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Aux Philippines, des policiers violeurs au nom de la lutte antidrogue

La campagne antidrogue de l’autoritaire président Rodrigo Duterte et ses propos dénigrant les femmes mènent aux pires dérives.

Par  (Manille, envoyé spécial)

Publié le 11 mai 2019 à 10h05, modifié le 12 mai 2019 à 06h46

Temps de Lecture 6 min.

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Une opération policière antidrogue, à Manille, en juin 2018.

Mary veut être citée sous un faux nom. Pour sauver sa vie, elle a aussi déménagé, toujours dans la région de Manille, mais à des kilomètres des rues de Quezon où elle vivait. Les policiers l’ont prévenue de ne surtout jamais recroiser leur chemin.

Elle fait en sanglots le récit de cette journée d’octobre 2016. Les agents s’étaient présentés à son domicile en fin d’après-midi. Sa fille de 10 ans devait rentrer de l’école une heure plus tard. Ils disaient en avoir après son époux, petit consommateur de shabu, la méthamphétamine des bidonvilles d’Asie du Sud-Est, pour tenir le rythme d’heures supplémentaires sur les chantiers de construction. Il avait pourtant joué le jeu après l’élection à la présidence cinq mois plus tôt de Rodrigo Duterte qui lançait sa « guerre contre la drogue », et s’était inscrit à un programme de sevrage.

Qu’importe, les agents voulaient l’emmener. Sous ce gouvernement, c’est synonyme de mort : ceux que l’on accuse à tort ou à raison de se droguer sont abattus, soit par les policiers qui présentent ces exécutions comme des cas de légitime défense, soit par des hommes cagoulés opérant à moto à la nuit tombée. Les deux faces d’une même politique de Duterte. Loin de s’en excuser, il en avait fait le principal argument de la campagne qui l’a mené au pouvoir en mai 2016. Trois ans plus tard, il reste populaire, ce que devraient confirmer les élections législatives, sénatoriales et locales de mi-mandat du lundi 13 mai.

« Faites profil bas »

Selon les données officielles, 5 176 suspects ont été abattus lors d’opérations de police sous sa présidence, mais pour les organisations de défense il ne fait aucun doute que le chiffre réel est bien plus élevé, probablement au-delà de 20 000 victimes, classées parmi les affaires non résolues. Chez Mary, les policiers insistaient : son mari avait été dénoncé et était désormais sur leur liste noire. « On savait que les gens étaient tués, que la police les abattait puis plaçait a posteriori de fausses preuves sur les victimes, de la drogue ou bien une arme », dit-elle.

Trop pauvre pour les corrompre, elle n’a pu que les supplier. C’est alors qu’un policier a dit : « Qu’est-ce que tu proposes ? Si tu ne veux pas qu’on emmène ton mari, tu dois donner ton corps en échange. » Son pire cauchemar revenait la hanter, elle a déjà été agressée sexuellement par un oncle, à 9 ans. « C’est la seule option si tu veux que ton mari reste libre », lui intiment les agents. « Pour sa survie, je les ai laissés faire ce qu’ils voulaient », raconte-t-elle. Ils l’ont violée dans sa petite maison, qui n’a qu’une pièce divisée par un simple rideau, avec son mari juste à l’extérieur. En partant, ils ont prévenu : « Vous êtes innocentés, mais faites profil bas. »

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