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Violences conjugales: pourquoi la levée du secret médical fait débat?

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Afin de venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales, un projet de loi propose la levée du secret médical, qui permettrait au personnel soignant de signaler les femmes en danger aux autorités, sans accord de ces dernières.

L'Assemblée nationale se penche ce mardi sur un nouveau texte LaREM consacré aux violences conjugales. Il doit notamment permettre un signalement du médecin aux autorités en cas de "danger immédiat" de la patiente. Le texte propose de permettre "au médecin et à tout soignant de porter à la connaissance des autorités, sans l’accord de la victime, des faits de violences conjugales", brisant ainsi le sacro-saint secret médical.

Chaque année, plus de 210.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur compagnon. Et d'après la thèse du docteur Marie Le Bars, un médecin généraliste reçoit en consultation entre deux et trois femmes victimes de violences conjugales par jour, sur 25 consultations.

En cas "d'urgence vitale immédiate"

L'article 226-13 du Code Pénal encadre le secret médical, mais l'article 226-14 donne déjà des exceptions à cette règle quand le médecin se trouve face à un mineur en danger. Le projet de loi prévoit d'intégrer à cet article une levée du secret médicale pour les violences conjugales, afin de venir en aide à celles qui n'osent pas signaler les coups de leur conjoint.

Après discussions, l'Ordre des médecins s'est déclaré favorable à une levée partielle du secret médical dans les cas "d'urgence vitale immédiate" en décembre.

Il est noté que le médecin pourra - sans obligation - signaler sa patiente sous plusieurs conditions: il devra avoir "l’intime conviction que la victime majeure est en danger immédiat et qu’elle se trouve sous l’emprise de l'auteur" (des coups, ndlr), et "s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République".

Mais en commission mi-janvier, des réticences se sont exprimées contre cette levée du secret, y compris dans la majorité, avec la députée MoDem et ex-magistrate Laurence Vichnievsky. Des élues comme Valérie Boyer (LR) ou Cécile Untermaier (PS) ont dit craindre que la mesure ne soit contre-productive, risquant de briser le lien de confiance entre les victimes et leur médecin. 

"Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance"

"Le médecin c’est un repère. Si je ne me sens plus en confiance, je n’irai plus le voir. J’aurais peur qu’il parle", expliquait au Monde une femme victime de violences conjugales. Si elles ne sont pas convaincues elles-mêmes qu'il faut témoigner, "elles vont nier les violences devant les policiers ou le procureur et là on aura tout faux", explique au quotidien Marie Le Bars, médecin généraliste à Lyon.

"Le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c'est elle qui doit porter plainte (...) Lever le secret médical serait rompre le lien de confiance", précisait à l'AFP le docteur Gilles Lazimi, médecin généraliste. La crainte est que des femmes battues pourraient ne même plus aller se faire soigner, de peur d'être signalées.

Dans une tribune publiée dans L'Obs mi-novembre, plusieurs médecins avaient listé des propositions alternatives pour encourager les femmes victimes de violences conjugales à se signaler elles-mêmes, notamment via un questionnaire, et l'incitation du personnel soignant à systématiquement poser la question: "Avez-vous été victime de violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles au cours de votre vie ?".

Salomé Vincendon