Un commerçant a-t-il le droit de refuser de servir des clients non hétérosexuels au nom de sa “liberté de conscience” ? C’est désormais le cas en Pologne, où la Cour constitutionnelle, contrôlée par le parti ultraconservateur Droit et justice (PiS), a déclaré le 26 juin dernier que la sanction du refus de vente était contraire à la Constitution. Son arrêt est l’aboutissement d’une saisine du procureur général et ministre de la Justine, Zbigniew Ziobro, qui s’était indigné de la condamnation d’un imprimeur ayant repoussé la commande d’une fondation LGBT pour “ne pas contribuer à sa promotion”.

Selon l’hebdomadaire de gauche Polityka, qui consacre à ce sujet sa couverture du 3 juillet sous le titre “Nous ne servons pas ces clients”, “la Cour constitutionnelle laisse ainsi pratiquement sans protection les personnes handicapées interdites d’entrée aux restaurants, ou bien les mamans refoulées des magasins lorsqu’elles donnent le sein. […] La droite catholique a obtenu une clause de conscience dans le secteur des services.

Tout en rappelant que cette clause n’existe dans la loi que pour les médecins, le magazine observe que, depuis plusieurs années, d’autres professions s’en réclament, comme les “pharmaciens catholiques”, pour s’opposer à la vente de contraceptifs, ou bien des “fonctionnaires refusant de remettre des documents pouvant servir à la conclusion d’unions homosexuelles à l’étranger”.

Cependant, poursuit Polityka, l’arme de la clause de conscience peut être à double tranchant, comme l’a découvert fin juin un “salarié d’IKEA licencié pour avoir publié sur l’Intranet de l’entreprise un message homophobe et jugé contraire aux valeurs du groupe. Cette fois, la droite présente l’affaire comme une répression à caractère religieux, car le salarié avait cité l’Ancien Testament pour dire que les homosexuels ‘seront punis de mort et leur sang retombera sur eux’.” Pour IKEA, “le problème n’était pas les convictions, mais une manière d’exprimer ses opinions qui exclut les autres”. Le ministre de la Justice a néanmoins promis une enquête sur la légalité de ce licenciement.