les élèves de 5e, 4e et 3e. Bonne nouvelle, les chapitres consacrées aux inégalités femmes-hommes y sont présentées de manière « satisfaisante ». Mais pour le reste, « peut mieux faire » : les personnages cités y sont des femmes dans 14% des cas… désespérément cantonnées à des rôles stéréotypés.

"Injuste, bizarre, contradictoire"

Qu’en pensent celles pour qui ces ouvrages façonnent le champs des possibles ? Unanimement, c’est « injuste », « bizarre », « contradictoire », concluent-elles après leur recherche (infructueuse) de rôles modèles. Même si « il va falloir s’accrocher » (dixit Marguerite), « encore heureux on n’apprend pas tout à l’école, sourit Isaure. Il y a aussi les parents, les amis, la culture pour nous donner les bases. »