Megan Rapinoe, la footballeuse qui dit « fuck you » à Trump

Megan Rapinoe lors du match Etats-Unis-Thaïlande, le 11 juin 2019 à Reims.

Megan Rapinoe lors du match Etats-Unis-Thaïlande, le 11 juin 2019 à Reims. LIONEL BONAVENTURE/AFP

La milieu de terrain américaine de 33 ans, qui a inscrit un doublé face aux Bleues en quarts de finale, refuse de chanter l’hymne de son pays avant les matchs.

Avant chaque match de Coupe du Monde, le rituel est désormais le même. Qu’elle soit titulaire ou remplaçante, Megan Rapinoe, milieu de terrain de la sélection américaine, reste muette au moment où l’hymne de son pays retentit dans le stade. Alors que ses coéquipières entonnent « The Star-Spangled Banner », main sur le cœur, la championne aux 155 sélections, elle, est impassible. « Je ne mettrai probablement plus jamais ma main sur le cœur. Je ne chanterai probablement plus jamais l’hymne national », avait-elle averti en mai. Interrogée sur le sens de ce boycott, très transgressif au pays de l’oncle Sam, elle avait lancé :

« C’est une sorte de “fuck you” adressé au gouvernement. »

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« Je ne vais pas faire des courbettes »

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Megan Rapinoe, dont la sélection affrontera la France en quarts de finale, n’en est pas à son coup d’essai. Dans un monde du foot où l’engagement politique d’un joueur ou d’une joueuse relève de la rareté, Megan Rapinoe dénote : l’hymne américain, elle l’a boycotté pour la toute première fois en posant un genou à terre il y a un peu plus de deux ans, lors d’un match disputé entre son équipe de Seattle et Chicago. Un geste de soutien au joueur de foot américain Colin Kaepernick, le premier athlète à s’être agenouillé de la sorte afin de protester contre les violences policières commises contre les Noirs américains.

« En tant qu’homosexuelle américaine, je sais très bien ce que signifie regarder le drapeau et ne pas avoir le sentiment qu’il protège toutes vos libertés », expliquait-elle en 2016. Plus récemment, dans une tribune, elle ajoutait :

« J’ai choisi de poser un genou à terre parce que, près de mon hôtel à Columbus, la nuit précédant un match contre la Thaïlande, un garçon de 13 ans nommé Tyre King a été tué par un officier de police. J’ai choisi de poser un genou par terre parce que je ne peux tout simplement pas supporter que mon pays opprime son propre peuple. »
Megan Rapinoe s’agenouille lors du match Etats-Unis/Pays-Bas, le 18 septembre 2016.

Megan Rapinoe s’agenouille lors du match Etats-Unis/Pays-Bas, le 18 septembre 2016. KEVIN C. COX / AFP

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La championne olympique 2012 et championne du monde 2015, qui a joué quelques mois à Lyon, ne mâche pas non plus ses mots à l’encontre du président américain, Donald Trump, qu’elle qualifie de « sexiste », « misogyne », « mesquin » et « raciste ». En cas de victoire américaine lors du Mondial, celle qui est co-capitaine de la Team USA a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne se rendrait pas à la Maison-Blanche.

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« Je n’irai pas, je ne vais pas faire des courbettes devant le président qui, clairement, est contre tout ce en quoi je crois. »

Engagée pour l’égalité hommes-femmes

Ces derniers temps, elle s’est bombardée porte-parole de nombreux combats, à commencer par celui de l’égalité entre hommes et femmes dans le sport. Elle est ainsi l’une des initiatrices de la plainte que les joueuses de l’équipe des Etats-Unis ont déposée contre leur propre fédération, le 8 mars, au motif d’une « discrimination institutionnelle basée sur le genre ».

Dans leur viseur : les écarts de salaire entre les joueurs et les joueuses américaines, bien que l’équipe féminine obtienne de bien meilleurs résultats que l’équipe masculine. « La Fédération américaine n’a fait que le minimum en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, et elle continue de pratiquer une discrimination au détriment de ses joueuses », peut-on notamment lire dans le texte de la plainte, dont Megan Rapinoe est la deuxième signataire, juste après la star Alex Morgan.

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« Nous préférerions de loin ne pas avoir à nous engager dans des litiges. Nous préférerions de loin ne pas être celles qui doivent protester. Nous préférerions être considérées comme des partenaires à part entière et des partenaires commerciaux. Mais évidemment, ce n’est pas le cas », déplorait alors la milieu de terrain, dans le « New York Times Magazine ».

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« Je sais que cela peut me coûter cher »

Avant même d’être reconnue pour ses combats, « Pinoe » – son surnom – a d’abord crevé l’écran par son talent, mais aussi un certain sens du spectacle. En 2011, l’internationale, qui a grandi en Californie, avait célébré son tout premier but inscrit en Coupe du Monde en s’emparant d’un micro pour chanter « Born in the USA », de Bruce Springsteen.

Diplômée en sociologie et en sciences politiques, Megan Rapinoe commence à s’engager publiquement l’année suivante. Elle devient en 2012 la première footballeuse américaine de premier rang à faire son coming out – et demeure l’une des rares à l’avoir fait. « Nous avons la chance de pouvoir atteindre un grand nombre de personnes grâce à la notoriété », s’était-elle justifiée à l’époque.

« Peut-être êtes-vous un peu homophobe, mais vous me connaissez et vous aimez ma façon de jouer au football. Une fois que les choses deviennent un peu plus personnelles, cela permet de briser ces barrières. »

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Au printemps dernier, l’Américaine, dont la coiffure s’inspire de celle de l’actrice Tilda Swinton, dont elle est fan, est aussi devenue la première femme ouvertement homo à poser pour le sulfureux supplément annuel de la revue « Sport Illustrated » sur les maillots de bain. Une avancée bien moins anodine qu’il n’y paraît, à l’entendre. La joueuse espère que sa présence dans cette revue au lectorat très masculin et hétérosexuel contribue à briser un certain nombre de stéréotypes.

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« J’ai une grande gueule »

Les multiples engagements de Megan Rapinoe ne sont pas sans l’exposer aux critiques. Si sa coéquipière, Alex Morgan, se montre élogieuse – « Toutes les équipes ont besoin d’une Megan Rapinoe, sur le terrain et en dehors » – les électeurs de Donald Trump n’ont pas vraiment apprécié ses récentes déclarations.

Depuis le début de son boycott de l’hymne américain, la milieu de terrain a été prise à partie sur les réseaux sociaux, conspuée dans certains stades et même écartée un temps de l’équipe américaine, officiellement en raison de sa méforme après une opération d’un genou. « Je sais que cela [mon engagement] peut me coûter cher, au propre comme au figuré, mais je me vois comme un porte-voix et c’est un rôle que j’assume complètement », a-t-elle récemment confié à l’AFP.

« Ma mère me dit souvent : Pourquoi faut-il toujours que ce soit toi en première ligne ? Mais j’ai une grande gueule et je vis très bien avec. »

Sébastien Billard

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