Cette photographe recrée sa version inclusive du défilé Victoria's Secret

Publié le Lundi 20 Janvier 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Le photoshoot de Linda Blacker célèbre la mode inclusive.
Le photoshoot de Linda Blacker célèbre la mode inclusive.
Et si on déboulonnait les diktats de la mode à grands coups de diversité ? C'est là la démarche de Linda Blacker. A travers son propre défilé Victoria's Secret, cette photographe et directrice artistique s'exerce à mettre en lumière celles qui demeurent trop loin des podiums.
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Tout est né d'une indignation. Et plus précisément, des mots d'Ed Razek, l'ancien directeur marketing de L Brands, propriétaire de la célèbre marque de lingerie Victoria's Secret. En interview, le dirigeant a déclaré qu'il ne ferait jamais, au grand jamais, défiler des mannequins transgenre ou de grande taille. Pourquoi ? Car un tel spectacle est censé "vendre du fantasme". Et parce que, selon lui, "personne ne s'y intéresserait". Difficile de faire plus grossophobe, sexiste et transphobe. Fort heureusement, Linda Blacker compte bien démontrer que, si, les gens "s'y intéressent", Eddy.

Sur Instagram, l'artiste a suscité un grand nombre de réactions enthousiastes en présentant son défilé Victoria's Secret à elle. A savoir, un photoshoot de mannequins totalement inclusif, lui. Une version "perso" (presque pirate) et militante à souhait d'un événement ultra-médiatisé, annulé cette année suite à de trop nombreuses polémiques (notamment au sujet de l'exploitation et du harcèlement de plusieurs "Anges" de la marque).

"La représentativité est vraiment importante pour moi. Je suis passionnée par le fait de créer des images qui donnent du pouvoir à toutes les femmes", explique l'artiste au magazine Shape. Et on ne peut qu'applaudir.

Un défilé qui défie les "fantasmes"

Car n'en déplaisent à ceux qui ne jugent pas le show suffisamment "fantasmagorique", la photographe est bien décidée à faire rimer fashion et diversité. Ses modèles aussi. Elles ont pour noms Imogen Fox, Juno Dawson, Enam Asiama, Vanessa Sison, ou encore Megan Jayne Crabbe (autrice du livre Body Positive Power). Et leurs corps ne correspondent pas aux normes de beauté. Ce qui ne les empêche pas de porter haut et fort des ailes d'anges, le temps de quelques photographies iconiques au possible, likées plus d'une quinzaine de milliers de fois et imaginées avec l'aide de Terri Waters, le fondateur du magazine body positive The Unedit. Des clichés qui comptent autant pour elles que pour celles et ceux qui regardent.

"Ma relation avec mon corps a été ridiculement complexe au fil des ans. Mais en rencontrant les autres mannequins, j'ai réalisé que mes problèmes découlaient principalement du fait que d'autres personnes jugeaient mon corps. Et que je ne devais pas leur donner ce pouvoir", explique la mannequin transgenre Juno Dawson sur Instagram. Cette séance-photo fut comme une longue introspection pour elle, aux indéniables vertus, et Dawson espère qu'il en sera de même pour les femmes transgenre qui regardent.

Idem pour Imogen Fox, mannequin queer et handicapée, qui n'en pouvait plus de "l'idéal du corps blanc et mince", fustige-t-elle sur Insta. Un panorama bien trop monochromatique et pourtant omniprésent, des événements de la mode aux publicités qui envahissent magazines et espace public.

Au gré des posts de ces mannequins très inspirantes se succèdent divers mots-clés stimulants comme il faut (#bodypositive #bodypositivity #lgbtq #transgender, #transisbeautiful) et, sur ceux de la photographe, un mot d'ordre, aussi concis qu'essentiel : #diversitymatters. Comprendre, la diversité importe. Une phrase en apparence naïve et qui, pourtant, est loin de résonner dans les couloirs des défilés. Mais pour l'artiste, cela ne peut plus durer. "Je voulais faire savoir que la lingerie est pour tous les corps, montrer et soutenir que tous les corps sont beaux et doivent être vus et représentés dans les médias. Les grandes tailles mais aussi les femmes noires, asiatiques, trans, handicapées", clame-t-elle encore sur ses réseaux sociaux.

"Je suis ravie d'avoir travaillé avec toutes ces belles femmes qui ont donné vie à ce tournage. S'il vous plaît, allez leur montrer un peu d'amour sur leur Instagram !", achève Linda Blacker. Difficile de ne pas la prendre au mot et de lâcher un petit "Beautiful", comme a pu le faire l'actrice britannique et militante féministe Jameela Jamil du côté de Twitter. Sans oublier, bien sûr, de féliciter celles et ceux qui, malgré tout, s'exercent à rendre la mode plus inclusive - c'est par exemple le cas de Rihanna et de sa marque de lingerie Fenty. Une bonne marche à suivre pour 2020 ?