Marion Larat, victime d’un AVC : «Sur les risques de la pilule, il y a encore besoin d’informer»

Vous rappelez-vous de Marion Larat ? Victime d’un AVC massif en 2006, elle est celle qui a donné l’alerte sur la pilule 3e génération. À 31 ans et maman aujourd’hui, elle continue son combat et aimerait voir son histoire portée à l’écran.

 Son accident vasculaire cérébral l’a laissée handicapée et épileptique.
Son accident vasculaire cérébral l’a laissée handicapée et épileptique. LP/Patrick Bernard

    Il y a tout un tas d'enveloppes posées sur le bureau et une farandole de clés USB multicolore. Marion Larat ne peut pas -plus- les manipuler de sa main droite, recroquevillée. Alors elle s'aide de la gauche, avec détermination. « Dedans, c'est mon histoire », insiste la jeune femme de 31 ans, qui envoie à partir de mercredi sa quinzaine de courriers à des réalisateurs, metteurs en scène et acteurs dans l'espoir d'en toucher un et de voir son épopée adaptée sur les planches ou à l'écran (petit ou grand).

    Son histoire, rappelez-vous, commence un soir de juin 2006. Alors qu'elle se prépare pour rejoindre son amoureux, Marion, 19 ans, s'effondre dans sa salle de bains. AVC massif, coma, et le début d'un très long combat médical, judiciaire, militant. Car son accident vasculaire cérébral, qui la laisse handicapée et épileptique, a pour coupable un tout petit comprimé. Sa pilule contraceptive (Méliane), comme l'a reconnu la justice en février dernier, en est la cause.

    Entre-temps, son visage encadré par une frange brune -qu'elle a toujours- a ému la France. Il est devenu l'emblème de « la crise de la pilule », notamment celles dites de 3 e et de 4 e génération qui augmentent les risques de phlébite et d'accidents vasculaires. Après le cri d'alarme de Marion et sa plainte en justice, véritable tsunami, les ventes de ces contraceptifs chutent en 2014 de 60 %, les conditions de prescription sont renforcées.

    « Cela a fait beaucoup de bruit à l'époque mais aujourd'hui on retombe dans le déni. Or, il faut continuer d'alerter sur les risques. Toutes les femmes ne les connaissent pas. Celles qui étaient des petites filles lorsque mon histoire a éclaté sont désormais des adolescentes ou des jeunes femmes qui doivent être informées avant de commencer leur contraception. Je veux qu'elles puissent débuter leur vie intime en toute sécurité », confie Marion. Son débit de parole est plus lent que l'énergie bouillonnante qu'elle a en elle. L'AVC l'a rendue aphasique, l'obligeant à chercher ses mots, elle qui a tant à dire.

    «Honorer ces filles qui ont perdu la vie»

    Alors, avec la comédienne Nora Fred, Marion a planché sur la vidéo qu'elle envoie (ci-dessous). Dans un fauteuil, au milieu d'un théâtre de Bordeaux, où elle vit, elle y explique vouloir impacter les esprits. Une adaptation de son livre « la Pilule est amère » (Stock, 2013) serait, selon elle, la meilleure façon « d'honorer ces filles qui ont perdu la vie » et de parler santé publique. Les destinataires : Thierry Lhermitte (très impliqué dans le domaine médical), Charlotte Gainsbourg (avec laquelle on note une ressemblance), Julie Gayet (engagée dans les droits des femmes), Isabelle Adjani, Alexandra Lamy…

    Après tout, Martin Hirsch, aujourd'hui patron des hôpitaux de Paris, avait bien écrit que « l'histoire de Marion devrait être enseignée au cours des études médicales » ! Alors pourquoi pas la porter sur scène !

    Si la pilule reste un contraceptif sûr pour la plupart des femmes, Marion insiste sur le fait qu'elle cause aussi de nombreux accidents graves par an et plusieurs décès. « Trop », enrage-t-elle. La trentenaire, elle, était porteuse d'une anomalie de la coagulation du sang, le facteur II de Leiden. Sa pilule n'aurait pas dû lui être prescrite.

    Marion est maintenant maman. Armand, son fils, aura bientôt deux ans. Il est « sa revanche ». « Mais toutes n'ont pas eu cette chance », souffle la lanceuse d'alerte, espérant que ses clés USB, comme autant de « bouteilles à la mer », arriveront à bon port.

    Pour joindre Marion Larat : lapiluleestamere@gmail.com.

    REPÈRES

    13 juin 2006. AVC de Marion Larat, 19 ans, sportive et non fumeuse. Elle sera opérée, en tout, neuf fois. Son aire de Broca (celle du langage dans le cerveau) est endommagée. Elle est handicapée à près de 80 %.

    2010. Un médecin fait le lien avec la pilule. Marion en prenait une, dite de 3e génération, depuis trois mois lorsqu'elle a fait son AVC.

    14 décembre 2012. Dépôt de plainte pour « atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine ». Le scandale explose.

    31 mars 2013. Les 48 pilules de 3e génération ne sont plus remboursées (mais certains génériques, si). L'Agence du médicament met en garde. Les ventes s'effondrent.

    13 février 2018. Le tribunal de Bordeaux reconnaît « l'accident médical » de Marion Larat, établi le lien de causalité avec la pilule mais ne reconnaît pas « la faute » du laboratoire Bayer. Elle espère désormais un procès.