Plus de 6 000 enseignants, professionnels du supérieur, dirigeants d'établissements, associations... ont signé un appel du Shift project réclamant plus de formations sur les enjeux écologiques et climatiques dans les programmes. Une lacune que les écoles et universités commencent à combler, poussée par la mobilisation des étudiants sur le sujet. Une proposition de loi vient d'ailleurs d'être déposée en ce sens.

[Mise à jour le 19 septembre] C’est la révolution dans l’enseignement supérieur. Après le Manifeste pour un réveil écologique lancé par les étudiants de grandes écoles en octobre 2018, c’est au tour des directeurs d’établissements et membres de la communauté pédagogique de lancer un appel. Ce dernier, initié par le Shift Project, un think-tank pour décarboner l’économie, appelle à former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques. Plus de 6 000 citoyens dont 100 dirigeants d’établissements, 1 000 enseignants et enseignants-chercheurs, 300 professionnels du supérieurs, dirigeants syndicaux ou associations, ont signé.
Le 19 septembre, faisant suite à la mobilisation du corps professoral et des étudiants, 80 députés de tous bords ont déposé une proposition de loi visant à généraliser l’enseignement des enjeux écologiques à l’université. "C’est très important que notre jeunesse, en plus d’être informée, puisse avoir les connaissances nécessaires pour répondre et gagner la guerre mondiale contre le changement climatique", avance Christian Gollier, directeur général de la Toulouse School of Economics (TSE).
"L’enjeu aujourd’hui n’est plus de sensibiliser les élèves mais d’intégrer les enjeux climatiques, énergétiques, environnementaux à chaque formation", ajoute Aurélien Acquier, professeur à ESCP Europe Business School. Or, aujourd’hui, l’enseignement supérieur à un train de retard. Moins d’un quart des formations des 34 établissements étudiés par le Shift Project abordent le sujet des enjeux climatiques et énergétiques.
Former les enseignants et décloisonner les formations
"On a loupé un coche", estime Michel Perez, enseignant-chercheur à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) à Lyon, "En 2019, il est difficilement compréhensible de faire sortir des ingénieurs des écoles sans qu’ils soient capables de comprendre le rapport du Giec (experts de l’ONU sur le climat, NDR)". Mais après une année intense dans l’actualité climatique, les lignes commencent à bouger. Plusieurs écoles d’ingénieur, de management, d’économie… ont évolué et intégré des formations spécifiques sur la transition énergétique ou le climat. "On ne peut nier qu’il y a une vraie montée en puissance de ces sujets, bien que mal cadrés, dans les écoles. Mais le problème c’est que les enseignants ne sont pas formés eux-mêmes à ces enjeux donc ils ont du mal à diffuser ces enseignements", explique Nicolas Gourdain professeur à l’Institut supérieur de l’Aéronautique et de l’espace (Isae Supaero).
En cause, notamment, l’hyper spécialisation de notre modèle d’apprentissage. Or les problématiques climatiques et écologiques relèvent d’enjeux à la croisée de plusieurs disciplines. "Il faudrait des équipes interdisciplinaires formées de climatologues, de sociologues, de biologistes… le cloisonnement extrême est une catastrophe", alerte Christian Gollier. D’où l’expérience menée à l’Insa. L’idée était de réunir deux professeurs, un en sciences dures, l’autre en sciences humaines, pour mener un cours commun. "Cela a été une expérience réussie. C’est une des clés de la solution", affirme-t-il.
Un appel pour fédérer et partager les expériences réussies
À l’ESCP Europe, Aurélien Acquier et ses collègues ont réussi à faire d’une pierre deux coups. Ils ont proposé un séminaire transversal aux 400 nouveaux étudiants sur les enjeux climat et énergie. Grâce à cet événement, ils ont réussi à mobiliser les professeurs de toutes les disciplines : marketing, finance ou chaine d’approvisionnement. "Il faut voir les enjeux climatique, énergétique ou de biodiversité comme une opportunité de construire une transversalité dans nos formations", explique l’enseignant.
Reste maintenant à savoir ce qu’il adviendra de cet appel du Shift Project qui rencontre un succès inattendu. Pour ces enseignants-chercheurs ou directeurs d’établissement, c’est à l’évidence l’occasion de se fédérer et de sortir de l’isolement dans lequel ils pensaient être. Quant à l’État, certains espèrent qu’il proposera des grilles liés aux enjeux climatiques et économiques dans l’évaluation des programmes. Mais attention à ne pas braquer le corps professoral. "Les enseignants sont attachés à leur autonomie. L’État peut suggérer mais pas obliger…", glisse Nicolas Gourdain.
Marina Fabre, @fabre_marina

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