Pour la deuxième fois dans l’histoire, et pour la première fois depuis plus de trente ans, la Cour de cassation va être présidée par une femme. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a choisi, mercredi 3 juillet, Chantal Arens, actuelle première présidente de la cour d’appel de Paris, pour devenir la plus haute magistrate du pays. Ce choix devra être officialisé dans quelques jours, le temps de purger d’hypothétiques recours. Simone Rozès était jusqu’alors la seule femme à avoir occupé ce poste, de 1984 à 1988.
Dans ce processus de sélection totalement indépendant du gouvernement et du ministère de la justice, quatre candidats s’étaient présentés. Christophe Soulard, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, était le rival le plus sérieux de Mme Arens. Bruno Pireyre, président de chambre au sein de la juridiction suprême de l’ordre judiciaire, et Eric Negron, premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, étaient aussi en lice.
L’un des enjeux dans la succession de Bertrand Louvel, admis à la retraite le 30 juin, était de savoir si un magistrat qui n’y est jamais passé peut être nommé à la tête de la Cour du quai de l’Horloge, sur l’île de la Cité. Le CSM a bravé les réticences en choisissant Mme Arens. Sans doute dans l’idée qu’un regard extérieur peut être un atout pour faire évoluer une institution pétrie de traditions.
Incarner l’institution judiciaire
Juriste reconnue par ses pairs, Mme Arens, 66 ans, a aussi montré ses qualités de gestionnaire de juridiction et d’équipe. Après avoir commencé comme juge d’instance, le bas de l’échelle judiciaire, elle a gravi un à un les échelons jusqu’à présider les deux plus importantes juridictions du pays, le tribunal de grande instance de Paris en 2010, puis à la cour d’appel de Paris en 2014.
Mais ce qui a été une qualité jusqu’ici, sa discrétion, pourrait devenir un handicap, alors que la future présidente de la Cour de cassation va devoir incarner l’institution judiciaire, devant ses membres et l’opinion publique, mais aussi face à d’autres hautes instances comme le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel. Pourtant, elle ne compte pas faire de la figuration.
Soucieuse d’une justice sereine, la magistrate a, par exemple, décidé en avril de dépayser au tribunal de commerce de Bobigny le dossier des liquidations des sociétés de Bernard Tapie, auparavant suivi à Paris. L’une de ses préoccupations est le manque de confiance des citoyens dans la justice. Elle ne s’est jamais interdit de regarder du côté des méthodes des juridictions administratives et du Conseil d’Etat. Ainsi, elle a instauré des moments de réflexion commune entre les magistrats des neuf chambres sociales de la cour d’appel de Paris. De quoi limiter le risque de cacophonie jurisprudentielle, même si chaque juge reste totalement indépendant. Ce qu’a montré la décision du 20 mai dans l’affaire Vincent Lambert, vertement cassée le 28 juin par la Cour de cassation…
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