On est un peu fébrile à l'idée de rencontrer Camille Cottin. En moins de dix ans, celle qui avait d'abord démarré une belle carrière au théâtre a explosé à la télévision dans son rôle culte de Connasse, sur Canal Plus, avant de s'épanouir encore d'avantage dans la peau d'Andréa Martel, irrésistible terreur de l'agence de stars ASK, dans la série Dix Pour Cent. Amoureuse des comédies (Photo de famille, Nos futurs, Larguées), l'actrice de 40 ans retrouve le réalisateur Rémi Bezançon dans le long-métrage Le Mystère Henri Pick, aux côtés de Fabrice Luchini, en salle le 6 mars.

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Adapté du roman à succès de David Foenkinos, le film est une divertissante enquête entre la Bretagne et Paris. Un manuscrit trouvé dans la bibliothèque des "livres refusés" par une jeune chargée d'édition (Alice Isaaz), devient un phénomène. Problème : il a été écrit par Henri Pick, pizzaiolo de son vivant, et qui n'a jamais évoqué à ses proches une quelconque passion pour l'écriture. Jean-Michel Rouche, présentateur d'une émission littéraire à succès, doute de la véracité de cette histoire, et se rend en terres bretonnes pour en avoir le coeur net. Quitte à bouleverser le quotidien de Joséphine, la fille de ce romancier secret, qui soutient coûte-que-coûte la mémoire de son père.

Actrice du changement

Dans la "vraie vie", Camille Cottin est polie, aimable, cherche ses mots pour bien s'exprimer. Elle paraît presque sage, au premier abord. Mais il suffit qu'elle évoque la franchise qui traverse presque tous ses personnages à l'écran pour qu'une étincelle s'allume dans son regard. Des femmes fortes, si tant est que cette expression commence à paraître désuète, alors qu'on sent de plus en plus un changement dans l'écriture des rôles féminins. "Ce sont des rôles où les femmes parlent, disent ce qu'elles ont à dire, prennent des décisions, sont des moteurs, et je pense que c'est aussi quelque chose qui se transforme dans la fiction, en reflet à ce qu'on vit et ce qu'on a envie de vivre", sourit Camille Cottin.

Connasse, c'est vraiment une fille totalement libre.

En 2019, elle porte avec toujours autant de fierté l'étendard Connasse, série en caméra cachée qui a pu être taxée de sexisme à l'époque : "Ce qui m'a plus dans Connasse, c'est que c'est très bien observé. C'est vraiment une observation des lieux dans lesquels on évolue. Sauf qu'elle n'a que des objectifs vils, c'est ça le problème, mais c'est aussi ça qui crée la comédie. C'est vraiment une fille totalement libre."

Plus tard dans l'année, Camille Cottin sera très attendue dans le remake français de Fleabag, série britannique détonnante à l'humour noir, qui a participé à cette vague de nouveaux personnages féminins, et dans le prochain Cédric Klapisch, Deux moi.

Une des vertus de Dix pour cent, c'est de prendre position sans militantisme, l'air de rien.

En France, elle est l'une des actrices de ce basculement. En 2018, plus de trois millions de téléspectateurs ont été émus du traitement de l'homoparentalité dans Dix pour cent : "Une des vertus de Dix pour cent, c'est de prendre position sans militantisme, l'air de rien. Toujours en privilégiant le divertissement. C'est de la fiction, mais qui fait quand même passer des messages forts. Et j'en suis ravie", résume l'actrice, un sourire encore plus grand sur le visage. 

Mais hors-écran, Camille Cottin est une militante assumée. Engagée auprès de la Fondation des femmes, elle est aussi très attachée aux droits des LGBT+, notamment le combat pour la PMA pour toutes, et s'intéresse de plus en plus à l'écologie. "Le constat, c'est que tous les droits qu'on a acquis peuvent voler en éclats d'un jour à l'autre, insiste-t-elle. Avec les présidents d'extrême-droite qui se retrouvent au pouvoir, je me dis qu'il faut rester vigilantes et actives le plus possible, pour défendre ces droits.

Tous les droits qu'on a acquis peuvent voler en éclats d'un jour à l'autre.

Cette Française qui a passé son adolescence à Londres, puis a été prof d'anglais, cite l'Américaine Reese Witherspoon comme inspiration. Notamment son discours lorsqu'elle a été élue Femme de l'année par Glamour, en 2015. "Elle avait dit : "Moi je n'en peux plus quand, dans les films, il y a un accident, une catastrophe, et la femme à côté de l'homme dit "What are we gonna do now ?" "Mais qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?", rappelle Camille Cottin. Et elle dit que dans la vie, les femmes ne disent pas ça. Elles prennent des décisions ! Pas à la place des hommes, mais aussi. Disons qu'il y a moins ce soucis d'être simplement un objet de désir."

Un duo évident 

Dans Le Mystère Henri Pick, Joséphine Pick n'est pas un objet de désir. Larguée par son compagnon, le père de son fils, elle se mesure à la suffisance de Jean-Michel Rouche avec aplomb. Les échanges de répliques au vitriol se multiplient, faisant le charme du film, en plus des superbes paysages de la côte Ouest bretonne. "[Joséphine Pick] a perdu un père, elle s'est fait quitter par son mec, elle est dans une vie un peu tristoune et cette rencontre va la pimenter", explique Camille Cottin.

Mais pas de drague lourde entre les deux personnages, et heureusement. Quand l'animateur aigri et agaçant tente un début d'avancée, ou laisse son ego l'emporter, il se fait méchamment rabrouer. "Et pourquoi ce serait forcément vous, Sherlock, et moi Watson ?", lui demande Joséphine. "C'est une relation homme-femme qu'on voit un peu moins. C'est une complicité amicale, qui n'est pas dans la séduction", se réjouit la comédienne. 

Camille Cottin avait déjà croisé la route de Fabrice Luchini, lors de la saison 2 de Dix pour cent. Deux petits jours de tournage, qui ont suffi pour que l'acteur stakhanoviste glisse son nom lorsqu'il s'agit de trouver l'interprète de Joséphine Pick. "Il est passionné, donc il adore réfléchir le jeu. Il questionne sans arrêt, et il questionne à voix haute. Et moi, j'aimais bien réfléchir avec lui, l'écouter, voir comment il appréhendait son rôle, le film...C'était vraiment plaisant, se souvient Camille Cottin. C'est pas quelque chose qui va enfermer ou complexer. C'est pour faire au mieux ! Et moi je suis assez exigeante aussi, donc je suis très épanouie comme ça !" 

Le Mystère Henri Pick, de Rémi Bezançon, avec Camille Cottin et Fabrice Luchini, en salle le 6 mars