Elle est discrète par sa taille, sur le bois du mobilier urbain qui entoure le Panthéon, à Paris. Mais l’oeuvre en train d’être réalisée par Claire Courdavault et son équipe est monumentale par sa symbolique. Jusqu’à la fin de cette semaine, elles sont six à graver les noms d’une centaine de femmes qui ont fait l’histoire.
Partie intégrante du matrimoine parisien
Le point de départ, c’est une action féministe éphémère sur les bancs en granit du Panthéon, le 1er juillet 2017. Le collectif Les MonumentalEs est à l’origine du projet. Il avait été missionné par la Ville de Paris pour l’aider à repenser la place du Panthéon. Deux ans après, l’inscription dans la pierre est pérennisée dans le bois.
Le projet choisi est celui de Claire Courdavault, artiste plasticienne vendéenne âgée de 33 ans. Avec cinq autres femmes, elles pyrogravent les noms d’environ 150 femmes qui ont marqué leur temps, explique-t-elle :
Ça fera partie du matrimoine parisien, c’est un femmage. On pourra en rajouter, c’est un projet évolutif. L’idée, c’est de transmettre cette performance dans le monde.
Frida Kahlo a été la première, vendredi 5 juillet. Jeanne d’Arc, Rosa Bonheur ou Hildegarde de Bingen ont suivi. Cinq sont gravées chaque jour « en moyenne », pose Claire. Lundi 29 juillet, en plein cagnard, elle s’active sur le nom de la reine berbère Al Kahana. La procédure est toujours la même : choisir la taille de lettre, imprimer à l’envers, faire le transfert sur le bois, enlever l’encre, graver les contours, poncer puis remplir en brûlant.
« Au service d’une cause »
Ce travail de précision a été conçu comme « une litanie féministe » par Claire, détaille-t-elle, « machine à tatouer le bois » en main. La « partition rythmique » suit une règle bien précise : le nombre de lattes entre chaque lignes est un multiple de trois, tout comme le nombre de centimètres qui séparent chaque nom du triangle gravé à la feuille d’or dans le bois. Il image le sexe féminin, « triangle oublié qu’on cesse d’oublier quand il est gravé ».
« C’est une artiste, mais pas que », commence son amie Anoushka, membre de l’équipe. « C’est une démarche complète, elle essaie de faire bouger les choses », explique la jeune femme qui s’entraîne sur une latte isolée. « Je me suis mise au service d’une cause », résume Claire.
Trois prénoms le disent mieux que des mots : Rose L., Aminatou D. et Julie D. La première est morte à la rue en 2017, la deuxième en Méditerranée en 2018, la troisième a été tuée en Corse par son ex-conjoint. Elles n’ont que des initiales, sur les bancs du Panthéon. Mais au moins, « elles sont sorties de l’anonymat de la mort ».