«Torturée sexuellement» par son mari pendant sa grossesse, Assia raconte son calvaire

Accusé du viol de son épouse, avec laquelle il vivait à Créteil, Abdel est jugé jusqu’à vendredi par la cour d’assises du Val-de-Marne.

 La jeune femme a eu le courage de livrer son récit devant les jurés de la cour d’assises de Créteil.
La jeune femme a eu le courage de livrer son récit devant les jurés de la cour d’assises de Créteil. LP.

    L'histoire d'Assia (le prénom a été modifié) et Abdel avait commencé sous les meilleurs auspices numériques, début 2016. « Tout de suite ça a matché entre lui et moi, rembobine la trentenaire. Il était l'image que je me faisais du chéri idéal. On s'est rencontré. »

    Et l'idylle virtuelle est devenue bien réelle : « Au début de la relation, à mes yeux, il était juste parfait. Gentil. Doux. Et je suis tombée enceinte. » Pour « faire les choses dans l'ordre », les deux tourtereaux se sont mariés, religieusement, et Assia a emménagé dans l'appartement d'Abdel, à Créteil.

    La romance a pris fin aussi vite qu'elle est née. Mercredi après-midi, devant la cour d'assises du Val-de-Marne, Assia s'est accrochée à la barre pour raconter les mois de violence et de terreur qui ont suivi leur union. Assis dans le box et incarcéré depuis près de trois ans, Abdel est jugé depuis mardi pour viol. Le quadragénaire encourt vingt ans de réclusion criminelle.

    La voix d'abord mécanique, Assia a donc décrit un coup de foudre. Cette envie de futur à deux : « On regardait dans la même direction. » Ces plaisirs : « On faisait l'amour avec amour. On faisait l'amour normalement. » Bref : « Je suis tombée amoureuse au point de vouloir le présenter à ma famille. »

    «J'avais peur qu'il me tue»

    Le 25 mai 2016, le mariage fut célébré. « J'ai commencé à déchanter dès le premier jour », explique Assia. La suite ne serait qu'une grossesse traversée sous les coups et la terreur.

    La voix noyée sous les sanglots, la jeune femme, qui travaillait alors à la mairie de Paris, poursuit : « Mon corps devenait problème. Jamais il me touchait le ventre qui s'arrondissait, comme on le voit dans les films romantiques. […] J'avais l'impression d'être sale, difforme, répugnante. »

    Du mépris et des coups : « Il me mettait des gifles. Il m'insultait. Il me disait : t'es ma pute, je fais ce que je veux de toi. »

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    Terrassée par le chagrin, Assia a détaillé devant la cour des pénétrations forcées, avec l'usage parfois de godemichés. « Au début, je me débattais, je hurlais, je criais de toutes mes forces, souffle-t-elle. Mais quand j'ai compris que ça l'excitait, j'ai arrêté de me débattre. »

    Pour elle, parler n'était alors pas envisageable. « J'avais peur qu'on mette ma parole en doute. J'avais peur de parler. J'avais peur qu'il me tue. Sans rien faire, il me violait. Sans rien faire, j'ai failli mourir. Qu'est-ce qu'il me serait arrivé si j'avais parlé ? » Elle-même n'avait pas les mots : « Je n'avais pas conscience que c'était un viol. Pour moi, il était violent sexuellement. Mais un viol, pour moi, c'était un étranger dans une ruelle. »

    Abdel, «enfermé pour des simples dires»

    Un enfer qui aurait duré jusqu'à son départ définitif de l'appartement conjugal, en septembre 2016 : « En tout, on a dû faire l'amour normalement trois fois. Tout le reste, il se servait de mon corps. »

    En plus des « tortures sexuelles », Assia détaille deux événements particulièrement traumatisants et violents. En juillet 2016, son compagnon l'aurait roué de coups pour la punir d'avoir caché la télécommande de la télévision. Elle finira à l'hôpital, une main courante sera déposée.

    Le 28 décembre, cinq jours après la naissance de leur fille, Abdel, furieux de ne pas pouvoir emmener son bébé pour le présenter à sa famille, s'en serait à nouveau pris physiquement à elle, ainsi qu'à sa mère. Il sera peu de temps après interpellé et incarcéré.

    « Ça fait trois ans que j'ai mal, souffle Assia. Mais si je suis là, c'est que je ne veux plus avoir honte. Je ne suis pas le problème. De l'intérieur, je suis morte. Je suis morte ! Mais je suis là pour ma fille. »

    Décrit par ses proches comme « doux », « jovial » et « attentionné », Abdel a dénoncé, mardi, « être là pour rien » et « enfermé pour des simples dires ». Face aux accusations de viol, il évoque une sexualité « débridée ». Le verdict est attendu vendredi.

    * Le prénom a été modifié