Marceline Desbordes-Valmore, pionnière de la poésie romantique

Joseph Constant - Portrait de Marceline Desbordes
Joseph Constant - Portrait de Marceline Desbordes
Marceline Desbordes-Valmore pionnière romantique - #CulturePrime
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Marceline Desbordes-Valmore, pionnière de la poésie romantique

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Sa poésie influencera Verlaine, Rimbaud, Rilke, Aragon, Bonnefoy… et aujourd’hui encore, Julien Clerc, Pascal Obispo ou Benjamin Biolay chantent ses poèmes. Alors que sort chez Garnier-Flammarion une nouvelle édition de son recueil "Les Pleurs", voici le portrait de Marceline Desbordes-Valmore.

Pionnière de la poésie romantique, issue d'un milieu populaire, ancienne chanteuse et comédienne, c'est elle qui invente le vers de 11 syllabes. Sa poésie novatrice et émouvante influencera Verlaine, Rimbaud, Rilke, Aragon, Bonnefoy, Christian Bobin ou encore Alexandre Romanès… Baudelaire dira d'elle qu'elle est "la grande sœur des romantiques".  Et aujourd’hui encore, Julien Clerc, Obispo ou Biolay chantent ses poèmes. 

La Compagnie des poètes
58 min

“Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire.                    
J’écris pourtant”

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écrira Marceline Desbordes-Valmore, qui est aujourd'hui l'une des rares femmes poètes largement reconnue.  

En marge de la poésie

Marceline naît en 1786 dans une famille d’artisans que ruinera la Révolution. À 15 ans, pour chercher l’aide d’un riche cousin, elle gagne avec sa mère une Guadeloupe esclavagiste en proie à la révolte. Sa mère meurt de la fièvre jaune lors de ce voyage tragique. L'oeuvre de Marceline Desbordes-Valmore gardera la trace indélébile de cette lutte politique, et une indignation tenace face à toute oppression. Lors de la révolte des canuts, elle leur consacrera plusieurs poésies, alors qu'elle-même vit à Lyon, en 1834 : 

“Et les corps étendus, troués par les mitrailles, Attendent un linceul, une croix, un remords."

De retour à Douai à 16 ans, seule, elle devient comédienne, se forme en autodidacte, déclame Racine. Également cantatrice, elle séduit le public par ses pièces et ses chants, de Paris à Bruxelles. Mais trop émue par sa propre voix, elle arrêtera de chanter.

Exprimer un rythme, une douleur

Christine Planté, professeure de littérature et spécialiste de l'oeuvre de Marceline Desbordes-Valmore explique dans l'émission "La Compagnie des poètes" la genèse de cette parole poétique : "Elle a écrit parce qu’elle a souffert. Elle le dit elle-même. Elle explique qu’elle a dû, à 20 ans, cesser de chanter et renoncer au chant parce que sa voix la faisait pleurer. Et que à ce moment-là, elle a été hantée d’une sorte de rythme intérieur, cette musique qui ne pouvait pas s’extérioriser, et que pour se délivrer de ce “frappement fiévreux”, elle s’est mise à écrire, et on lui a dit que c’était une élégie."

Elle a 24 ans quand ses grossesses hors mariage la détournent un temps des planches. Empêchée en tant que comédienne de se marier avec son amant bourgeois, elle refuse le statut de femme entretenue et préfère travailler. Sur les quatre autres enfants qu’elle aura du comédien qu’elle épousera ensuite, un seul lui survivra. Surnommée “Notre-Dame des pleurs” et “Notre-Dame du peuple”, elle sublimera ses souffrances de mère endeuillée et d'amante éplorée dans sa poésie, qu’elle publie à partir de ses 27 ans. Christine Planté poursuit l'analyse de la position marginale qu'occupe Marceline Desbordes-Valmore dans le champ de la poésie, qui lui permet d'initier un nouveau rapport aux mots  : "Elle invente quelque chose d’extrêmement libre puisqu’elle n’a pas encore à se draper ou à se poser en poète. Elle est une petite comédienne qui aime la poésie, qui invente une parole en faisant feu de tout mot."

Chanter la romance

L’éditeur Henri de Latouche, son grand amour qui hante toute son oeuvre, la conseille. Sans formation classique, elle trouve sa propre voix librement, au fil de ses lectures, et des salons où elle noue de puissantes amitiés féminines : avec la musicienne Pauline Duchambge, la comédienne Melle Mars, la cantatrice Caroline Branchu, Marie d’Agoult-Daniel Stern, écrivaine, qui tient un salon (et fut la célèbre maîtresse de Liszt), la poète Amable Tastu... Elle entretiendra avec ses amies, confidentes et partenaires de travail une dense correspondance. 

Au fil de ce chemin singulier, Marceline se libère de l’alexandrin en inventant le vers de 11 syllabes, impair et audacieux, et impose un lyrisme de l’intime ouvert à l’autre. Ses poèmes, popularisés dans la presse et par la chanson, le jeune Camille Saint-Saëns, 7 ans, les met en musique.

“Une journée est une année / quand pour te voir / j’attends le soir” - M. Desbordes-Valmore, “Le Soir”

Saint-Saëns sera l’un des très nombreux compositeurs à s’inspirer de sa syntaxe rythmée, sa concision, de ses romances. Marceline meurt à 73 ans, travaillant jusqu’au dernier souffle à son ultime recueil de poèmes. 

Autrice de romans, de nouvelles, de contes, c’est avant tout comme poète novatrice que la salueront des générations d’écrivains

À lire

Le site de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore.

Les pleurs
Marceline Desbordes-Valmore
Nov. 2019, Garnier-Flammarion

Editions numérisées, sur le site de la BNF-Gallica : 

- Élégies, Marie et romances, par Mme Marceline Desbordes, Paris, François Louis, 1819.

- Poésies de Mme Desbordes-Valmore, Paris, François Louis, 1820.

- À mes jeunes amis : Album du jeune âge, Boulland, 1830.

À écouter
La Compagnie des poètes
Relire Marceline Desbordes-Valmore
France Culture
8 nov. 20