5 fois où une agression sexuelle est devenue une blagounette à la télé

Publié le Jeudi 01 Juin 2017
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
5 fois où une agression sexuelle est devenue une blagounette à la télé
5 fois où une agression sexuelle est devenue une blagounette à la télé
Avant Maxime Hamou, d'autres se sont déjà rendus coupables de comportements déplacés et inadmissibles envers des femmes. Pourtant avérées, ces agressions sexuelles sont minimisées et réduites au rang de "blagues" ou de "dérapages".
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Imaginez la scène : vous êtes journaliste, en train de réaliser un reportage en direct. Ou bien chroniqueuse sur le plateau d'une émission de télévision. Alors que vous faites votre travail, un collègue ou un invité essaie de vous embrasser contre votre volonté. Ou bien se permette de toucher vos seins. Imaginez que cette scène soit saisie en direct par une caméra et que vous ne puissiez pas réagir, pas vous offusquer et repousser votre assaillant par crainte de compromettre votre carrière. Imaginez enfin que des milliers, voire des millions, de téléspectateurs assistent à la scène et que vos collègues, plutôt que de prendre votre défense, se gaussent de cette "bonne blague".

Voici exactement ce qu'a vécu la journaliste Maly Thomas lundi 29 mai, agressée en direct par Maxime Hamou alors qu'elle cherchait à l'interviewer pour la chaîne Eurosport. Cas typique d'agression sexuelle en plein direct, l'assaut du tennisman a cependant été réduit, notamment par les chroniqueurs de Touche pas à mon poste, à une banale blagounette qui aurait été un peu trop loin. Comme si le ressenti de Maly Thomas - qui a pourtant confié que si elle n'avait pas été en direct, elle aurait giflé le malotru – comptait moins que celui de son agresseur.

C'est ce type de comportement qui participe à la culture du viol. Un sujet que Marlène Schiappa connaît bien. Dans une interview qu'elle nous avait accordée en mars pour la parution de son essai Où sont les violeurs ? (Éd. de L'aube), la secrétaire d'État aux droits des femmes définissait la culture du viol comme un "ensemble de mécanismes qui contribuent à minimiser les viols et les agressions sexuelles, à les excuser en trouvant des circonstances atténuantes aux violeurs, à ne pas les nommer. C'est aussi culpabiliser les victimes, les rendre responsables de ce qu'elles ont subies."

Loin d'être marginale, cette culture du viol a surgi à plusieurs reprises sur les plateaux télé ces dernières années, en France et à l'étranger. Parce qu'elles minimisent les actes de l'agresseur, les excusent et rejettent la faute sur la victime car elle a osé parler. Retour sur cinq fois où une agression sexuelle diffusée à la télé a été transformée en un banal dérapage.

Cécile de Ménibus et Rocco Siffredi (2006)

Cette séquence a beau avoir dix ans, elle résonne toujours fortement pour Cécile de Ménibus comme une atteinte à son intégrité physique. À l'époque, l'animatrice est chroniqueuse dans l'émission "Cauet fait de la radio", qui reçoit ce jour-là l'acteur porno Rocco Siffredi. Survolté, sans limite, la pornstar a mimé sur Cécile de Ménibus un acte sexuel. L'animatrice a beau se débattre, exprimer explicitement son refus, l'acteur la touche, l'embrasse de force et ce sous les rires gras du public, de Cauet et des autres chroniqueurs. "Il dit traiter les femmes correctement, ce qui est absolument faux, il a fait un truc horrible à Florence Foresti pendant la même émission [il lui aurait mis un doigt dans la culotte, ndlr]. Surtout, ce qu'il a fait après, c'est que quand on était en coulisses, il fait 1m90 et il m'a attrapée au cou et il m'a fourré sa langue dans la bouche, a déclaré Cécile de Ménibus à Télé Loisirs. Il a fallu que j'appelle la sécurité. C'est tout ce que je déteste. C'est du viol, en fait. Ni plus ni moins du viol. [...] C'est un goujat qui se croit tout permis parce qu'il a un nom."

Melanie McLaughlin et Chris Gayle (2016)

Maxime Hamou n'est pas le seul sportif à s'est montré discourtois avec une journaliste. En 2016, alors qu'elle interviewait le joueur de cricket Chris Gayle pour la chaîne australienne Ten Sport, Melanie McLaughlin a essuyé en direct les remarques inappropriées de son interlocuteur. "Vos yeux sont magnifiques. J'espère qu'on va gagner le match et qu'on ira ensuite boire un verre. Eh, rougis pas bébé", lui a sorti Chris Gayle. Si ce dernier ne s'est pas rendu coupable d'agression, il a tout de même réussi à mettre mal à l'aise la journaliste tout en la renvoyant à son statut de femme pendant qu'elle faisait son travail.

Soraya Riffi et Jean-Michel Maire (2016)

Diffusée en direct pendant l'indigeste marathon télé organisé par Cyril Hanouna et sa clique en octobre 2016, cette séquence aurait pu passer inaperçue sans la vigilance de certains spectateurs. Tandis que les chroniqueurs de "Baba" ont déjà plusieurs heures de direct dans les dents, l'un d'eux, Jean-Michel Maire, a agressé en direct la danseuse Soraya Riffi présente sur le plateau. Parce que celle-ci lui refusait un baiser, il a cru bon de passer outre son interdiction en l'embrassant sur la poitrine. "C'était une boutade, rien de plus", s'était-il défendu par la suite.

Maria Grazia Lombardi et Gene Gnocchi (2015)

Invité en 2015 sur le plateau du journal de la chaîne locale italienne Puglia TV, l'ancienne gloire du football Gene Gnocchi, depuis reconvertie en animateur télé, s'est montrée d'une grossièreté sans nom en embrassant la journaliste Maria Grazia Lombardi sans son consentement. Interloquée, celle-ci n'a réussi qu'à bredouiller qu'elle "se souviendrait de ce moment toute sa vie". Tu m'étonnes. Le plus triste, c'est que ni elle, ni les médias ayant relaté l'affaire ont considéré le geste de Gene Gnocchi comme du harcèlement sexuel. Ainsi, le très sérieux journal La Repubblica a déclaré qu'il ne s'agissait que "d'une démonstration d'affection inattendue digne de Roberto Benigni".

Tania Reza et Enrique Tovar (2015)

Employée de la chaîne de télévision mexicaine Televisa, Tania Reza a été harcelée en direct en 2015 par son collègue Enrique Tovar alors qu'elle présentait l'émission "A Toda Máquina" (À toute vapeur, en français). Goguenard et très confiant, Enrique Tovar a commencé par tirer sur l'ourlet de la robe de Tania Reza avant de toucher à deux reprises son décolleté. Cette dernière, de plus en plus gênée et absolument pas consentante, a fini par quitter le plateau en déclarant : "Je ne peux pas travailler comme ça". Et Enrique Tovar, décidément parfait gentleman, de commenter le départ de sa collègue : "Je suis désolé, je pense que ma partenaire est victime de ses hormones". Refusant de soutenir son employée, la chaîne Televisa a d'abord publié un communiqué dans lequel elle affirme que la séquence de harcèlement dont a été victime Tania Reza a été orchestrée de toute pièce afin de "devenir virale". Mais Tania Reza s'est ensuite rétractée. Sur son compte Facebook, l'animatrice s'est fendue d'un long post dans lequel elle a expliqué que la chaîne l'a contrainte à corroborer sa version des faits pour couvrir Enrique Tovar. Signe que pour sa direction, elle était autant coupable que son collègue, elle a elle aussi été suspendue d'antenne.