Santé publique : «De plus en plus de femmes enceintes ou de mères SDF dorment dehors»

Soignants, travailleurs sociaux, bénévoles ou professionnels, ils alertent sur la grande précarité de ces femmes.

 Hôpital Lariboisière à Paris (Xe). Sommairement tolérées dans un local du service d’urgences obstétriques, les jeunes mères et leurs nourrissons sont délogés au bout d’un mois.
Hôpital Lariboisière à Paris (Xe). Sommairement tolérées dans un local du service d’urgences obstétriques, les jeunes mères et leurs nourrissons sont délogés au bout d’un mois. LP/Elodie Soulié

    Par 125 personnalités et 21 associations dont 15 nationales. La liste complète des signataires à la suite de cette tribune.

    Elles sont enceintes, jeunes mamans avec leur bébé dans les bras, souvent seules, étrangères, prises en charge par une maternité française et elles sont sans domicile. Nous sommes soignants, travailleurs sociaux, bénévoles ou professionnels, tous au contact quotidien ou presque de la grande précarité.

    Chaque nouvelle rencontre avec une de ces femmes, chaque nouveau récit d'une solution de fortune à même le sol dans une salle d'attente de l'hôpital ou de la remise à la rue d'une mère avec son enfant quelques jours après son accouchement, chaque alerte sur le nombre d'enfants qui dorment dehors nous désespère un peu plus par le manque de solutions à offrir. Mais tout cela aussi éteint la révolte en nous habituant petit à petit à ces situations indignes, sans réaliser qu'on finit parfois par tolérer l'intolérable.

    Le Samu social alerte chaque année sur ce constat dramatique dans la 6e économie mondiale : de plus en plus de femmes enceintes et de familles sont à la rue, sans solution d'hébergement. Le 20 novembre dernier, leur manifeste le rappelait : 700 enfants dorment dehors chaque soir à Paris, 160 en Seine-Saint-Denis. Cent femmes avec un nouveau-né ne trouveraient pas de solution d'hébergement à Paris actuellement. Etre à la rue enceinte ou avec un nouveau-né signifie pas de toit mais également un risque périnatal élevé, pas de couches, pas de vêtements propres, pas de protection contre le chaud ou le froid, peu de solutions pour manger et se reposer, pour allaiter, pour prendre soin d'un bébé ou simplement de soi. Les conséquences immédiates ou à long terme sur la santé de la mère et de son enfant sont inacceptables. Il y a eu et il y aura encore des morts si nous ne faisons rien. Les recours aux soins sont évidemment moins bons, avec un risque d'hospitalisation dès la naissance et tout au long de la vie beaucoup plus élevé que pour un enfant vivant dans un environnement sécurisé. « Les 1 000 premiers jours de vie d'un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c'est là qu'on construit parfois le pire et qu'on peut bâtir le meilleur. Nous devons construire, imaginer beaucoup plus loin que ce qu'on a fait jusque-là », a déclaré Emmanuel Macron le 25 avril dernier.

    Où est l'égalité quand des enfants mis au monde par les mains expertes des mêmes sages-femmes que nos enfants ont, à peine nés, déjà si lourdement grevé leurs 1 000 premiers jours décisifs ? Quand des femmes, à un moment de la vie où la plupart sont entourées et protégées, sont exposées à la violence de la rue ? Où sont nos engagements et nos valeurs à nous tou·tes citoyen·nes, soignant·es, directions des hôpitaux, femmes et hommes politiques, quand ces situations insupportables se répètent et que nous laissons nos collègues se débattre pour y faire face ? Où est notre humanité quand depuis des mois ils nous alertent, que nos médias l'écrivent et que nous regardons ailleurs, en ne nous indignant pas de l'inacceptable ?

    Il est temps de mettre nos engagements et nos actes en cohérence. Nous demandons dès aujourd'hui un état des lieux de cette situation de crise sanitaire et humanitaire et des propositions concrètes urgentes en accord avec les recommandations des professionnels et des associations concernées pour honorer les devoirs de la France sur la protection et le respect des droits de ces enfants et de leurs familles.

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