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Le cancer oublié qui tue les femmes

LE CERCLE/POINT DE VUE - Le papillomavirus tue un millier de femmes chaque année. Il existe pourtant un test de dépistage très fiable qui permet de détecter à temps cet agent infectieux à l'origine du cancer du col de l'utérus. Qu'attendons nous pour le généraliser ?

Chaque année, 3.000 femmes se retrouvent en danger de mort en raison d'un cancer du col de l'utérus diagnostiqué souvent trop tard.
Chaque année, 3.000 femmes se retrouvent en danger de mort en raison d'un cancer du col de l'utérus diagnostiqué souvent trop tard. (Shutterstock)

Par Guy Vallancien (membre de l’Académie de médecine)

Publié le 17 janv. 2019 à 08:30Mis à jour le 17 janv. 2019 à 09:34

On s'inquiète de la mortalité routière, mais on laisse 3.000 femmes en danger de mort chaque année à la suite d'un cancer du col de l'utérus diagnostiqué souvent trop tard, dont un millier en meurent.

Or la cause du mal est connue et facile à dépister : il s'agit du papillomavirus humain (HPV), présent uniquement chez l'homme, transmis par voie sexuelle et repérable par un test biologique simple et facile à réaliser.

 95 % des femmes, lorsque le test est négatif, ne développent pas le cancer. 

Si le mot prévention a un sens, il faut donc revoir notre politique de détection de ce cancer, qui repose aujourd'hui sur la pratique des frottis cervico-vaginaux effectués par les 4.700 gynécologues, dont 1.100 purement médicaux, exerçant en France et analysés par les 1.600 anatomopathologistes qui recherchent sous leurs microscopes les cellules anormales. Ces frottis, dont la fiabilité n'est que de 60 %, affichent un coût global de près de 70 euros qui seront prochainement pris intégralement en charge par l'Assurance-maladie.

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Or il existe une technique beaucoup plus simple, rapide, non invasive et discrète pour détecter la présence du virus oncogène sur le col utérin. Ce test est purement biochimique, moléculaire et d'une fiabilité bien supérieure puisque 95 % des femmes, lorsqu'il est négatif, ne développeront pas le cancer. A l'aide d'une petite brosse, la femme peut prélever elle-même les sécrétions vaginales à examiner avant de remettre le tube au laboratoire de biologie qui réalisera le test ou l'adressera à une centrale équipée pour le faire. Or cette technique n'est pratiquement pas diffusée en France, moins de 60.000 tests étant pratiqués par an.

Un test utilisé en Irlande et en Australie

Elle bouleverse les habitudes en rompant les circuits classiques sus-décrits, alors que sa fiabilité est exceptionnelle, comparée à celle du frottis traditionnel. L'Irlande a connu un véritable scandale en 2017 concernant son plan « cervical check » de détection du cancer du col utérin à la suite de la révélation de considérables erreurs dans l'analyse des frottis amenant 221 femmes atteintes de ce cancer à poursuivre le Health Service Executive, l'organisme en charge du dépistage. Leo Varadkar, le Premier ministre ayant reconnu les dysfonctionnements du système, injecta immédiatement 500 millions d'euros dans un fonds d'indemnisation et prôna la mise en place du test HPV.

D'autre pays ont franchi le pas, comme l'Australie, pionnière en la matière, qui espère éradiquer la maladie d'ici à vingt ans grâce à la généralisation de cet examen, simple allié à la vaccination anti-HPV massive des jeunes filles et garçons. Les Etats-Unis, plusieurs pays européens, dont l'Italie, la Belgique, la Suède, l'Italie et les Pays-Bas, mais aussi la Turquie, ainsi que l'Angleterre ont décidé d'utiliser le test HPV en dépistage primaire avant d'éventuellement réaliser des frottis classiques en cas de positivité du test, la combinaison des deux techniques permettant d'obtenir une fiabilité de 98 %.

Eviter le scandale sanitaire

Une politique de prévention n'a de chances d'être efficace que si l'on tient compte des personnes à risque à qui elle s'adresse, et actuellement, ce sont les mêmes femmes de milieux sociaux favorisés à moindre risque qui pratiquent régulièrement des frottis cervico-vaginaux. Il faut se déplacer pour subir un examen gynécologique. Or, sans vouloir aucunement les stigmatiser, le risque est surtout chez les jeunes femmes aux pratiques sexuelles fréquentes avec de nombreux partenaires qui déclarent ensuite vers trente ou quarante ans un cancer du col utérin.

Quand va-t-on mettre en place une véritable démarche de santé publique, avec les bons outils utilisés dans le bon ordre pour faire disparaître ce fléau silencieux qui pourrait être éradiqué si on s'en donnait les moyens au prix d'une pédagogie adaptée aux personnes en danger ? Les jeunes femmes françaises n'auraient-elles pas le droit de savoir et d'entreprendre une démarche personnelle simple à l'utilité maximale ? N'attendons pas qu'un nouveau scandale sanitaire éclate. L'affaire du Lévothyrox qui a mobilisé pendant des mois les autorités alors qu'il n'y a eu aucun mort devrait nous faire réfléchir.

Les tests biologiques HPV sont prêts à être utilisés. Une campagne d'ampleur pour détecter un cancer dont on connaît l'agent causal est le seul moyen d'en réduire la mortalité, voire de l'éradiquer.

Guy Vallancien est membre de l'Académie de médecine.

Guy Vallancien

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