Saint-Denis : des policiers à la Maison des femmes pour prendre les plaintes

Depuis ce mercredi, un dispositif innovant permet aux femmes victimes de déposer plainte à la Maison des femmes, à Saint-Denis, sans aller au commissariat.

 Saint-Denis, mercredi 15 mai. Depuis ce mercredi, la police tient une permanence à la Maison des femmes, à Saint-Denis, pour faciliter les dépôts de plainte des victimes. Sébastien Galant, brigadier-chef a tenu la première permanence.
Saint-Denis, mercredi 15 mai. Depuis ce mercredi, la police tient une permanence à la Maison des femmes, à Saint-Denis, pour faciliter les dépôts de plainte des victimes. Sébastien Galant, brigadier-chef a tenu la première permanence. LP/C.G.

    « Quand est-ce que l'enquête commencera ? A partir de quand je subirai des représailles ? A partir de quand je risque ma vie ? » Myriam (*) s'inquiète beaucoup des conséquences de sa décision : celle de déposer plainte, ce mercredi après-midi, contre ses agresseurs qui vivent dans son quartier. En face d'elle, il faut toute l'expérience de policier et la connaissance du terrain de Sébastien Galant pour la rassurer.

    Le lieu est déjà apaisant : c'est celui de la Maison des femmes, à Saint-Denis. Adossée à l'hôpital Delafontaine, cette lumineuse structure réunit depuis trois ans une équipe pluridisciplinaire qui vient en aide aux femmes victimes de violences, viols et mutilations sexuelles.

    Faciliter le dépôt de plainte

    Et depuis ce mercredi, la police y tient désormais une permanence. Ce sera le cas une fois par semaine. « Pour commencer », souligne la docteure Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes.

    Le dispositif innovant a fait l'objet d'une convention signée le 29 mars dernier, en présence de Laurent Nunez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur. « Le but est de faciliter la prise de plainte des femmes victimes qui hésitent à se rendre dans un commissariat, résume Laurent Mercier, commissaire de Saint-Denis et chef du deuxième district police du 93. Le projet s'est monté assez vite car il y a un vrai besoin, des attentes. On se sent tous concernés et les échanges se font en confiance. »

    39 policiers ont été formés

    Un avis que partage Ghada Hatem : « Nous nous sommes retrouvés sur l'idée que nous pouvions expérimenter et sortir de protocoles de fonctionnement immuables pour permettre la conduite d'enquêtes. »

    Précisément, 39 policiers des six commissariats de Saint-Denis, Aubervilliers, La Courneuve, Epinay, Stains et Saint-Ouen ont suivi un stage de deux jours et demi, menés par des formateurs de la police mais aussi des intervenants de la Maison des femmes.

    Libérer la parole

    « Ce qui est difficile, c'est de faire parler les femmes. Elles ont du mal à exposer les faits, précise Sébastien Galant, brigadier-chef au commissariat de Saint-Denis, 19 ans d'expérience dans le département. Recevoir les victimes en dehors d'un commissariat aide à libérer la parole. »

    Myriam, justement s'est d'abord rendue à l'hôtel de police de Saint-Denis, où elle est restée quatre heures pour vider son sac, mais en refusant de déposer plainte. Reste la trace d'une main courante. « Je n'étais pas prête psychologiquement », souligne-t-elle, en évoquant aussi sa méfiance de la police.

    L'affaire de Myriam est complexe. Elle débute par ce qu'elle pense être une histoire d'amour avec un petit caïd de cité, et se poursuit par de la manipulation, du harcèlement, des violences et outrages sexistes…

    D'autres professionnels sur place

    En l'écoutant, le policier identifie cinq procédures de plaintes, dont une pour viol. La jeune femme, visiblement vulnérable a également besoin d'un accompagnement social et psychologique que la Maison des femmes lui permet d'avoir. « L'intérêt du dispositif est aussi de discuter avec d'autres professionnels présents ici, des médecins, des psychologues ou des avocats », estime d'ailleurs Sébastien Galant.

    Le policier reçoit ensuite deux autres femmes, une mère et sa fille aînée pour des faits qui se sont déroulés dans le Val-d'Oise. Dans la salle d'attente, c'est toute une famille à la rue qui espère. Leur situation précaire est en partie liée aux violences passées commises par un père, actuellement incarcéré pour d'autres faits.

    Malheureusement, l'affaire ayant déjà été traitée, il n'y a pas de nouvelle procédure pénale possible. Faute de solution, la famille composée notamment de deux enfants de 2 et 6 ans devait passer la nuit dans le hall de l'hôpital.

    (*) Prénom changé

    Permanence chaque mercredi de 9 à 17 heures, à la Maison des femmes, 1, du Chemin du Moulin-Basset. Sur rendez-vous au 01.42.35.61.28.