Pour Françoise Brié, la directrice générale de Solidarité Femmes, il est important que les femmes victimes de violences conjugales se fassent aider, que ce soit par des associations ou des professionnels

35% des femmes dans le monde sont victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles.

AFP / Hans Lucas

Selon une étude réalisée conjointement par les universités anglaises de Birmingham et de Warwick, les femmes victimes de violences conjugales ont deux fois plus de risques de développer des affections de longue durée (ALD), qui regroupent une trentaine de pathologies. Selon les travaux des chercheurs, publiés ce jeudi 6 décembre dans la revue scientifique Journal of Interpersonal Violence, ces femmes sont deux fois plus susceptibles de développer une fibromyalgie et un syndrome de fatigue chronique (SFC). La première pathologie provoque des douleurs chroniques dans l'ensemble du corps, une fatigue injustifiée et des troubles du sommeil, tandis que le SFC présente une vaste gamme de symptômes, dont une fatigue extrême et chronique.

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Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont compilé les dossiers médicaux de 18 547 femmes victimes de violences conjugales entre 1995 et 2017 et les ont comparés aux dossiers de 74 188 femmes qui n'ont jamais été victimes, ou du moins qui ne l'ont jamais rapporté à leur médecin généraliste. "Nous avons pris en compte les violences sexuelles, physiques, émotionnelles, psychologiques et financières", précise Joht Singh Chandan, chercheur aux universités de Warwick et de Birmingham et principal auteur de l'étude, interrogé par L'Express. Selon leurs calculs, le taux d'incidence de fibromyalgie et de SCF chez les femmes victimes de violences est de 1,73 et 1,91. "Autrement dit, cela signifie que par rapport aux autres, les femmes violentées sont 73% plus susceptibles de développer une fibromyalgie et 91% un SFC, elles ont donc presque deux fois plus de risque de développer ces pathologies", résume le docteur Chandan.

Une femme sur trois

Ces chiffres sont d'autant plus inquiétants qu'ils appuient ceux de deux précédentes études publiées en juin et septembre dernier par Joht Singh Chandan et son équipe. La première montre que les victimes de violences domestiques sont trois fois plus susceptibles de développer de graves maladies mentales, la seconde démontre, elle, que les enfants maltraités ou négligés ont quatre fois plus de risques de développer des maladies mentales. "Tous ces résultats vont effectivement dans le même sens", nous confirme le scientifique.

Les violences conjugales physiques et/ou sexuelles constituent un problème de santé publique majeur puisque plus d'une femme sur trois - 35%, selon un rapport de l'Organisation mondiale de la santé - en est victime dans le monde. Au Royaume-Uni, 27% des femmes ont déjà été victimes d'une forme ou d'une autre de violence familiale et une grande partie de ces violences seraient le fait du partenaire intime, conjoint ou mari, selon les dernières estimations. Si les données utilisées pour l'étude proviennent du Royaume-Uni, il est probable que les résultats soient similaires en France, avance le docteur Chandan.

"Les patients atteints de fibromyalgie et de SFC sont souvent confrontés à un retard de diagnostic en raison d'une compréhension limitée de la cause générale de leurs troubles, il est donc important que les médecins gardent à l'esprit que les femmes qui ont survécu à ces violences sont plus vulnérables à ces troubles", notent les auteurs dans un communiqué publié par l'université de Birmingham. Nous espérons que ces résultats de recherche permettront d'améliorer les soins et seront utiles pour le diagnostic précoce de la fibromyalgie et du SFC."

Les violences provoqueraient le stress responsable de ces pathologies

Le lien entre fibromyalgie, SFC et violences conjugales pourrait s'expliquer par le fait que "les survivantes peuvent vivre un stress physiologique et psychologique immense, avance de son côté Julie Taylor, chercheuse à l'Université de Birmingham et également auteure de l'étude. Les changements qui se produisent dans l'organisme à la suite d'un tel stress peuvent entraîner une multitude de problèmes de santé, comme ceux que nous constatons".

La scientifique remarque néanmoins que de plus amples recherches seront nécessaires pour clairement identifier les rapports de cause à effet. "Cette relation est très complexe et il est important de souligner que toutes les femmes qui ont été victimes de violences ne développeront pas forcément une fibromyalgie ou un SFC. Tout comme le fait d'avoir ces pathologies ne signifie pas qu'il y a eu violence familiale dans le passé", insiste Julie Taylor.

Les auteurs notent également que leur résultat suggère que les coûts de santé liés à la violence conjugale sont probablement bien plus élevés que prévu. "L'incidence d'affection de longue durée chez les femmes victimes de violences implique l'existence d'un coût caché supplémentaire pour la société", affirme notamment Siddhartha Bandyopadhyay, chercheur à l'université de Birmingham. Les auteurs n'ont, en revanche, pas pu obtenir de résultats pour les hommes victimes de violences conjugales "car le nombre de violences enregistrées est trop bas", observe Joht Singh Chandan. À l'échelle mondiale, environ 38% des femmes assassinées le sont par leur conjoint ou ex-conjoint, contre 6% pour les hommes.

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