Récit

Iran : Nasrin Sotoudeh toujours emprisonnée pour sa défense du droit des femmes

Les ONG et les juristes continuent de se mobiliser pour faire libérer l'avocate et militante iranienne qui a été condamnée au total à trente-trois ans d’emprisonnement et 148 coups de fouet.
par Clémentine Rigot
publié le 17 avril 2019 à 19h48

Son portrait est toujours placardé sur la façade du Conseil national des barreaux (CNB), boulevard Haussmann à Paris, titré en lettres capitales «Libérez Nasrin Sotoudeh». Cela fait plusieurs semaines que l'organisation a affiché sur quatre étages son soutien à l'avocate iranienne, condamnée pour avoir exercé sa profession, à 33 ans d'emprisonnement et 148 coups de fouet, au total. Une peine qui a été alourdie mardi.

La militante de 55 ans est détenue depuis juin 2018 à la prison d'Evin, à Téhéran. D'abord inculpée pour des faits d'espionnage, condamnée à cinq ans d'emprisonnement, elle a été reconnue coupable de sept chefs d'accusation supplémentaires, notamment «d'incitation à la débauche». Elle était surtout mise en cause pour avoir été l'avocate d'Iraniennes qui refusaient de porter le hijab. Elle s'était elle-même présentée à son audience sans voile islamique et avait refusé l'assistance d'un avocat issu d'une liste de professionnels sélectionnés par les autorités.

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«148 coups de fouets, c'est une condamnation à mort. C'est barbare et inadmissible au XXIe siècle», martèle Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB. «Intimider les avocats, c'est les pousser à refuser certaines affaires, et ça minore l'accès à la justice», explique-t-elle, rappelant le droit de chacun à un procès équitable. L'enjeu de cette affaire n'est pas tant la question du port du voile, mais bien de permettre «aux femmes qui enfreignent la loi de pouvoir s'expliquer devant la justice». Christiane Féral-Schuhl a ainsi interpellé Emmanuel Macron et l'ambassadeur d'Iran sur cette peine démesurée, mais sans succès.

Une pétition du CNB réclamant la libération de Nasrin Sotoudeh a récolté près de 320 000 signatures. L'avocate a reçu début avril la citoyenneté d'honneur décernée par le Conseil de Paris et avait été récompensée, en 2012, du prix Sakharov pour son combat pour les droits humains. Nasrin Sotoudeh avait défendu plusieurs femmes arrêtées pour avoir enlevé leur voile en public, comme Vida Movahed, condamnée le 2 mars à un an de prison. L'Iranienne de 31 ans était montée sur une armoire électrique dans une rue bondée de Téhéran en décembre 2017, et avait retiré son hijab qu'elle avait agité, suspendu à un bâton tel un drapeau, bravant les interdits de la police des mœurs.

Nombre d'Iraniennes avaient suivi son exemple. Le mouvement #WhiteWednesday, lancé par la journaliste Masih Alinejad, les encourageait à se couvrir de voiles blancs les mercredis, en signe de protestation face à son port obligatoire. Sur les réseaux sociaux, elle appelait également les femmes à se filmer marchant tête nue, et lors de leurs altercations avec des hommes ou des policiers.

«Je me bats contre la forme la plus visible d'oppression», explique Masih Alinejad dans une vidéo publiée sur le site de l'Observatoire international des droits humains, qui organisait ce mercredi une manifestation devant l'ambassade d'Iran à Londres, pour protester contre le bafouement du droit des femmes. Dans une lettre écrite depuis sa cellule, puis traduite et publiée sur le compte Facebook de soutien à Nasrin Sotoudeh, la militante concluait par un message d'espoir : «Un jour, la lumière de la justice brillera aussi sur notre pays. D'ici là, il nous faut patienter et poursuivre pacifiquement le chemin entrepris en espérant qu'il nous y mène.» Un jour après la condamnation de l'avocate, la Commission du droit des femmes de l'ONU comptait un nouveau membre : l'Iran.

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