SAFF Me, l'appli de copiétonnage 100 % femmes pour combattre le harcèlement de rue

Publié le Mardi 19 Novembre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Le co-piétonnage, solution contre le harcèlement de rue ?
Le co-piétonnage, solution contre le harcèlement de rue ?
Encore en crowdfunding (direction Leetchi), l'application SAFF Me a pour but d'éviter aux femmes seules une éventuelle "mauvaise rencontre". La solution ? Le copiétonnage.
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"Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences". C'est une jolie citation de l'emblématique Françoise Dolto qui orne la présentation de SAFF Me. Une sentence aux vibes très "solidarité et sororité". Et pour cause : cette application -encore en plein financement participatif - vise à lutter contre le harcèlement et les agressions de rue. La solution ? Le copiétonnage. En se connectant sur SAFF Me, les utilisatrices peuvent faire un bout de chemin en compagnie de consoeurs bienveillantes, lorsque leur trajet ne les rassure guère. Malin !

A l'heure où les femmes sont toujours aussi suivies dans la rue, harcelées et/ou agressées, SAFF Me promeut un hashtag on ne peut plus d'actualité : #MarchonsEnsemble. On ne peut guère faire plus parlant en ces temps de manifestations féministes. Le principe de SAFF Me ? Sécuriser, rassurer et signaler. En deux clics. Car la peur doit changer de camp. Présentation de cette app' engagée en compagnie d'Elvis Lageante, son instigateur.

Terrafemina : D'où est née cette idée d'appli ?

Elvis Lageante : D'un mouvement de solidarité. J'en avais marre d'entendre ma soeur, mes amies, ma copine, me dire : "J'ai peur de marcher toute seule dans la rue". C'est une phrase qu'on lit de plus en plus, partout, de Twitter à Instagram. La peur est bien réelle. J'ai donc discuté avec elles pour essayer de trouver des solutions. Et elles m'ont dit qu'elles se sentiraient beaucoup plus en sécurité en marchant avec quelqu'un. Mais que la présence d'un homme étranger pouvait tout aussi bien être source d'angoisse.

C'est pour cela que nous avons imaginé, ma petite amie, ma soeur, mon meilleure amie et moi, une application de co-piétonnage 100 % femmes : SAFF Me. Un service qui permettrait aux femmes de se sentir beaucoup plus sereines. Que leur trajet soit plus convivial et leur appréhension moindre.

A l'origine, je donne des ateliers d'écriture dans les collèges et les lycées de toute la France. Les établissements scolaires m'invitent pour aborder avec les élèves des thèmes comme l'égalité femmes et hommes, le sexisme ou le harcèlement. J'ai toujours eu l'âme d'un entrepreneur dans le sens où j'ai toujours aimé créer, apporter de la valeur sur des sujets qui me touchent et résoudre des problèmes qui me tiennent à coeur. Et ce sont mon éducation, mon entourage et mes convictions personnelles qui m'ont naturellement entraîné vers la lutte féministe.

"SAFF Me", l'application qui veut aider les femmes.
"SAFF Me", l'application qui veut aider les femmes.

Comment ça fonctionne au juste ?

E.L. : C'est simple. L'utilisatrice indique le trajet qu'elle souhaite faire, ainsi que le transport en commun souhaité. Et, via un système de localisation, elle est directement mise en relation avec les utilisatrices qui ont choisi le même itinéraire et le même moyen de transport. L'idée n'est pas d'inciter une personne à en protéger une autre. Deux femmes indiquent faire le même voyage, sont mises en relation et font ce petit bout de trajet toutes les deux.

A travers cette "mise en relation", l'utilisatrice peut tout de même prévenir la police en un clic (l'interface le propose). Cette fonctionnalité se retrouve sur une application comme HandsAway, qui vise à lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Et il y a aussi une possibilité de "signaler un danger" si un trajet est considéré comme dangereux. L'utilisatrice envoie une alerte, et cette alerte est à la fois transmise aux utilisatrices à proximité et à un contact choisi - son père par exemple - afin que tous soient au courant de sa localisation.

Une autre application de copiétonnage existe depuis quelques temps déjà : Mon Chaperon. Mais c'est une app' hommes et femmes, qui permet à un homme d'être rémunéré en protégeant une femme. Cette idée selon laquelle la femme a besoin d'un homme, d'être protégée par celui-ci, et surtout de le payer à cet effet... Nous voulions éviter tout ça !

"SAFF Me", ou le co-piétonnage comme solution au harcèlement ?
"SAFF Me", ou le co-piétonnage comme solution au harcèlement ?

Que répondre à ceux qui jugent qu'un "service 100 % féminin" serait "discriminant" ?

E.L. : On a conscience que dès lors que l'on veut résoudre un problème, les personnes qui ne ressentent pas ce problème, le vivent pas ou ne le comprennent pas, qui ne sont pas concernées, y trouveront forcément à redire. Qu'elles auront tendance à juger et à caricaturer. A faire de l'ombre à ce genre d'initiatives alors que cela ne les concerne pas. Puis il y aura tous ceux qui vous diront que ce "problème" existe bel et bien mais que ce n'est "pas si grave", qu'il ne faut pas "exagérer". Au fond cela permet juste de taper sur les solutions solidaires. Mais je sais que le combat que nous menons est beaucoup plus important que ces commentaires.

Avec SAFF Me, notre but est de fédérer une communauté de femmes qui s'entraident. Des applis se basent sur le même système, comme Kolett, un service de VTC par et pour les femmes, ou La Voyageuse, un réseau de "couchsurfing" (d'hébergement) pour les femmes qui voyagent seules. De plus en plus d'entreprises se mettent à trouver des solutions pour résoudre les grands problèmes d'actualité. Et cela va de pair avec le fait qu'on accorde de plus en plus de résonnance au harcèlement et aux agressions sexuelles. C'est un élan solidaire qui prend de plus en plus d'ampleur.

"SAFF Me", ou la sécurité sororale en deux clics.
"SAFF Me", ou la sécurité sororale en deux clics.

Où en est SAFF ME aujourd'hui ?

E.L. : On a lancé un cagnotte Leetchi en début de mois. Et nous avons déjà récolté neuf cent euros de dons en quelques jours seulement, sans avoir à faire de véritable campagne médiatique. Cela prouve que le besoin est réel et que cette app peut vraiment aider. Après ce crowdfunding, on compte choisir une "ville test" afin d'expérimenter l'appli (Paris, Bordeaux, Marseille). Ne serait ce qu'avec notre crowdfunding nous avons déjà perçu des dons de Nantes, Paris, Strasbourg... Nous aimerions que SAFF ME se diffuse dans toute la France, car tout le monde en a besoin.