Certains chiffres peuvent glacer le sang. En France, au 10 octobre, 118 femmes avaient trouvé la mort sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Presque autant que pour l’ensemble de l’année 2018 (121). Le centième drame, le meurtre de la jeune Salomé à Cagnes-sur-Mer, a connu un retentissement national.
C’est dans ce contexte que se tenait, ce lundi, le Grenelle de lutte contre les violences conjugales des Alpes-Maritimes. Un prolongement du Grenelle national, sur ce thème érigé en grande cause du quinquennat Macron. Associations, collectivités, institutions: le préfet des Alpes-Maritimes, Bernard Gonzalez, a réuni à Nice plus de 150 partenaires mobilisés dans ce combat majeur. Plan de bataille.
La parole libérée
Un constat, d’abord: les demandes de victimes explosent. Les associations spécialisées ont enregistré une hausse de +35% des prises en charge en un an.
à Cannes, l’association Parcours de femmes, qui suit 600 personnes, a vu son activité grimper de 56% en deux ans.
à Nice, le CIDFF (centre d’information des droits des femmes et de la famille) évoque un bond de 60%. "L’affaire Weinstein et ce débat autour du Grenelle ont libéré la parole", remarque Frédérique Grégoire, présidente du CIDFF.
Une lutte tous azimuts
Face à l’urgence, la riposte se structure. Le schéma départemental de lutte contre les violences faites aux femmes, signé en mars 2018, a permis d’élaborer 26 actions.
La lutte va "de la détection à l’orientation, en passant par l’hébergement d’urgence et la mise à l’abri des victimes, des outils pour les professionnels, des projets spécifiques dans le haut et le moyen pays, le téléphone grave danger...", énumère Audrey Sintes.
Pour la déléguée départementale adjointe aux droits des femmes, les A.-M. sont en pointe sur le sujet. Très exposées, aussi. "Il reste des progrès à faire. Le Grenelle doit nous permettre d’être plus encore mobilisés contre ces violences."
Témoigner dès l’hôpital
Le Premier ministre a présenté un plan d’urgence en dix mesures.
"Dans le département, nous sommes déjà bien avancés sur la mise à l’abri d’urgence des femmes victimes de violences", relève Audrey Sintes. 190 places leur sont dédiées.
"Nous avons aussi avancé sur le dépôt de plainte à l’hôpital. L’idée, c’est que les forces de l’ordre puissent venir systématiquement prendre la plainte, de façon à favoriser cette prise en charge dès le début".
En pratique, cela reste compliqué. Le contrôleur général Jean-François Illy, patron des policiers azuréens, a répondu sur ce point au procureur de la République de Grasse, Fabienne Atzori, non sans irritation.
Problèmes de locaux. Problèmes d’effectifs. "Je veux bien que l’on prenne des plaintes de personnes hospitalisées. Mais il faut le faire dans un local dédié, avec la surveillance et l’appui du parquet."
Solutions et sanctions
Nouveauté: depuis ce vendredi, une cellule opérationnelle de prise en charge des victimes réunit différents acteurs autour du sous-préfet, afin de proposer des solutions concrètes aux victimes et à leurs enfants.
Les enfants, justement: une autre mesure prévoit la suspension de l’autorité parentale en cas de violences très graves. "Nous réfléchissons avec notre réseau à la manière d’appliquer cela", confie Caroline Pascal, directrice de Parcours de femmes.
Le nerf de la guerre
Pour l’heure, cette mobilisation générale contre les violences conjugales se heurte à un problème de taille: les moyens.
"Nous en avons besoin pour embaucher suffisamment de personnel, afin de remplir notre mission, plaide Caroline Pascal. D’abord, avoir des moyens pour faire ce qu’on a à faire. Après, on pourra innover!"
Même constat au CIDFF. Selon sa directrice, Prune De Montvalon, "aujourd’hui, nous sommes à la limite de ce que nous pouvons faire en termes d’accueil."
La balle est dans le camp de l’Etat.
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