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En Argentine, le violeur de Lucia, 11 ans, condamné à dix-huit ans de prison

L’enfant avait dû être soumise à une césarienne à cause du retard pris par l’administration pour un avortement. Les médecins qui l’ont opérée sont toujours accusés d’homicide.

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Publié le 15 février 2020 à 13h51, modifié le 16 février 2020 à 13h14

Temps de Lecture 4 min.

Lucia (le prénom a été modifié) va pouvoir dormir plus tranquille. Son violeur a été condamné, vendredi 14 février, à dix-huit ans de prison. La fillette n’avait que 11 ans lorsqu’elle est tombée enceinte à la suite de viols commis par le compagnon de sa grand-mère, âgé alors de 65 ans. Malgré ses supplications, elle n’avait pas pu avorter et avait dû être soumise à une césarienne à cinq mois de grossesse, le 27 février 2019. Le bébé était mort dix jours plus tard.

Cecilia Ousset, une des médecins ayant réalisé la césarienne, a publié après le procès sur son compte Facebook une photo du condamné menotté et emmené par un policier. « Lucia avait explicitement demandé : “Je veux la photo du vieux menotté pour pouvoir dormir tranquille” », a justifié Mme Ousset.

Le procès, qui s’est tenu à Tucuman, dans le nord-ouest de l’Argentine, a suivi une procédure accélérée et a duré une seule journée. L’homme a été condamné pour « viol doublement aggravé par les graves dommages à la santé mentale et physique de la fillette et par la situation de cohabitation ». Lucia ne vivait en effet pas chez sa mère, depuis que ses sœurs avaient été violées par leur beau-père et que les trois enfants avaient été placées chez leur grand-mère, dans le petit village de Burruyacu.

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Symbole de la restriction de l’accès à l’avortement

Pendant l’audience, la mère de Lucia a demandé que soit appliquée la peine maximale, de vingt ans de prison, contre l’accusé, « qui a causé un mal terrible et a détruit la vie et laissé des marques à [sa] fille et à toute [sa] famille ».

« Ce procès accéléré avec une peine frôlant le maximum prévu a été la meilleure option pour protéger l’enfant, qui ne devra pas passer par un procès long qui pourrait la revictimiser et être stigmatisant alors qu’elle est en train de reconstruire sa vie », ont déclaré les avocats des organisations qui représentaient Lucia, Emilio Guagnini, d’Avocat et avocates du Nord-Ouest argentin pour les droits humains et les études sociales (Andhes) et Celia Debono, du Comité d’Amérique latine et des Caraïbes pour la défense des droits des femmes (Cladem).

Le tribunal a également exigé des autorités de la province de Tucuman une assistance psychologique gratuite pour Lucia, une bourse pour qu’elle puisse continuer ses études et une assistance sociale pour elle et pour sa famille.

Lucia était devenue le symbole de la restriction de l’accès à l’avortement en Argentine, alors qu’il est normalement autorisé par le code pénal de 1921 en cas de viol et en cas de danger pour la santé de la femme enceinte. Lorsque sa grossesse avait été détectée, elle avait expressément demandé qu’on lui « enlève ce que le vieux [lui] avait mis dedans ».

Face à ses tendances suicidaires, Lucia avait été hospitalisée pendant quatre semaines en février 2019, pendant lesquelles les autorités de l’hôpital Eva-Peron avaient argué d’une hésitation de sa mère pour retarder la pratique. La procureure chargée des homicides de Tucuman, Adriana Giannoni, avait envoyé d’office un recours intimant à l’hôpital l’ordre de ne pas réaliser l’interruption de grossesse. Lorsque, finalement, sous la pression des organisations féministes, la juge aux affaires familiales avait ordonné la réalisation de l’avortement, la totalité des médecins de l’hôpital, craignant des conséquences judiciaires, avaient refusé d’y participer.

Accusés d’homicide

L’hôpital avait dû faire appel à des médecins du secteur privé, José Gijena et Cecilia Ousset, qui se sont résignés à réaliser une césarienne face à l’état avancé de la grossesse de Lucia. Des échantillons de cordon ombilical et de placenta avaient été préservés dans l’optique d’un procès contre le violeur de Lucia. Les analyses d’ADN ont confirmé que le compagnon de sa grand-mère était bien l’auteur du viol.

Le bébé, qui ne pesait que 600 grammes, n’a pas survécu plus de dix jours. La procureure Giannoni a alors ouvert une enquête contre M. Gijena et Mme Ousset pour homicide aggravé. Pendant le procès, les organisations Andhes et Cladem ont exigé l’abandon des poursuites contre les médecins.

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En Argentine, quelque 355 000 avortements sont pratiqués tous les ans dans la clandestinité. Depuis les débats au Parlement sur la légalisation de l’interruption de grossesse en 2018 – la loi avait été repoussée par au Sénat le 9 août –, le nombre d’avortements pratiqués légalement, dans le cadre des exceptions prévues par la loi, a fortement augmenté, mais des femmes continuent de mourir lors d’avortements pratiqués dans de mauvaises conditions sanitaires.

Le président argentin, Alberto Fernandez (péroniste), au pouvoir depuis le 10 décembre 2019, a annoncé qu’il présenterait le 1er mars un nouveau projet de légalisation. « Je ne veux plus qu’aucune femme ne meure dans un avortement », avait-il déclaré lors d’un entretien au Monde le 6 février. Les organisations féministes prévoient un « pañuelazo » (manifestation au foulard vert, symbole de la lutte pour le droit à l’avortement) le 19 février à Buenos Aires et dans une centaine de villes du pays. A Paris, un rassemblement doit avoir lieu place de la République.

L’Eglise argentine, de son côté, organisera une « messe pour la vie » et appelle à un rassemblement contre la dépénalisation de l’avortement le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

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