ELLE. Vous organisez, le 15 janvier*, avec le Laboratoire de l’égalité, un colloque au sujet de la retraite des femmes. Pourquoi est-il important de se saisir de ce sujet ? 

Olga Trostiansky. Nous nous situons dans un moment incontournable avec la réforme du système de retraite. Le système actuel est extrêmement injuste et inégalitaire. Les écarts de retraites entre les femmes et les hommes sont très importants. La pension moyenne de droit direct des femmes est inférieure de 42% à celle des hommes, et même en tenant compte des mécanismes de compensations, l’écart s’élève à 29%. La situation dans laquelle beaucoup de femmes se retrouvent à l’heure de la retraite est dramatique. Pour certaines, leur pension est inférieure au seuil de pauvreté ! Le colloque de mardi a été organisé pour que l’on puisse mener une analyse plus fine avec des experts et des partenaires sociaux. Je souhaite que les experts disent ce qu’ils pensent de ce sujet et qu’il soit défini comme prioritaire, et que les femmes puissent faire partie de cette réflexion. Tous ensemble, nous voulons réfléchir aux questions auxquelles nous voulons que le gouvernement apporte des réponses, pour amorcer l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous ferons preuve d’une grande vigilance vis-à-vis de ce nouveau système. C’est pourquoi nous avons lancé le hashtag #VigilanceFemmesEtRetraite, qui n’est pas synonyme de méfiance mais plutôt d’ouverture et de bienveillance.

ELLE. Le gouvernement travaille actuellement à une réforme des retraites. Quelles perspectives semblent se dessiner concernant la résolution de l’inégalité des retraites ? 

Olga Trostiansky. On le sait, la situation ne va pas s’améliorer avant au moins 2050, mais la réforme est nécessaire. Conçu dans les années 45, dans une société patriarcale, le système de retraite actuel est inadapté. Il n’est plus d’actualité. Il reflète les inégalités professionnelles et tend à les amplifier et le système de compensation est lui-même obsolète et inégalitaire puisqu’il dépend du salaire. Il faut imaginer un système de retraite lié aux réalités actuelles de notre société et qui ne favorise pas les hommes. Nos premières impressions sur la réforme sont favorables. Le haut-commissaire à la Réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, en a affirmé dès le début les 5 points majeurs et le sujet des inégalités femmes hommes en fait partie, preuve que le travail effectué par le Laboratoire en 2010 a été entendu. Désormais, les partenaires sociaux eux aussi prennent vraiment en compte le sujet. Mais il faut qu’il y ait une dynamique de groupe car c’est un sujet de société éminemment important ! Il y a tout un travail à faire en 2019 pour expliquer ces sujets techniques et compliqués au gens, afin qu’ils les comprennent et soient moins inquiets. Pour cela le Laboratoire de l’égalité travaille notamment avec les entreprises. Nous voulons qu’il y ait une information formalisée dès l’entrée dans la société, pour que les employés soient mieux informés des décisions qu’ils prennent et des conséquences sur leur retraite. Il faut par exemple que les gens connaissent les conséquences des congés parentaux sur leur retraite. Il faut que les entreprises prennent leur part de responsabilité auprès des salariés.  

ELLE. Quels sont les objectifs du Laboratoire de l’égalité à l’issue du rendez-vous du 15 janvier ? 

Olga Trostiansky. S’assurer que le sujet de l’inégalité soit bien pris en compte dans la réforme des retraites. Les échanges entre le gouvernement et les organisations syndicales vont reprendre bientôt. C’est une bonne chose et c’est pour cela que le Laboratoire de l’égalité les a invités le mardi 15 janvier. Mais il faudra également qu’ils soient là lors des travaux à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Il y aura encore des étapes après que la réforme soit passée. Il est donc primordial qu’il y ait un comité de suivi pour que le sujet des femmes, de la retraite et des inégalités soit l’objet d’étude d’impact. Il faut qu’on ait en tête en permanence qu’il y a des écarts importants entre les femmes et les hommes. Il faut un suivi de gouvernance ! Le message ne s’adresse pas uniquement à Jean-Paul Delevoye mais au gouvernement en général. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ont elles aussi un rôle primordial à jouer. Prenons l’exemple de l’Index de l’égalité femmes-hommes qu’elles ont présenté le 22 novembre 2018. C’est un plan d’action global pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles et pour en finir avec les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. C’est une mesure que l’on salue, mais ce n’est pas suffisant. Ce n’est pas comme ça qu’on va résorber l’écart des inégalités. Il faut aller plus loin. On n’entend pas assez parler de tous les autres aspects qui concourent à l’inégalité des retraites. La réforme doit agir sur le système de retraite et des compensations mais aussi prévoir l’avenir et donc réduire les inégalités en amont. Congé parentalité, pénibilité des femmes… les sujets sur lesquels il faut agir sont nombreux. Il faut prendre en compte les inégalités femmes hommes avant la retraite.

* « Rendez-vous de l'égalité » : ''Femmes et retraite : état des lieux, enjeux et perspectives"