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La Belgique dépénalise l’avortement

La nouvelle loi laisse à la femme 18 semaines pour décider de la poursuite ou non de sa grossesse. Quant aux sanctions pénales, elles seront supprimées.

De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - L’interruption volontaire de grossesse devrait être complètement dépénalisée en Belgique dans les prochaines semaines. La nouvelle loi débarrassera les femmes d’entraves qui avaient la vie dure. Et elle leur ôtera tout risque de se retrouver derrière les barreaux.

Au printemps 2018, une première révision de la loi de 1991 avait été amenée devant la Chambre par le gouvernement Michel. Prétendant déjà dépénaliser l’avortement, elle n’en contenait pas moins une série de sanctions… pénales pour qui s’aviserait de l’enfreindre. L’opposition et les associations pro-IVG avaient crié au scandale.

Jusqu'au terme de 18 semaines

Cette fois, la dépénalisation complète devrait être acquise. La nouvelle loi ne prévoit plus de sanctions pénales à l’égard des femmes qui ne respecteraient pas ses conditions. Celles-ci sont également supprimées pour les médecins qui s’éloigneraient des règles. Un amendement précise toutefois que s’ils n'observent pas le cadre légal, le droit commun s’appliquera cette fois sur d’autres bases.

Un demi-millier de cas

Au Luxembourg, le Planning familial pratique l'IVG. En moyenne, chaque année, 500 femmes font appel à ces services pour une interruption volontaire de grossesse.

Ce n’est pas tout. La femme enceinte pourra désormais avorter jusqu'au terme de 18 semaines de grossesse et non plus 12, comme c’est le cas actuellement. Le délai dit de réflexion» entre le premier rendez-vous d'information et l’IVG est réduit de six jours à 48 heures. L’avortement est intégré dans la loi sur le droit des patients, avec ce que cela implique en termes d’information et d’accompagnement.

Déjà évoqué en 2018

Mercredi, le texte a été soumis à la commission Justice de la Chambre où il bénéficie de l’appui de nombreux partis. Soit les socialistes, les écologistes, les libéraux-sociaux de Défi, les communistes du PTB, mais aussi les libéraux du Mouvement réformateur, le parti de Charles Michel.

En 2018, les «bleus» avaient pourtant appuyé la précédente révision de la loi, aussitôt taxée d’hypocrisie par l’opposition. A l’époque, les partis de la majorité avaient cherché à masquer leurs divisions : ni les chrétiens-démocrates flamands ni la N-VA ne voulaient d’un changement législatif trop progressiste. D’où le bricolage d’un texte «chèvre-choutiste».

Un allongement soutenu

Aujourd’hui, les mêmes restent opposés à la nouvelle loi. Avec les humanistes du CDH, ils jugent son texte bâclé. Les opposants estiment qu’il n’y a pas eu d’évaluation sérieuse qui puisse justifier d’un allongement à 18 semaines. Et si, avancent même certains, la femme enceinte profitait de ce laps de temps pour voir si le sexe de l’enfant à venir lui convient ?...

Pour ses partisans au contraire, la dépénalisation de l’IVG permettra de rassurer les 500 à 1000 femmes qui, chaque année, se rendent dans un pays voisin pour avorter parce qu’elles ont dépassé les douze semaines de grossesse. Ils refusent de voir les femmes infantilisées. Lors des auditions organisées en 2018, rappellent-ils, une majorité d’intervenants avait plaidé pour un allongement du délai à 18 semaines.

Attention au manque de spécialistes

Un premier vote pourrait intervenir mercredi prochain en commission Justice de la Chambre, même s’il est probable que le texte ira en seconde lecture. Il faudra donc encore attendre avant le vote en plénière.

L’application de la nouvelle loi risque de rencontrer un certain nombre d’obstacles. Un avortement après 12 ou 14 semaines de grossesse exige une intervention médicale plus invasive. Or, la Belgique manque de praticiens spécifiquement formés à l’IVG. Seule l’Université libre de Bruxelles propose une formation étalée en deux ans. Quant aux médecins qui ont combattu aux côtés des femmes pour le droit à disposer de leur corps au cours des dernières décennies, ils sont aujourd’hui atteints par la limite d’âge.

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