Excision : "Avec la reconstruction, j'aurai l'impression d'être à nouveau moi-même"

Badrouma dans sa chambre d'hôpital ©Radio France - Cerise Maréchaud
Badrouma dans sa chambre d'hôpital ©Radio France - Cerise Maréchaud
Badrouma dans sa chambre d'hôpital ©Radio France - Cerise Maréchaud
Publicité

Il y a 22 ans, Badrouma était excisée au Burkina Faso. Aujourd'hui, après des années de souffrance, elle a rendez-vous au CHU de Poitiers pour une opération de "réparation" du clitoris. En reconstruisant son corps, elle espère aussi reconstruire sa vie.

Selon l'OMS et l'UNICEF, 130 millions de femmes seraient excisées dans le monde, dont 3 millions de petites filles chaque année et un tiers des africaines seraient victimes de cette mutilation génitale.

Si dans la plupart des pays ces pratiques dites ancestrales sont illégales, la tradition et le secret l'emportent souvent. Dans tous les pays occidentaux, l'excision est un acte criminel et passible en France de dix ans de prison.

Publicité

Badrouma nous raconte son histoire sur un lit d'hôpital. À 27 ans, elle est une chrétienne fervente, et sa famille vit entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso. L'opération de réparation qu'elle va subir a été inventée il y a 30 ans et est remboursée par la sécurité sociale et l'aide médicale d’État depuis 2004.

Quand j'ai été excisée, je me sentais attachée. Cela s'est passé quand j'avais 5 ou 6 ans au Burkina Faso. Je jouais dehors, et la femme de mon oncle est venue me chercher. Plusieurs femmes m'ont emmené aux toilettes. Elles ont installé une grande bâche en plastique transparent. Elles m'ont tenu les quatre membres pour pas que je bouge, et elles ont commencé à m'exciser. 

Je criais, je hurlais. Mais elles, elles rigolaient On m'a cousu, et après, elles ont attaché un morceau de tissus pour couvrir la blessure. J'ai perdu beaucoup de sang et je pleurais fort. À chaque fois que j'allais aux toilettes, je voyais cette cicatrice, ça me rappelait ce que j'avais vécu. Parfois, j'ai refusé d'aller prendre ma douche avec d'autres enfants, pour ne pas montrer ma cicatrice. J'avais honte, donc je me cachais.

Alors qu'elle est encore jeune fille au Burkina, Badrouma épouse un Français. Elle part le rejoindre en France, mais très vite, il commence à abuser d'elle et la coupe de sa famille et ses amis : 

Il voulait qu'on fasse l'amour cinq ou six fois par jour. Au bout d'un moment, je le laissais faire, je n'en pouvais plus. (...) Je me sentais très seule, et je ne pouvais pas sortir. J'étais comme une esclave. 

Je souffrais de l'excision, de mon mariage, de tout. Je demandais à Dieu de me guérir, de guérir toutes les parties de mon corps. Je ne sais pas ce qu'ils ont enlevé à l'intérieur, mais j'ai l'impression que j'ai perdu quelque chose de mon corps. Avec la reconstruction, j'aurai l'impression d'être à nouveau moi-même. Je pense que je serai plus forte. 

Un reportage de Cerise Maréchaud

Réalisé par Emmanuel Geoffroy

Au CHU de Poitiers
Au CHU de Poitiers
© Radio France - Cerise Maréchaud

L'équipe