SOCIÉTÉ Lorraine : ces femmes invisibles qui vivent dans la rue

Ce mercredi sort sur les écrans le film Les Invisibles , une comédie sociale sur les femmes SDF. Un public aussi particulier que discret. À la rue depuis neuf mois, Céline, rencontrée à Metz, raconte son quotidien.
Philippe MARQUE - 09 janv. 2019 à 05:00 | mis à jour le 09 janv. 2019 à 08:20 - Temps de lecture :
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À 39 ans, Céline vit dans la rue depuis neuf mois. Si elle veut bien raconter son parcours et son quotidien,   cette femme sans domicile fixe tient à garder l’anonymat.  Photo Pascal BROCARD
À 39 ans, Céline vit dans la rue depuis neuf mois. Si elle veut bien raconter son parcours et son quotidien, cette femme sans domicile fixe tient à garder l’anonymat. Photo Pascal BROCARD

Elle n’ira pas voir le film Les Invisibles , qui sort ce mercredi. D’abord parce qu’elle n’a pas de sous. Mais surtout parce qu’elle n’en a pas envie : « Vu que je vis la même chose, si je devais aller au cinéma, je préférerais plutôt voir un film rigolo », confie Céline avec un petit sourire gêné. Cette Messine de 39 ans est à la rue depuis neuf mois. Elle se rappelle très bien la date exacte : le 12 avril. « Je n’arrivais plus à payer mon loyer. Je devais 7 600 €. Comme je savais que j’allais être expulsée, je suis partie avant. »

 « On m'a tout pris »

Sa première nuit, Céline la passe sous une bâche dans le quartier gare à Metz. Un endroit dont elle connaît bien les trottoirs pour s’y être souvent prostituée. « J’ai fait ça pendant plus de vingt ans. J’ai aussi été vendeuse pendant dix ans dans un magasin. Mais depuis deux ans, je ne gagne plus rien. Je suis vraiment dans le trou. Cela ne peut pas être pire. » Elle raconte son parcours avec pudeur, par bribes, sans jamais regarder son interlocuteur dans les yeux. Le peu d’affaires qu’elle avait lui ont été volées. « On m’a tout pris. Mes papiers, mon maquillage, mon parfum, mes habits. Même mon sac de couchage ! » Le milieu de la rue ne lui fait pas peur : « Après toutes ces années passées à travailler sur le trottoir, je suis devenue résistante. On m’a beaucoup persécutée mais je ne me laisse pas marcher sur les pieds. Ceux qui m’emmerdent, je leur pète la gueule. »

C’est donc plus par honte que par insécurité qu’elle a décidé de se terrer tout l’été à la campagne, dans les rues d’une commune voisine de Metz. « Quand on est une femme à la rue, on n’a qu’une obsession : se cacher à tout prix. Je me refuse par exemple à faire la manche. J’ai trop honte. » Pas question non plus de solliciter ses enfants de 19 et 18 ans : « J’y passe pour prendre une douche. Mais j’ai trop de fierté pour demander plus. Je me suis toujours débrouillée seule… »

Une possible nouvelle vie

Le sweat du PSG qu’elle porte vient d’un de ses fils. Son pantalon, de Caritas. Et ses jolies bottines toutes neuves lui ont été offertes par un résident du foyer du Pont des Grilles, le centre d’hébergement d’urgence où elle loge depuis cinq jours.

« Une journée à la rue, t’as l’impression que ça dure dix jours. »

Depuis 2013, la structure consacre une aile avec cinq chambres et une salle de bain commune à l’accueil des femmes. C’est là qu’on l’a rencontrée. Elle est arrivée au rendez-vous toute soignée, les cheveux bien lissés : « Il y a beaucoup d’alcooliques et de drogués, ça crie pas mal, mais c’est mieux d’être ici que dans la rue. On peut se doucher et manger. J’y suis au chaud et j’y écoute de la musique. Je ne sors pas trop. Pour faire quoi ? Du lèche-vitrines alors que je n’ai pas d’argent ? Le temps paraît très long. Une journée à la rue, t’as l’impression que ça dure dix jours. »

Tous les matins, elle appelle le 115 pour s’assurer qu’elle peut conserver sa chambre. Mardi, la direction de l’association Est Accompagnement, qui gère le centre, a décidé de la stabiliser. Un référent social lui a été désigné. Et sa chambre lui reste attribuée jusqu’à ce qu’un hébergement plus pérenne ne lui soit trouvé. De quoi entrevoir le début d’une reconstruction. Elle passera en priorité par de nouveaux papiers et l’obtention du RSA.

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