Agression sexuelle en réunion : quatre jeunes «élevés à la pornographie»

  • Maître Gaudy, avocat de la victime. Maître Gaudy, avocat de la victime.
    Maître Gaudy, avocat de la victime. Photo DDM
Publié le , mis à jour
Compte rendu d'audience Marie-Christine Bessou

Ils ont tous les quatre 20 ans et comparaissent pour une agression sexuelle en réunion, enregistrement et diffusions d'images portant à l'atteinte d'une personne. En clair, quatre jeunes hommes ont «profité» de la petite amie de l'un entre eux, au domicile de ce dernier, sur fond d'alcool et de cannabis. Des jeunes gens en phase avec les réseaux sociaux puisqu'ils ont enregistré des images sur leur téléphone portable pour les diffuser ensuite par MMS et sur Snapchat.

Lydie*, la victime de leur âge, fragilisée par une rupture sentimentale récente, vulnérable, «cherche du réconfort sur un site de rencontre». Il est vrai que R. est un beau jeune homme, elle tombe vite sous son charme, et leurs trois rencontres se terminent par un rapport sexuel. Dans l'expertise psychiatrique ultérieure du jeune homme, apparaît «une absence d'empathie», qui explique sans doute qu'il ne voit en elle qu'une femme objet, objet sexuel, bref «un plan cul».

Fouet

Le soir du 24 février 2015, quand il la convie à venir chez lui avec une copine parce que son copain G. est seul, a-t-il déjà l'idée d'une soirée débridée ? Sans doute. Elle s'y rend seule et sans méfiance, mais d'entrée, elle qui ne boit jamais, se voit proposer un whisky coca sinon «je te casse les dents. Je dis souvent ça, c'est une expression» indique R. Ils commencent à s'amuser, à la fouetter sur les fesses avec le bâton du chat. On lui demande des fellations. Rapidement on la défie de boire une deuxième boisson alcoolisée cul sec. Elle fait ce que R. lui demande car elle l'aime. Et c'est le malaise, elle tremble, elle vomit, se trouve mal. R. ne trouve rien de mieux que de la déshabiller, l'allonger dans la baignoire et lui bander les yeux avec un tee-shirt. Elle devient «une proie facile». Les deux garçons appellent deux autres copains car ils s'ennuient un peu dans l'appartement, il faut songer à se divertir. Tout ce qu'elle subira ce sera d'ailleurs «pour rigoler» répétera R. Des rires que l'on entend même, hier, à la barre du tribunal, où l'un d'entre eux réprime presque un fou rire. «C'est nerveux» s'empresse de dire son avocate. Alors que la jeune fille gît semi-inconsciente au fond de la baignoire, les flashs crépitent. Des photos ou des vidéos sont prises et aussitôt diffusées. Elle est ensuite transportée dans une chambre où elle subit des fessées, à nouveau le fouet. Ils la pelotent. Elle sent des mains sur ses seins, son sexe. R. a un rapport sexuel avec elle et dit aux autres que ça va «tourner». Elle tente de les repousser à coups de pied. Alors B. la tire par un pied dans l'appartement. Ce dernier, écrase même sa cigarette sur elle. «Je l'ai cramé», se vante-t-il. Tout ça est commenté via des textos orduriers et vulgaires dont on retrouvera les traces sur leurs portables. Certains destinataires s'en émeuvent lorsqu'ils les reçoivent et se demandent même si «elle est morte ?». Cette dernière trouve la force de s'enfermer dans la salle de bains où elle casse un miroir. R., son soi-disant petit ami qui ne l'a jamais défendu, lui dit alors de «dégager». «Vous êtes plus attaché aux objets qu'aux personnes», relève le président du tribunal, Denis Goumont. Pour les prévenus, la fautive c'est Lydie, décrite comme «la chaudasse». En revanche, elle, a eu l'impression d'être tombée dans un traquenard. Et hier, elle a eu le courage d'assister à l'audience du tribunal bien qu'elle ait déjà subi de nombreuses confrontations avec les prévenus qui, curieusement, semblaient frappés d'amnésie. Maître élian Gaudy, avocat de Lydie la décrit victime de nombreux syndromes post-traumatiques. Elle-même dit qu'on a «mangé (sa) vie». Quand ils apprendront le lendemain qu'elle porte plainte, R. la menacera et des connaissances tenteront de l'intimider. «Intolérable, inadmissible».

Le procureur de la République a requis des peines allant de 8 à 15 mois de prison avec sursis car «vous ne réalisez pas, vous n'assumez pas, vous avez juste des regrets de circonstance». Maître Gaudy a demandé qu'au travers de sa décision, «le tribunal l'aide à porter sa croix». Le jugement a été mis en délibéré au 5 juillet.

* prénom changé

Sur le même sujet