Tribune. Depuis quelques années, à l’aide de mécanismes informationnels comme #metoo, des millions de jeunes femmes à travers le monde dénoncent leurs agresseurs ou leurs violeurs, mais aussi appellent les femmes à témoigner des violences qu’elles ont subies. Ce phénomène relativement inédit a au moins permis à un tort d’être enfin reconnu pour ce qu’il est : une violence injustifiable qui réclame impérativement une réparation et une lutte de la part des pouvoirs publics contre ce terrible fléau.
Mais ces femmes ne sont pas toutes les femmes. Elles ne sont en rien ces centaines de milliers de femmes, de conditions modestes, qui prennent la route de l’exil pour échapper, coûte que coûte, à la misère et à la persécution. #metoo n’est pas une « arme » qu’elles peuvent mobiliser pour accéder à une parole crédible et exiger justice. Ces masses de femmes et d’hommes viennent de pays instables, où la violence politique est quasi permanente, et où les gangs y font régner leur loi sans pitié rivalisant dans l’horreur pour soumettre et extorquer les populations. Certes, les configurations régionales (Balkans, Moyen-Orient…), en matière de déplacements forcés de populations, sont différentes dans leurs formes et dans leurs expressions.
Tous ceux qui détiennent une parcelle d’autorité agissent avec une violence extrême à l’égard des femmes. Et ce serait mentir que de penser que les migrants hommes seraient au-dessus de tout soupçon
Mais partout, les femmes migrantes sur la route de l’exil, dans leur grande majorité, partagent une même condition ontologique : elles sont renvoyées dans la vaste classe des êtres inférieurs. Leur sous-humanité permet de les envisager en toute impunité comme des bêtes à tuer. Il n’existe, nulle part au monde, de trajet sûr pour les femmes qui s’exilent. Accompagnées ou non. La violence sur leur corps est une dimension constitutive de leur longue odyssée. Les témoignages abondent quand les femmes accèdent à la parole. Et puisqu’il est question en ce moment du « périple » des migrants latino-américains en route vers les Etats-Unis, nous savons que plus de 80 % des femmes (jeunes et moins jeunes) venant d’Amérique centrale ont été violées.
C’est bien cela qui me fait dire que, si on ajoute au nombre des exilées latino-américaines, celles qui prennent la route, quels que soient le continent et le pays de départ, pour échapper à l’enfer vécu dans leur pays, nous sommes bien en présence de viols de masse. Ces derniers, sans compter les disparitions de femmes et d’enfants en grand nombre, sont la résultante de deux facteurs fondamentaux complémentaires : celui de la misère sociale et économique et celui de la guerre.
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