ELLE.fr. Qu’est-ce que cette exposition nous apprend du travail des femmes ?

Sophie Prunier-Poulmaire. On a eu de grandes difficultés à trouver des photos qui représentent des femmes au travail. Sur les banques de données que nous avons consultées, nous avions davantage d’hommes que de femmes représentées. De la même manière, nous avons eu beaucoup de mal à trouver des femmes photographes. C’était d’ailleurs très troublant. Au moment même où l’on concevait cette exposition, les disparités entre les hommes et les femmes étaient criantes.

ELLE.fr. Quelles réflexions ces photos vous inspirent-elles sur le travail des femmes ?

Sophie Prunier-Poulmaire. Cela soulève de nombreuses questions, sur l’égalité, la parité et la précarité. Les femmes sont encore surreprésentées dans les métiers du « care » qui impliquent de prendre soin des autres (auxiliaires de vie, assistante maternelle, institutrice…). Cela pose également la question de la temporalité, je pense au temps partiel subi qui touche encore 30% de l’activité des femmes. Il y a aussi la question de l’organisation du temps de travail, le secteur tertiaire, où les femmes sont très présentes, et de plus en plus touchées par les horaires fragmentés. Des horaires parfois incompatibles avec la vie familiale. Cela peut devenir une équation très compliquée qui met ces salariées dans des situations psychologiques très délicates.

ELLE.fr. Quelle est la photo de l’exposition qui vous a le plus interpellée ?

Sophie Prunier-Poulmaire. La photo de Paolo Pellegrin. Elle représente une femme cadre lors d’une réunion.  Son visage est baigné par la lumière tandis que son collègue est plongé dans l’ombre. On ne sait pas exactement ce qu’elle fait mais on peut supposer qu’elle est en pleine négociation. Elle a l’air forte mais, dans son regard, on devine une légère insécurité. Cette photo nous montre que le doute subsiste encore, même chez l es femmes qui se hissent aux plus hautes responsabilités. Lorsque les femmes accèdent à ces postes encore largement réservés aux hommes, elles sont obligées d’en faire plus qu’eux pour gagner leur place, prouver qu’elles sont légitimes, à la hauteur. Dans cette exposition nous avons aussi voulu montrer une femme juge, une femme journaliste, une femme cadre… Car elles sont encore sous-représentées dans ces métiers alors qu’elles y ont toute leur place.  Tout sera gagné le jour où cette question de légitimité aura disparu.

ELLE.fr. Comment voyez-vous l’avenir pour les femmes ?

Sophie Prunier-Poulmaire. Nous vivons une révolution du travail qui touche aussi bien les hommes que les femmes. On ne sait pas à quoi ressemblera le monde du travail demain. Est-ce que les experts-comptables, les juristes ou les chirurgiens existeront encore dans 20 ou 30 ans ? A l’heure ou l’intelligence artificielle prend le pas sur certaines activités humaines, les hommes et les femmes sont égaux face à l’inquiétude qui grandit. Disparition ou évolution des métiers, toutes les théories existent. Nous devons faire de cette révolution, une opportunité pour regagner l’égalité. La robotisation doit nous permettre d’échapper à la pénibilité de certains métiers et c’est une chance à saisir pour les femmes.

Retrouvez l’exposition « ÊtreS au travail »jusqu’au 14 juillet sur les grilles du jardin du Luxembourg, rue Médicis, Paris 75006.