Melody Gardot dévoile son bras tuméfié : “La violence n’a aucune place dans une relation d’amour”

La chanteuse a posté sur Instagram une photo de son bras tuméfié, avec un long commentaire sur les violences conjugales. Elle souhaite ainsi alerter sur le silence qui entoure trop souvent ce sujet.

Par Valérie Lehoux

Publié le 11 juillet 2019 à 13h50

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h49

Elle n’en avait jusque-là jamais parlé publiquement, et vient de briser le silence sur Instagram. Dimanche 7 juillet, en pleine tournée mondiale, Melody Gardot a publié une photographie de son avant-bras et de son poignet, marqués par d’impressionnants hématomes. « Ces traces sur mon corps disparaîtront, mais les cicatrices dans mon cœur resteront. Femmes, écoutez bien : l’amour n’est pas la violence », écrit la chanteuse en guise d’introduction au texte qui accompagne la photo – qui n’a pas été prise ces jours-ci, précise-t-elle, mais date de « [s]on passé récent ». Alors que le débat sur les violences conjugales s’impose dans l’actualité française, Melody Gardot partage son expérience. Sans prétendre porter un combat, mais en disant haut et fort à quel point la violence, trop souvent ordinaire, n’a rien à faire dans les relations de couple. 

On vous sait discrète sur votre vie privée ou vos engagements personnels. Pourquoi avoir publié cette photo de votre bras tuméfié sur Instagram ?
Je ne veux surtout pas être une porte-parole, ce n’est pas mon rôle. Mais il se trouve que récemment j’ai croisé une femme que j’avais déjà vue il y a quelques années, après un concert. Elle marche avec une canne. Je sais ce que c’est, moi aussi j’en ai eu une, mais pas du tout pour les mêmes raisons : elle, c’est parce qu’elle a été battue par son homme si souvent que maintenant elle ne peut plus se déplacer sans cette canne. Trop de choses ont été fracturées dans son corps.

Or elle m’a rappelé que, dans le passé, je l’avais encouragée à quitter cet homme, qui boit. Alors je lui ai demandé où elle en était. Sa réponse fut étrange, du genre : « On est encore ensemble, mais maintenant je ferme la porte. » Pourquoi ne part-elle pas ? Elle a visiblement des raisons de rester. La vie n’a rien de simple : il arrive souvent qu’on soit pris dans une relation dont on ne peut sortir. Parce qu’on est devenu aveugle, et qu’on ne voit plus l’anormalité de la situation. Parce qu’on ressent toujours de l’amour. Ou qu’on a peur.

L’histoire de cette femme m’a touchée. J’ai réalisé que moi aussi j’avais eu ma petite dose de violence, dans ma vie, avant. Ce qui m’est arrivé n’a pas du tout cette gravité, je n’ai pas été frappée comme elle ; mais j’ai quand même vécu des choses violentes. J’ai fait ce post pour dire : tu n’es pas seule. En rappelant une vérité essentielle : l’amour n’est pas la violence. Si quelqu’un, ne serait-ce qu’une personne, se sent moins seule en le lisant, ce sera mission accomplie.

Le sentiment de solitude, justement, va souvent de pair avec la violence conjugale…
On ressent à la fois de la solitude et de la culpabilité. Moi-même j’ai pu penser que je méritais mon sort. Dans la vie d’un couple, il arrive qu’on se dispute, qu’on se laisse prendre par la colère, et c’est normal. Comment réagir face à l’autre ? Rester calme ou au contraire hausser le ton ? Quelle est la bonne attitude, celle qui va apaiser ou au contraire faire encore monter la tension ? Comment se répartissent les responsabilités ? Je n’en finissais pas de me poser la question…

Et puis j’ai inversé le scenario : je me suis demandé si j’avais déjà réagi en attaquant physiquement l’autre quand il criait sur moi… Jamais. Souvent les hommes disent : « J’ai fait cela parce que », ou « à cause de », au lieu d’admettre tout simplement : « J’ai eu tort, j’ai perdu la tête, pardon, cela ne se reproduira plus. » Ce n’est pas la peine d’essayer de se justifier. La violence peut s’expliquer, mais elle ne se justifie pas.

« Il est bien que les femmes se mettent à parler de ces choses. »

Votre post intervient alors que la question des féminicides occupe le devant de l’actualité française…
C’est un hasard, je n’ai pas suivi l’actualité de ces derniers jours, j’étais en tournée à l’étranger. Mais tant mieux si le sujet est abordé et si la parole se libère, c’est indispensable. Pour ma part, je ne veux pas juger quiconque (qui suis-je pour cela ?), juste lancer une conversation. Briser le silence dans lequel beaucoup de femmes sont enfermées en rappelant que ce genre de situation n’est tout simplement pas normale. La violence physique et émotionnelle n’a aucune place dans une relation d’amour. 

Votre prise de parole est d’autant plus forte qu’on n’imagine pas que ce genre de situation puisse arriver à une star comme vous, une femme a priori forte…
Je ne suis pas une star, juste une femme qui a aimé certains hommes. Et encore une fois, mon cas n’est rien à côté, par exemple, de Rihanna, qui s’est fait frapper et a osé le dire. En l’occurrence, celui qui m’a fait mal ne le voulait pas ; il s’est perdu dans sa colère. Il a oublié que sa grande main d’homme, sur mon poignet de femme, pouvait être redoutable. De lui-même, il l’a tout de suite regretté. « Je ne peux pas croire que j’aie fait ça... » 

Mais il était parti loin, sur une autre planète toute faite de colère. Je lui ai pardonné. Je lui pardonne. Pour autant, je n’aime pas l’idée que cela me soit arrivé, et je n’accepte pas que cela puisse arriver encore. C’est dur parfois, car avec ce que j’ai vécu et vu chez les autres je me bats contre des petits sentiments de peur ou d’hésitation dès que je développe une proximité avec quelqu'un. Or je ne veux avoir peur de rien. Je refuse ! Il est bien que les femmes se mettent à parler de ces choses, et il est terrible de constater à quel point elles sont plus ordinaires qu’on ne le pense. Stop. La violence doit cesser.

La lutte contre les violences sexistes ou sexuelles a été décrétée grande cause nationale du quinquennat. Un site consacré à la question est désormais ouvert, sous l’égide du secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un numéro de téléphone vert a aussi été mis en place pour lutter contre ces violences sexistes et sexuelles : le 3919. Et si vous êtes témoin de faits qui mettent en péril la sécurité d’un tiers, appelez le 17. 

 

Voir cette publication sur Instagram

The marks on my body will heal but the scars on my heart will stay. Ladies listen up: Love is not violence. I met a woman two days ago who told me she is living with her husband who beats her while he’s drunk. She walks with a cane because she was beaten so many times!!!! I could not believe this. I encouraged her to leave him. Days passed and this haunted me. I wondered if I was right to tell her that. Is it my place to judge ? I thought about it. In my own life and relationships I’ve seen doses of this, emotional and physical abuse, that come from moments of “passion” where a man forgets himself and how strong he is and how fragile is a woman.... I started to ask myself - Did I sometimes stay longer than I should have? Did I sometimes tolerate what should not have been tolerated ? What blinded me in those moments ? This photo isn’t from today, but it is from my recent past and I found it this morning. When I see this photo I have no more emotion. I know what happened. I know it wasn’t the intention of the person at the time - moreover it’s because of a moment where someone I let close to me lost control and had his hands too strongly upon me. This was the morning after. It hurt so bad I couldn’t even play. I couldn’t believe it it happened so quick. I feel bad knowing this is me. And I feel strange sharing it - at the time I even blamed myself for it. Somehow I convinced myself I deserved it. Until one day I woke up and realized - no. This isn’t love. Violence is not love. Why was it so easy for me to tell that woman she should leave her partner after hearing her story but I myself had chosen to stay - even after moments like this ? No ladies. No. We are not made for this. And if you’re in an abusive relationship of any kind please get in touch with someone who can help you make the right choice for your safety and for the betterment of your life. Why share this ? Well just in case there’s someone reading who is on the fence about what to do and feeling alone. You’re not. This can happen to anyone at anytime. And it’s our job to support each other and remind each other that we deserve love. Not violence. Love without violence.

Une publication partagée par Melody Gardot (@melodygardotofficial) le

 

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus