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Liban - Société

« Dans les transports, je dois cacher mes ongles vernis », dit Laura...

Un rapport de Human Rights Watch, rendu public hier, pointe du doigt les «discriminations systémiques» à l’encontre des femmes transgenres au Liban.

Human Rights Watch a rendu publics, hier, les résultats de son étude sur les discriminations à l’égard des femmes transgenres au Liban. Photo DR

À 26 ans, Sam a déjà tenté de se suicider à deux reprises. Née dans un corps d’homme alors qu’elle se sent femme, Sam a été rejetée par les siens. Aujourd’hui, elle suit une thérapie et tente de se réconcilier avec la vie. « Nous, femmes transgenres, sommes en danger. Nous avons peur de nos familles, de la société et parfois de nous-mêmes. J’ai essayé de mettre fin à mes jours il y a 7 ans. J’ai à nouveau essayé il y a 8 mois. On arrive à un moment où on ne veut plus vivre. On veut juste trouver le repos », confie la jeune femme à L’Orient-Le Jour.

« Je veux vivre, mais je n’ai pas de travail et j’ai dû arrêter mes études en gestion », explique encore Sam, victime de discrimination au niveau de l’emploi comme la plupart des transgenres. « J’ai envie de me sentir normale. Je veux que l’État nous aide à nous accepter, qu’il ait un peu de pitié à notre égard. Nous voulons vivre librement », souligne-t-elle.

Sam fait partie des 50 femmes transgenres ayant témoigné dans le cadre d’une récente étude de Human Rights Watch sur la discrimination à l’égard de cette partie de la population. Cette étude a été rendue publique hier lors d’une conférence à l’hôtel Riviera, en présence de quelques membres de la communauté transgenre, un grand nombre de ces personnes ayant décliné l’invitation car craignant pour leur sécurité.

Intitulé « Ne me punissez pas pour qui je suis », le rapport de HRW, disponible en arabe et en anglais, pointe du doigt les nombreux abus auxquels les transgenres sont soumises au Liban : humiliations, attouchements sexuels, discrimination pour l’accès à l’emploi, au logement et aux soins médicaux ou encore violences policières, selon les témoignages cités. Autant d’éléments qui rendent leur quotidien difficile et les poussent à rompre tout contact avec la société, par peur des représailles. « Certaines transgenres ont été menacées si elles se rendaient à la conférence (hier). L’une d’entre elles nous a confié que sa famille a découvert qu’elle avait commencé un traitement hormonal. Elle a alors été empêchée de sortir de chez elle », indique Lama Fakih, directrice de HRW à Beyrouth, qui évoque des « violences systémiques » à l’encontre des transgenres au Liban.


(Lire aussi : Amnesty condamne l'interdiction de l'application Grindr au Liban : "Un coup dur pour la communauté LGBTI")


« Peur de traverser un barrage des forces de l’ordre »

Le rapport de HRW se base sur les témoignages de transgenres libanaises, mais également syriennes, irakiennes, palestiniennes, jordaniennes ou encore saoudiennes ayant trouvé refuge au Liban. Et si la situation est déjà compliquée pour les Libanaises, elle l’est encore plus pour les migrantes. « Les transgenres étrangères souffrent d’une double discrimination. Celle liée à leur origine et celle liée à leur identité sexuelle, si elles choisissent de la dévoiler », explique à L’OLJ Racha Younes, chercheuse chez HRW sur les droits des LGBT.

Léa, la vingtaine, est la seule à avoir accepté de témoigner hier lors de la conférence, à visage découvert. « Pourquoi est-ce que je dois avoir peur à chaque fois que je traverse un barrage des forces de l’ordre ? Je suis une citoyenne comme une autre et je n’ai jamais enfreint la loi », indique-t-elle. Si elle s’estime heureuse d’avoir pu trouver un emploi d’enseignante, Léa est consciente de l’impossibilité d’effectuer des études plus poussées. « Je ne peux pas m’inscrire en master. Je sais que je vais souffrir de discrimination. Si jamais il m’arrive quelque chose, je ne peux pas demander à l’État de me protéger car cela risque de se retourner contre moi, en raison de mon identité sexuelle », souligne-t-elle.

Tarek Zeidane, directeur exécutif de l’ONG Helem, qui lutte en faveur des LGBT au Liban, dénonce les arrestations de transgenres, sur base d’articles de loi liés au respect des « bonnes mœurs ».

« La plupart des arrestations de transgenres se font dans les mohafazats de Beyrouth et du Mont-Liban. Ces personnes sont interpellées en vertu de plusieurs articles de loi, dont l’article 534 qui évoque des relations charnelles contre-nature, ou encore les articles 531 et 532 sur l’atteinte aux bonnes mœurs », constate-t-il. « Ces femmes sont considérées par les services de sécurité comme des hommes homosexuels. On les associe systématiquement à la prostitution », précise-t-il.

« 84 % des transgenres sondées se sont vu refuser l’accès à un emploi parce que leur apparence physique ne correspondait pas à leurs papiers d’identité. Une d’entre elles a même travaillé douze heures par jour pour un salaire de trois cents dollars, sans compter les faveurs sexuelles qu’elle a été obligée d’accorder à son employeur », indique pour sa part Bianca Salloum, directrice exécutive de l’association Mosaic qui milite pour les droits des LGBT.


(Lire aussi : « Queer Narratives Beirut » : le podcast comme arme d’éducation massive)



« Je compte juste prendre des hormones »

La plupart des transgenres interrogées par HRW disposent toujours de papiers d’identité où elles sont identifiées comme de sexe masculin. En cause, le processus de changement officiel de sexe, qui est long, compliqué et coûteux au Liban et nécessite un recours en justice. Les autorités requièrent de la personne concernée d’avoir suivi un traitement hormonal et d’avoir subi une intervention chirurgicale. Les transgenres, elles, demandent à pouvoir changer d’identité sans avoir à passer par une transformation physique radicale.

« Je suis bien dans ma peau. Je ne veux pas aller jusqu’au bout de la procédure, je compte juste prendre des hormones pour avoir une poitrine. Et si la société veut me priver de mes droits civiques à cause de cela, c’est elle qui en portera les responsabilités », souligne Naya, transgenre syrienne de 21 ans. Elle affirme par ailleurs que les autorités libanaises cherchent à la déporter, en raison de son engagement pro-LGBT.

Laura, 32 ans, est irakienne. Elle a fui son pays il y a quelques mois après avoir été menacée de mort par une milice, en raison de son engagement en faveur de la communauté LGBT. « C’est un peu plus sécurisé ici mais comme je suis transgenre, je souffre de harcèlement et de discrimination à plusieurs niveaux, d’abord parce que je suis irakienne et ensuite parce que je suis transgenre. »

Pour se protéger, Laura dissimule souvent sa véritable identité. « Quand je sors, je m’habille en homme. Dans les transports, je dois cacher mes ongles vernis. » La jeune femme a eu beaucoup de mal à trouver un logement, à cause de son apparence. Depuis, elle fait profil bas. « Je vivais à Sodeco avec d’autres transgenres. Mais on a dû partir, car des voisins nous ont rejetées, alors qu’on payait deux mois de loyer à l’avance. Aujourd’hui, quand mon propriétaire vient me voir, je suis obligée d’enlever le maquillage, de m’habiller en homme et de changer ma façon de parler et de me comporter », confie-t-elle.



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commentaires (5)

Les transgenres sont des innocents. Les parents qui les rejettent doivent avoir honte. L'enfant n'est pas responsable de la malformation de l'embryon. Ou est l'amour maternel? Male, femelle, transgenre, c'est toujours son enfant. C'est la mere qui l'a concu.

sancrainte

19 h 01, le 04 septembre 2019

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Commentaires (5)

  • Les transgenres sont des innocents. Les parents qui les rejettent doivent avoir honte. L'enfant n'est pas responsable de la malformation de l'embryon. Ou est l'amour maternel? Male, femelle, transgenre, c'est toujours son enfant. C'est la mere qui l'a concu.

    sancrainte

    19 h 01, le 04 septembre 2019

  • Saviez vous une chose qu il y a une étude faite par des chercheur de la HMS qui ont démontrer que ce n est PAS GÉNÉTIQUE

    Bery tus

    14 h 05, le 04 septembre 2019

  • La Decadence en europe n’a plus de limites... Ce sont ces dérapages qui accentuent et confirment jour apres jour la perte des valeurs de base dans ce qu’était, il était une fois.. l’Europe !

    Cadige William

    09 h 23, le 04 septembre 2019

  • Bon, la bonne idée serait de ne pas se vernir les ongles, même en occident cela donnerait le hoquet à plus d'un.

    Christine KHALIL

    08 h 04, le 04 septembre 2019

  • Les parents ont honte !

    Chucri Abboud

    07 h 28, le 04 septembre 2019

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