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Au Pakistan, la marche des femmes contre le patriarcat suscite la colère des conservateurs

Les Pakistanaises dénoncent la société patriarcale
Au Pakistan, les femmes défendent leurs droits. (Islamabad, le 8 mars 2019.) Aamir Qureshi / AFP

Le 8 mars, des dizaines de milliers de Pakistanaises manifestaient pour faire valoir leurs droits. Certaines sont depuis menacées de viol ou de mort.

"C'était un sentiment incroyable de voir tant de femmes réclamer leurs droits." Le 8 mars dernier, Rumisa Lakhani a participé à l'une des manifestations organisées dans tout le Pakistan, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Venue avec sa meilleure amie Rashida Shabbir Hussain, la Pakistanaise cherchait à dénoncer le sexisme et la société patriarcale. Pour faire passer le message, les deux jeunes femmes se sont exprimées à travers une pancarte dont le slogan scandait : "Ici, je suis assise correctement." Celui-ci s'accompagnait d'un dessin d'une femme assise, les cuisses écartées. L'objectif ? Pointer du doigt le fait qu'on dise encore aux Pakistanaises "comment s'asseoir, comment marcher, comment parler", explique Rashida Shabbir Hussain à la BBC.

"Nous nous interrogions sur la police du corps et sur la sexualité des femmes", déclare à l'AFP l'une des organisatrices nationales, Moneeza. Elle poursuit : "Dans la communauté religieuse, il y a la notion qu'une femme devrait se couvrir et rester à la maison. Nous avons défié cela." Et pour cause, nombreuses sont les femmes qui vivent encore sous un code patriarcal qui les oppriment. La plupart d'entre elles n'ont par exemple pas la liberté de choisir leur mari, ni le droit de travailler hors de la maison. En 2018, le Forum économique mondial classait ainsi le Pakistan au deuxième rang des pays les moins respectueux de l'égalité entre les hommes et les femmes, juste après le Yémen. Par ailleurs, selon des organisations de défense des droits de l'Homme, des centaines de Pakistanaises sont tuées chaque année, souvent par des proches, pour avoir insulté leur "honneur".

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Des appels au viol et au meurtre

Devenue très vite virale, l'affiche de Rumisa Lakhani et de Rashida Shabbir Hussain a fait l'objet de réactions violentes sur les réseaux sociaux. "Je n'ai pas besoin de ce genre de société pour ma fille", s'insurgeait sur Facebook un internaute. Tandis qu'une autre déclarait : "Je suis une femme, mais cela me met mal à l'aise. Montrez que nous appartenons à une société islamique." A contrario, certains ont salué le geste des deux amies. "Je ne comprends vraiment pas pourquoi les gens sont si horrifiés par des mots sur une affiche. Ils devraient plutôt être dégoûtés par l'assujettissement des femmes au Pakistan", s'est désolée une femme.

"Tout ce que tu fais, je peux le faire en saignant", "divorcée et heureuse", ou encore "gardez vos photos de bites pour vous"… : bien d'autres pancartes, aux messages féministes et provocateurs, brandies par des dizaines de milliers de Pakistanaises ont choqué les esprits conservateurs. Certaines participantes ont même été menacées de viol et de meurtre. Dans une vidéo, un religieux de Karachi, offensé par une pancarte clamant "Mon corps, mon choix", invite les hommes à "grimper sur qui ils veulent".

"Une montée de l'intolérance dans notre pays"

Nous demandons des opportunités identiques, l'égalité pour tous

Dans un pays abonné aux théories du complot, la présentatrice Madiha Masood a quant à elle suggéré que la marche était "un mouvement rebelle" piloté par des puissances étrangères, "qui ont pris les femmes comme couverture". "Je ne vais pas encourager ma fille à faire des gestes inappropriés, à tenir une cigarette dans ses doigts et à dire : "Mon heure est venue". Je suis vraiment désolée, je ne voudrais pas d'une telle fille", a-t-elle précisé à l'AFP. Même l'icône féministe et poétesse pakistanaise Kishwar Naheed a appelé les femmes à garder à l'esprit leur culture et leurs traditions afin de ne pas s'égarer comme des "djihadistes".

Les organisatrices bénévoles de la marche, qui s'attendaient à des réactions, ont toutefois été surprises par leur férocité. Ce rejet "montre une montée de l'intolérance dans notre pays, qui est justement l'un des objectifs de la marche", raconte à l'AFP Lubaina Rajbhoy, une graphiste dont les pancartes ont suscité la controverse. De son côté, Rumisa Lakhani indique : "Faire cela sur la route avec une voix aussi forte a mis les gens mal à l'aise. Les gens pensent que c'est une menace pour l'islam, bien que je ne le voie pas de cet œil." Comme ailleurs, la marche des femmes a aussi été critiquée par crainte qu'elle soit le signe d'une haine à l'égard des hommes, "ce qui n'est pas vrai du tout", regrette Leena Ghani, une organisatrice. Avant d'ajouter : "Nous demandons des opportunités identiques, l'égalité pour tous."

Reste que, grâce à la polémique, des femmes de tout le pays ont toutefois eu accès au message, remarque Lubaina Rajbhoy. "Il est important pour elles de voir qu'il y a ce groupe de femmes qui sortent de leurs maisons et manifestent. Peut-être souhaiteront-elles en être à l'avenir."

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61 commentaires
  • Rescator.

    le

    Un pays n'avance qu'avec l'évolution des femmes . Prenez une carte et voyez ou se trouve ces pays .

  • Champilou

    le

    Courageux ! Mais que vient faire cette vidéo sur le Brésil ?

  • Gina Bisaillon 1

    le

    « Une menace pour l’islam »? Tant mieux!

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