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La ville de Genève féminise ses panneaux de signalisation

Sur décision de la maire, Sandrine Salerno, la moitié des panneaux routiers aux abords des passages piétons représentent désormais des femmes actives, âgées, enceintes ou encore en couple

Serge Dal Busco (à g.), conseiller d'Etat chargé du Département des infrastructures et Sandrine Salerno, maire de la ville de Genève, posent devant un passage piéton avec les nouveaux panneaux de signalisation féminisés, ce jeudi 16 janvier 2020 à Genève. — © KEYSTONE/Martial Trezzini
Serge Dal Busco (à g.), conseiller d'Etat chargé du Département des infrastructures et Sandrine Salerno, maire de la ville de Genève, posent devant un passage piéton avec les nouveaux panneaux de signalisation féminisés, ce jeudi 16 janvier 2020 à Genève. — © KEYSTONE/Martial Trezzini

Ce ne sont a priori que des panneaux informatifs, des rectangles bleus placés aux abords des passages piétons pour signaler aux usagers la possibilité de traverser. Jusqu’ici, on y voyait une silhouette filiforme aux cheveux courts, de profil, sur fond blanc: de toute évidence, un homme. C’était avant. En ville de Genève, les choses changent. Depuis cette semaine, la moitié des 500 panneaux représentent désormais des femmes actives, âgées, enceintes ou encore en couple. Une première en Suisse.

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«Certains verront dans cette opération un symbole aux allures de gadget», prévient la maire socialiste Sandrine Salerno, consciente que l’air du temps peut laisser penser à un simple effet de mode. «C’est bien plus que ça, il est question de notre perception de la société, de la place des femmes dans l’espace public, des représentations qu’il faut questionner.» A quelques mois de la fin de son mandat, la conseillère administrative réaffirme son engagement pour l’égalité dans l’espace urbain, matérialisé entre autres par la campagne «Objectif zéro sexisme dans ma ville». Elle espère que la démarche fera tache d’huile dans les communes.

© KEYSTONE/Martial Trezzini
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«Législation fédérale stricte»

Pourquoi s’attaquer aux panneaux de signalisation informatifs? «Ce sont en réalité les seuls à pouvoir être modifiés, répond le conseiller d’Etat Serge Dal Busco, chargé du Département des infrastructures, qui a soutenu l’opération. La législation fédérale en matière de signalisation routière est très stricte.» Les feux de signalisation vert, orange et rouge, qui contiennent un bonhomme masculin, ne peuvent par exemple pas changer d’aspect.

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Imaginés par des graphistes à l’interne, les 250 nouveaux panneaux ont coûté 56 000 francs pour la production et la pose. Cheveux courts, longs ou crépus, canne, ventre arrondi ou encore talons hauts ou plats: de multiples détails composent les nouvelles silhouettes féminines. Sur l’un des dessins, deux femmes marchent main dans la main. Les panneaux masculins retirés du domaine public sont pour l’heure remisés, en attendant un renouvellement.

«Impossible exhaustivité»

A vouloir rendre compte de la diversité de la société, n’ouvre-t-on pas la porte aux réclamations les plus diverses? Les personnes transgenres, en situation de handicap ou encore en surpoids pourraient bien, un jour, demander à être représentées elles aussi. «C’est vrai, et les six variantes retenues ne sont pas gravées dans le marbre, réagit Sandrine Salerno. Mais l’impossible exhaustivité justifie-t-elle de maintenir le statu quo? Je ne crois pas.» Quant à la diversité masculine, il n’est pas exclu qu’elle soit elle aussi représentée si la personne qui va remplacer Sandrine Salerno s’y intéresse.

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«Toutes les politiques genrées prennent le risque de se heurter à cet écueil», estime Marylène Lieber, sociologue à l’Université de Genève et spécialiste de la violence contre les femmes dans l’espace public. A ses yeux, la réflexion prouve une chose: présentée comme neutre, la norme masculine se retrouve jusque dans les aspects techniques les plus triviaux. «Dès lors, modifier l’aspect des panneaux de signalisation s’intègre dans une réflexion plus large sur la dimension sexiste des espaces publics: il importe de déconstruire ces stéréotypes pour repenser une société plurielle.» Pourquoi ne pas avoir opté pour un pictogramme neutre, un être humain au sens d’Homo sapiens? «C’est peut-être l’étape suivante, estime Marylène Lieber. C’est parce que la ville favorise le débat sur les discriminations de genre avec cette action qu’une telle réflexion sera un jour possible.»

«Etre humain de référence»

Très engagée dans les questions d’égalité, la conseillère nationale verte vaudoise Léonore Porchet s’intéresse à la démarche genevoise. «Le manque de visibilité des femmes dans l’espace public contribue à les exclure, affirme-t-elle. Résoudre le problème passe par les panneaux de signalisation mais aussi les noms de rues, comme nous l’avions proposé dans le canton de Vaud.» A Genève, le collectif féministe L’Escouade a rebaptisé une centaine de rues l’été dernier en l’honneur de femmes illustres. Si les plaques violettes ornent toujours les carrefours de la ville, impossible de savoir si elles perdureront.