Le ciel vu du ciel : quatre témoignages de spationautes avant Thomas Pesquet

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Le ciel vu du ciel : quatre témoignages de spationautes avant Thomas Pesquet

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"Bonjour Québec, la Gaspésie et le fleuve Saint-Laurent ! J’ai de bons souvenirs de mon année chez vous" Tweet de Thomas Pesquet
"Bonjour Québec, la Gaspésie et le fleuve Saint-Laurent ! J’ai de bons souvenirs de mon année chez vous" Tweet de Thomas Pesquet
- Twitter, Thomas Pesquet @Thom_astro

L'astronaute Thomas Pesquet et son confrère russe Oleg Novitski sont revenus sur Terre après six mois à bord de la Station spatiale internationale. Florilège de témoignages de spationautes français ayant franchi la stratosphère avant eux.

Thomas Pesquet et son confrère russe, Oleg Novitski, ont atterri dans les steppes du Kazakhstan vendredi 2 juin, après avoir passé six mois à bord de la Station spatiale internationale. Ce mardi matin, Thomas Pesquet donnait une conférence de presse à Cologne.

Nous vous proposons ici de réécouter quelques témoignages parmi ceux des neuf astronautes français partis dans les étoiles avant lui, afin de savoir quels sentiments étreignent l'homme à 400 km d'altitude… Dans l'émission "L'étoffe française des héros" (Sur les docks) en décembre 2015, Thomas Pesquet rendait hommage à ses prédécesseurs : “La première génération a 40 ans de plus que moi, la seconde génération, Jean--François Clervoy, a exactement 20 ans. Donc une génération d’astronautes tous les 20 ans… le métier change, mais les difficultés je pense, restent les mêmes."

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Peut être que nous on est un peu moins défricheurs qu’ils l’étaient à l’époque, mais on fait des missions plus longues, donc le côté psychologique est plus important. C’est le même métier avec des variantes, c’est la même chose qu’être marin pour un voyage de dix jours, ou marin pour un voyage de 3 mois… Thomas Pesquet

L’étoffe française des héros_Sur les docks, décembre 2015

53 min

Durée : 53 min

1982, Jean-Loup Chrétien : "À 80 km au dessus de la Terre, c’est le vide."

 Jean-Loup Chrétien dans sa capsule, durant une session d'entraînement à la Cité des étoiles, à Moscou, en octobre 1981
Jean-Loup Chrétien dans sa capsule, durant une session d'entraînement à la Cité des étoiles, à Moscou, en octobre 1981
© AFP - BAÏKONOUR, KAZAKHSTAN

Jean-Loup Chrétien est le premier français à avoir voyagé dans l’espace en 1982, 21 ans après le russe Youri Gagarine, premier homme dans l'espace**.** Sa mission, à bord du vaisseau Soyouz T-6 et de la station Saliout 7, a duré 8 jours. En janvier 1984, pour l'émission Chasseurs de son produite par Jean Thévenot, sur France Culture, il répondait à des questions d'enfants curieux de savoir comment se déroulait la vie dans l'espace... et pas si candides ! "Comment on voit la lune ?", "Comment on mange ?", “Est ce que vous buvez avec des verres ?”, “Est ce qu’on se lave là-haut ?” Voici notamment ce qu'il répondait à l'un d'eux, qui l'interrogeait sur son ressenti au moment du décollage :

Comment te décrire ça ?... Comme un ascenseur qui démarre, et puis qui accélère de plus en plus. Alors on est un petit peu collé sur son siège, et l’accélération augmente au fur et à mesure que la fusée s’allège, et la vitesse aussi, évidemment. Et on se sent un petit peu… pas écrasé, parce que ce n’est pas à ce point-là, mais un peu appuyé et collé à son siège. On arrive à la vitesse de 28 000 km/h, et à l’altitude orbitale de 300 kilomètres. Entre le moment où on quitte le sol, et le moment où on arrive là haut, où la fusée a fini de fonctionner, eh bien il s’est passé seulement 9 minutes.

Jean-Loup Chrétien dans l'émission Chasseurs de son, en janvier 1984

11 min

Durée : 11 min 35

C’est ça une fusée en fait, c’est une fenêtre entre la réalité et le rêve. Et ce que vous vivez de l’autre côté, c’est une réalité, mais quelque part, il faut se pincer parfois pour s’assurer qu’on n’est pas en train de rêver. Jean-Loup Chrétien

1994, Jean-François Clervoy : "Vous pouvez penser que vous êtes dans un gouffre."

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L'ingénieur Jean-François Clervoy a effectué trois missions spatiales, en 1994 et 1997 (navette Atlantis), et en 1999 (Discovery). Il comptabilise 28 jours dans l'espace. En août 1992, dans l'émission Marcher sur les étoiles : la longue attente des explorateurs de l'Espace, il racontait la vertigineuse impression de vide ressentie là-haut :

Quand vous êtes dans l'espace, que la Terre et le Soleil sont dans le dos, que vous ne voyez pas la Lune et que vous ne voyez par le hublot que l'immensité noire de l'espace - avant d'éteindre les lumières éventuellement si vous voulez voir les étoiles -, vous pouvez penser que vous êtes dans un gouffre. Vous ne savez pas où est la limite quand vous êtes face au noir. Dans mon premier vol (...) ceux qui dormaient, pour ne pas être dérangés par ceux qui travaillaient, étaient dans une sorte de sarcophage, une vraie boîte fermée de tous les côtés qui faisait 80-90 cm de large, 60 cm de haut et deux mètres de long. (...) C'est noir, Vous flottez à l'intérieur... vous ne savez pas si la limite est à 10 cm, à 1 mètre, ou à l'infini. Jean-François Clervoy

Jean-François Clervoy dans l'émission "Marcher sur les étoiles : la longue attente des explorateurs de l'Espace" en août 1992

1 min

Durée : 1 min 30 (extrait)

1996, Jean-Jacques Favier : “Les couchers de soleil, les levers de soleil… on en voit toutes les 45 minutes."

Jean-Jacques Favier fut le septième astronaute français. Il réalise un unique vol le 20 juin 1996, à bord de la navette Columbia, durant presque 17 jours. Dans l'émission Paroles d'étoiles sur France Inter, en septembre 1996, il évoquait toutes les impressions que cette rarissime expérience lui avait procurées.

C’est émouvant parce que les frontières habituelles, les frontières entre pays etc. disparaissent complètement. Donc on se rend compte que le monde est vraiment tout petit. (...) C’est émouvant parce que les couleurs sont magnifiques. Le ciel, les couchers de soleil, les levers de soleil… on en voit toutes les 45 minutes. Tout cela donne l’impression qu’on est dans un monde irréel. Jean-Jacques Favier

Jean-Jacques Favier dans 'Paroles d'étoiles' sur France Inter, en septembre 1996

16 min

Durée : 16 min

Il évoquait aussi la sensation de fragilité du monde qu'il avait éprouvée : "En particulier lorsqu’on a la chance de pouvoir voir l’atmosphère lors d’un lever ou d’un coucher de soleil. C’est une couche très très fine, c’est 50 km au plus, donc à l’échelle de la planète, c’est simplement une pellicule, et on sait que c’est si précieux, par ailleurs.” Il témoignait aussi de la manière dont on appréhende le ciel, lorsqu'on a littéralement la tête dans les étoiles :

A l’oeil nu, on se rend compte que toutes les étoiles ne sont pas de la même couleur. Certaines sont plus bleutées, verdâtres, rosées… (...) Et puis, une autre impression qui m’a frappé aussi, c’est qu’on voit la troisième dimension du ciel. Par exemple si vous observez une constellation, La Grande Ourse, toutes les étoiles ne sont pas dans le même plan.

1996, Claudie Haigneré : "Voir le ciel en dessous de la Terre par le hublot, ça perturbe au début."

On aide Claudie Haigneré à s'extraire de sa capsule lors de son aterrissage, le 2 septembre 1996, à 200 km de Karaganda
On aide Claudie Haigneré à s'extraire de sa capsule lors de son aterrissage, le 2 septembre 1996, à 200 km de Karaganda
© AFP - DMITRY KHRUPOV

La même année, en août, Claudie Haigneré devient la première femme française à avoir voyagé dans l'espace (la première femme tout court était la cosmonaute russe Valentina Terechkova, en 1963). Rhumatologue, docteur en neurosciences, l'épouse du spationaute Jean-Pierre Haigneré vole seize jours durant à bord de la station orbitale russe Mir. Le 27 janvier 2011, l'émission La Marche des sciences brossait d'elle un grand portrait, dont nous vous proposons la réécoute intégrale :

Claudie Haigneré dans La Marche des sciences, 27-01-2011

59 min

Durée : 1h

Si on résiste, si on reste ancré sur ce que sont ses références de Terrien, on va avoir du mal à s’adapter à ce nouvel environnement. Ça prend 24 à 48 heures pour faire ces rotations mentales. D’un seul coup, le haut, le bas, c’est différent… je le dis souvent, voir le ciel en dessous de la Terre par le hublot, ça perturbe au début. Voir l’Afrique en dessous de l’Europe, ça perturbe au début. Il faut tourner soi-même pour reconstruire les choses.